LES LOGIQUES qui soutiennent la tarification à l'activité (T2A) et les Sros de troisième génération sont-elles compatibles ? La question agite le monde hospitalier. L'enjeu est de savoir lequel de ces deux outils régentera la planification sanitaire dans les années à venir. L'Uhrif a organisé son congrès annuel sur ce thème. Certains craignent que la T2A, avec ses effets restructurants, prennent le dessus sur le Sros 3. Ce scénario libéral pourrait conduire les autorités à supprimer telle activité non rentable, sans que cela soit conforme aux besoins sanitaires de la population.
Convié à la table ronde de l'Uhrif, un membre du cabinet du ministère de la Santé s'est voulu rassurant. Les Sros de troisième génération, prévus pour durer cinq ans, « seront révisables à tout moment », a-t-il déclaré ; ils devront « s'adapter rapidement à la réalité et à l'évolution des besoins ».
Quid en cas de dépassements ?
L'Ile-de-France, comme les autres régions, planche depuis des mois sur l'élaboration de son Sros 3. Le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation, Philippe Ritter, a annoncé au congrès que les délais devraient a priori être tenus. C'est donc en mars prochain que le Sros 3 francilien devrait être publié. Mais la réflexion prend du retard faute de visibilité : « Nous attendons toujours les décrets sur la cancérologie et les urgences », a noté Philippe Ritter, de même que « la publication du dispositif de sanctions relatif aux objectifs quantifiés ».
En annexe du Sros 3, et c'est une nouveauté, doivent en effet figurer des objectifs quantifiés précisant, pour chaque territoire de santé (l'Ile-de-France en compte 28), les sites où seront implantées de nouvelles activités ainsi que des niveaux d'activité maximaux pour un certain nombre de disciplines. Ces objectifs seront opposables ; ils pourront faire l'objet de sanctions s'ils ne sont pas respectés.
Mais, pour l'Arhif comme pour les directeurs d'hôpital, le dispositif reste flou. Du côté du ministère, on certifie que le pragmatisme prévaudra. « Les objectifs quantifiés ne sont pas des quotas, il n'est pas prévu de sanctions automatiques » en cas de dépassement, explique le conseiller de Xavier Bertrand, en précisant : « On n'est pas dans la logique de se dire qu'au-delà de tel nombre précis d'actes, l'assurance-maladie ne payera plus. »
Malgré tout, les directeurs d'établissement continuent de s'interroger. « Que va-t-il se passer quand on dépassera les objectifs d'activité ? », demande l'un d'eux. Question sans réponse. Les médecins ne sont guère plus rassurés. « Si l'objectif annuel d'activité est atteint dès le mois de septembre, que dirons-nous à nos patients ? D'aller voir le confrère d'à côté, ou de revenir l'an prochain ? », s'interroge le Dr Guy Renou, du centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain.
L'intervention du président de la Fédération hospitalière de France (FHF), centrée sur la convergence tarifaire public-privé, a pris un tour plus politique. « Trou noir, puits sans fond... : cela suffit. Nous ne pouvons accepter plus longtemps ces attaques à répétition qui visent l'hôpital public, a déclaré Claude Evin. Mobilisons-nous tous pour valoriser notre secteur (...), et pour montrer que l'hôpital est l'un des services publics les plus performants. »
Une note du Haut Conseil
Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (Hcam) examine demain un « document de travail » de 62 pages sur l'hospitalisation, dont « le Quotidien » a eu copie. Ce champ d'étude n'est pas anodin puisque la dépense des établissements (hôpitaux publics, médico-social et cliniques) s'élève à 66 milliards d'euros en 2004, soit plus de la moitié de l'Objectif national de dépenses de l'assurance-maladie (Ondam). Pour 2006, le Haut Conseil compte multiplier les sujets d'investigation sur l'hôpital : détermination des budgets; accréditation, contrôle interne et externe; restructuration (plateaux techniques, Sros de troisième génération) ; relations ville-hôpital. D'ores et déjà, le Haut Conseil s'est penché sur la réforme de la T2A. Dans le secteur public, l'achèvement du processus de convergence tarifaire n'est prévu qu'en 2012 (25 % en 2005). Dans sa note, le Haut Conseil juge que, « globalement, les ajustements de moyens résultant de la montée en puissance de la T2A n'ont pas d'une année sur l'autre d'incidence brutale ». Au terme du processus, les diminutions de moyens alloués aux hôpitaux « surdotés » seraient (aux volumes d'activité et tarifs actuels) de « 1,19 milliard d'euros soit 7,2% de leur budget initial », ce qui suppose des ajustements annuels d'environ 0,9 %, jugés « crédibles ». Quant aux gains de moyens alloués aux établissements « sous-dotés », ils seraient également de 1,19 milliard, soit 7,8 % de leur budget. Mais cette approche ne rend pas compte de la contrainte pour chaque hôpital. Un tiers des établissements surdotés devront réaliser des efforts de productivité « importants ». Du coup, la montée en charge de la T2A dans les hôpitaux « requerra peut-être des procédures d'accompagnement ». Surtout, le Haut Conseil estime qu'il « n'est guère envisageable de forcer l'allure » sauf à soumettre le secteur public à des « tensions irréalistes ».
> C. D.
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