LE TEMPS où l'on culpabilisait les femmes victimes de violences, en exigeant d'elles qu'elles fassent cesser les agissements de leur propre agresseur, mari ou ex-petit ami, va-t-il enfin être révolu ? C'est ce qu'espère la Fédération nationale Solidarité Femmes (Fnsf) en lançant, à partir du 21 novembre, une campagne de sensibilisation à la télévision (TF1, France 2, M6, RTL9, MCM, Canal+ et TVa). S'inspirant de six affiches, placardées sur les murs de 14 villes de Seine-Saint-Denis, depuis le 20 septembre 2004 et pour un an encore, Solidarité Femmes a pour objectif majeur d'informer le grand public sur l'ampleur du fléau et de mettre l'accent sur la nécessité de désigner les coupables.
Une sur dix.
Tout est dit dans le spot de quelques secondes. Une femme court dans la pénombre d'une forêt. Manifestement, elle est poursuivie. Elle se prend les pieds... dans un tapis, puis heurte une commode et un lampadaire. Un tableau et une prise électrique se dessinent sur l'écran : la femme, en fait, est entre quatre murs, chez elle. « Une sur dix vit dans la terreur au sein même de son foyer. » Son ennemi est son mari, ou son ex-compagnon. A leur adresse, un panneau indique qu'ils encourent de trois à cinq ans de prison, voire vingt ans, ou, en cas de meurtre, la perpétuité. Puis un second panneau, porteur du numéro de téléphone de Solidarité Femmes (01.40.33.80.60), souligne que « la violence n'est pas une affaire privée ».
Une femme sur dix est victime de violences, et tous les deux jours on dénombre un décès. Soixante pour cent des interventions nocturnes de la police concernent des violences conjugales. Huit pour cent portent plainte et seulement 6 % de ces démarches ont des suites judiciaires.
En termes de santé publique, les chiffres sont non moins parlants. Une femme battue et/ou humiliée perd de une à quatre années de vie en bonne santé. Sa prise en charge en ambulatoire coûte 2,5 fois plus cher qu'un autre accompagnement sanitaire. Cinq pour cent des victimes font une tentative de suicide, soit 25 fois plus que les femmes qui sont respectées dans leur foyer. Une sur deux souffre de dépression. Une femme sur trois qui se rend aux urgences d'un hôpital et une sur quatre en consultation chez un généraliste ou chez un psychiatre déclarent avoir été maltraitées durant leur vie. Enfin, les deux tiers des enfants exposés aux violences subies par leur mère sont eux-mêmes des victimes psychologiques, qui, plus tard, auront de 6 à 15 fois plus de risques d'être violentés à leur tour.
« Il est important que nous nous interrogions tous, à des titres divers, sur ces violences faites aux femmes, dit au "Quotidien" le Dr Gilles Lazimi, médecin coordinateur de la campagne. Il faut que l'homme remette en question ses propos sexistes. »« Dans ma clientèle, poursuit le généraliste de Seine-Saint-Denis, j'ai pu constater que, sur cent femmes, la moitié étaient violentées, une sur deux faisant état de violences verbales, 31 %, de violences physiques au cours de l'année et 20 %, de violences sexuelles, dont 12 % pendant l'enfance. »
La campagne de Solidarité Femmes, qui se veut sans limite dans le temps, intervient quelques jours avant la 4e Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, qui se déroulera le 25 novembre. La Fnsf est le premier mouvement de lutte contre les violences envers les femmes. Elle regroupe 54 associations gérant 60 établissements.
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