SELON LES DONNÉES de l'InVS, tous les indicateurs de l'évolution des IST (infections sexuellement transmissibles) sont au rouge : la syphilis, qui avait quasiment disparu dans les années 1990, est réapparue à la fin de l'année 2000, des cas de lymphogranolumatose vénérienne rectale (LVG) ont été diagnostiqués en France pour la première fois en 2003, les infections à Chlamydiae trachomatis et les gonococcies sont en hausse. Ces IST touchent principalement les hommes, suggérant un relâchement des comportements de prévention et d'une reprise des conduites à risque, en particulier chez les homosexuels.
Les cas de syphilis concernent majoritairement des hommes (95 %), dont l'âge moyen est de 36,7 ans, en majorité ceux qui ont des rapports avec des hommes (80 %). La proportion des hétérosexuels est plus élevée à Paris qu'en province. Après une diminution en 2005, le nombre de cas était de nouveau en progression, selon le dernier bilan de 2006. Les cas de LVG rectale, en hausse de 11 %, concernaient essentiellement des hommes, le plus souvent séropositifs pour le VIH. Si la plus forte progression des infections à Neisseiria gonorrhoea a été observée chez les femmes, les hommes restaient majoritaires (84 %) et la proportion de souches anales en augmentation. Plus inquiétant, le pourcentage de souches résistantes à la ciprofloxacine a continué à progresser, pour atteindre les 43 %.
Porteurs de l'infection sans le savoir.
Les IST considérées comme des indicateurs indirects de la transmission du VIH (même mode de transmission) peuvent également aggraver le pronostic de l'infection par le VIH. L'arrivée des trithérapies en 1996 a profondément modifié les représentations de la maladie et des risques liés à la sexualité. Or, même si elles sont en baisse avec 6 300 nouveaux cas en 2006, contre 6 700 en 2005, les contaminations par le VIH se poursuivent. Prévention et dépistage restent dans ce contexte des enjeux majeurs.
La récente enquête sur les contextes de la sexualité en France (CSF)*, dirigée par Nathalie Bajos et Michel Bozon, a permis pour la première fois d'estimer en population générale la prévalence de l'infection à C. trachomatis, la plus fréquente des IST. Ce volet de l'enquête (NatChla) montre l'ampleur de la sous-estimation des IST. Des prélèvements réalisés à domicile (1 135 hommes, 1 445 femmes) étaient positifs pour 1,4 % des hommes et 1,6 % des femmes de moins de 45 ans. Ces sujets dépistés dans le cadre de l'enquête, en dehors de toute demande médicale, étaient porteurs de l'infection sans le savoir. La prévalence estimée était cinq fois plus élevée que la proportion de ceux qui avaient déclaré au cours de l'enquête avoir eu une infection à CT diagnostiquée dans les cinq dernières années. «La sous-estimation apparaît majeure et existe à tous les âges, plus encore chez les hommes que chez les femmes», notent Josiane Warszawski et Véronique Goulet. L'enquête souligne l'insuffisance de dépistage chez les hommes. Les femmes ont sans doute, expliquent les deux auteures, plus d'occasions d'être dépistées de manière systématique lors d'une consultation pour la contraception, d'un examen gynécologique ou d'une grossesse, mais elles ont moins de chance de l'être précocement car les hommes avertissent moins souvent leur partenaire qu'ils ont une IST.
Les hommes sont aussi moins nombreux que les femmes à se traiter partiellement ou complètement et sont beaucoup moins enclins à modifier leurs pratiques sexuelles après une IST. Ils continuent à avoir des comportements plus à risque que les hommes sans antécédent d'IST, alors que les pratiques des femmes deviennent similaires à celles qui n'ont pas d'antécédent. L'impact du sous-dépistage, dans le cas des infections à C. Chlamydiae, a surtout des répercussions sur la santé reproductive des femmes.
L'utilisation du préservatif, notamment au premier rapport sexuel, a connu une augmentation spectaculaire dans les deux sexes depuis 2000 (82,5 % des femmes et 87,5 % des hommes). Cependant, les pratiques préventives restent insuffisantes en cas de nouveau ou de plusieurs partenaires dans les douze derniers mois.
Une des tendances fortes relevées par l'enquête CSF est le rapprochement au cours des années, des comportements sexuels entre hommes et femmes. Cependant, les hommes restent encore plus nombreux à déclarer avoir eu beaucoup de partenaires (10,9 % des femmes et 35,4 % des hommes déclarent en avoir eu au moins 10) et ils sont plus nombreux que les femmes, deux fois plus chez les 18-24 ans, à séparer sexualité et affectivité.
Quant aux pratiques homosexuel-les, les personnes qui ont déclaré avoir eu de tels rapports dans les douze derniers mois ont également une activité sexuelle plus diversifiée que les autres, avec une entrée plus précoce dans la vie sexuelle, des partenaires plus nombreux, rencontrés plus fréquemment sur Internet.
* « Enquête sur la sexualité en France », Éditions La Découverte, 603 pages, 27 euros.
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