Les histoires de l'Histoire

Publié le 28/04/2003
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Livres

Honneur aux amateurs éclairés et à un médecin, Bernard Hébert, auteur précédemment d'ouvrages historiques universitaires, qui s'est allié au journaliste iranien Khorram Rashedi pour écrire une fresque en deux volumes qui fait revivre le gloire de « Darius, roi des rois ».

Sous-titré « les Perses » (1), le premier tome nous ramène donc au Vè siècle avant Jésus-Christ, lorsque, au terme d'un long règne, le grand Darius part à la conquête de l'Europe. Dans le même temps à Khodabad, une bourgade perse à l'abri des rumeurs de la guerre, la petite orpheline Sétareh - à laquelle le mage Zarathoustra prédit un destin exceptionnel - trouve refuge auprès de Mardochée, dans la modeste communauté juive.
Tandis que ce dernier sera enrôlé malgré lui dans l'infanterie du Roi des Rois et subira la défaite devant le féroce roi scythe Scaupasis, la jeune fille, future reine des Perses, grandit et embellit à Khodabad, le prince Xerxès séduit la reine des Amazones Ketayun, et, dans la capitale perse, la révolte gronde...
La suite de cette fresque ambitieuse et émouvante qui ressuscite de grandes figures bibliques dès la fin de l'année.

Prix Fémina en 1987 pour « L'Egal de Dieu », Alain Absire donne, avec « la Déclaration d'amour » (2), un de ces romans intimes à cadre historique dont il a le secret.
Celui-ci nous plonge carrément dans une tombe, aux confins du désert d'Egypte, dans la Cité du Soleil construite par le pharaon Akhenaton au temps de sa gloire. Seul dans l'obscurité du tombeau, face à une ville en ruine que les ennemis du défunt pharaon viennent piller pierre par pierre, il attend que la mort l'emporte.
Brisé par le retour à l'ordre ancien des prêtres d'Amon, il pense avoir tout perdu : sa renommée et sa fortune, sa foi en Aton - dieu unique à l'amour universel - mais surtout l'amour de sa femme. Son dernier acte est d'adresser à son épouse un chant d'amour et pour cela il remonte le temps bienheureux du règne d'Akhenaton, le pharaon mystique, « le roi ivre de Dieu ». Jusqu'à ce que, à bout de forces et de souvenirs, il décide de retrouver celle qui a cessé de l'aimer...

Auteur des séries « l'Héritière des Templiers » et « la Vengeance des Templiers », Renaud Chantefable publie aujourd'hui le deuxième volet de sa nouvelle série « la Princesse cathare » : « le Chevalier dément » (3).
Où l'on retrouve, en cet an de grâce 1244 et alors que Montségur est tombé, Floriane, la petite rescapée détentrice d'un secret qu'elle doit transmettre aux cathares de Lombardie, dans de nouvelles aventures politiques et sentimentales. Une quête pleine de périls et d'espérances...

Romancier, historien et essayiste, auteur de nombreux ouvrages sur les croyances, les cultures et les religions, Gerald Messadié livre, après « la Rose et le lys », les deux derniers volets de sa trilogie « Jeanne de l'Estoille », intitulés « le Jugement des loups » et « la Fleur d'Amérique » (4).
Son héroïne y poursuit la conquête de son siècle et de sa propre indépendance en même temps que la vie quotidienne de l'époque est retracée dans ses moindres détails.
C'est ainsi que Jeanne, femme de cœur autant que de tête, lutte en ce milieu du XVè siècle pour ne pas sacrifier son nouvel amour, pour un juif, à son honneur. Dût-elle, pour forcer le destin, supporter l'accusation de sorcellerie, braver les docteurs en Sorbonne, ou soumettre son propre frère au jugement des loups.
Et dans le dernier volume, si Jeanne est à nouveau au faîte d'un empire industriel et financier qu'elle gère avec son fils, elle s'ennuie. Jusqu'à sa rencontre avec un garçon de dix-neuf ans dont les dons singuliers d'astrologue le distinguent entre tous. On est en 1492 et bien des certitudes vacillent devant l'inconnu. La trilogie s'achève sur le continent américain...

C'est une peinture beaucoup plus rude de cette fin du XVè siècle que donne Colette Davenat dans « Une sainte colère » (5).
Habituée des fresques historiques, elle a choisi de brosser ici - parce qu'elle a longtemps vécu en Espagne -, une peinture saisissante de l'Inquisition espagnole menée par Torquemada qui s'acharnait en particulier sur les « Conversos », ces juifs convertis soupçonnés de « judaïser » en secret.
L'histoire s'organise autour de Luis de Soca, devenu évêque de Cuenca après avoir soutenu Isabelle la Catholique dans sa conquête du trône et un pilier de l'Inquisition, peu enclin à renoncer à son existence fastueuse et à ses amours secrètes. Mais ses proches deviendront à leur tour victimes du pouvoir qu'il incarne et c'est un homme complètement désemparé qui va finalement rencontrer un certain Cristobal Colomb, prêt à partir pour les Indes...

Le XVè siècle revit encore sous la plume de deux auteurs qui nous amènent à Florence.
Dans « le Prince sans couronne » (6), le premier volume d'une trilogie intitulée « la Malédiction des Médicis », Patrick Pesnot - homme de radio et de télévision aussi - retrace la vie du Magnifique depuis qu'il devient le maître de la Ville en 1469. Esthète, homme d'action, mécène, homme d'Etat ambitieux et habile, adulé par le peuple, aimé des femmes et haï des aristocrates florentins, Lorenzo de Médicis va sortir vainqueur de la guerre qui l'oppose au pape Sixte IV mais déjà, à quarante ans, il est atteint du mal dont souffrent ceux de sa famille, des rhumatismes qui le paralysent peu à peu...

D'origine italienne et spécialiste de la philosophie politique de la Renaissance florentine, Raphaël Cardetti propose dans son premier livre « les Larmes de Machiavel » (7), un roman historique sombre et violent qui se joue d'une référence culturelle connue de tous, Machiavel et son ouvrage le plus célèbre, « le Prince ».
Depuis la chute de la maison Médicis, les tensions montent entre les républicains en place, au premier rang desquels le charismatique moine Savonarole, et les partisans d'un retour au pouvoir aristocratique. Témoin d'un meurtre Niccolo Machiavel, jeune secrétaire de chancellerie, va déjouer un complot visant à renverser la République florentine ; mais ne cherche-t-il pas d'abord à servir ses propres intérêts ?..

Entre thriller historique et roman de cape et d'épée, « le Voleur de vent » (8), le dernier Frédéric H. Fajardie
- auteur d'une trentaine de romans et romans noirs, dont le récent « les Foulards rouges » - est une formidable épopée qui se situe aux premières années du XVIIè siècle, lesquelles marquent aussi la fin du règne de Henri IV.
Car les traîtres, les fleurons de la cour, fourbissent leurs armes, qui ferment autour du roi trois cercles de fer et de mort tandis que s'approche, aux ordres d'un moine défiguré, une horde de loups-garous à demi-fous. Mais c'est sans compter sur le comte de Nissac, amiral des mers du Levant, aussi redoutable sur terre que sur eau.
Dans les ruelles de Paris ou les couloirs du Louvre mais aussi des glaces du Danemark aux côtes d'Afrique, il mènera le combat de la fidélité - sans oublier pour autant les joutes amoureuses, parfois aussi dangereuses...

Sous-titré « Roman carcéral XVIIè », « Au royaume des ombres » (9) d' Hubert Monteilhet, fait suite à « De plume et d'épée », qui retraçait les jeunes années du baron d'Espalungue et aux « Cavaliers de Belle-Ile », dont les péripéties se situent au sortir de la Fronde.
C'est un curieux épisode du règne du Roi-Soleil, entre 1661, année de la disgrâce de Fouquet, et 1692, que l'auteur a choisi de traiter. Cela concerne la vérité de la naissance du futur Louis XIV, qui n'aurait pas été conçu par Louis XIII mais par le duc de Beaufort : étant donné la situation dramatique de la France en 1637, Anne d'Autriche, avec la bénédiction du clergé séculier et régulier - Richelieu et le Père Joseph -, se serait sacrifiée afin d'accoucher d'un Dauphin.
Le récit commence à la mort de la reine mère qui a chargé le baron d'Espalungue de révéler la vérité à Louis XIV, lequel ordonne que Beaufort soit retiré de la circulation. Il restera ainsi pendant plus de trente ans, dans le plus grand secret sous le nom de Dauger, le prisonnier privilégié du chevalier de Saint-Mars...

Fin connaisseur du grand siècle - elle collaboré à l'édition de la « Correspondance » de Mme de Sévigné dans la Pléiade et a publié plusieurs biographies -, Jacqueline Duchêne nous donne, sous le titre « Place Royale » (10), le roman de Marie de Coulanges, qui est aussi la mère de la marquise de Sévigné.
Tout commence en effet dans un hôtel particulier de la place des Vosges, alors la Place Royale, le quartier neuf et chic du Paris de Louis XIII, lorsque la riche héritière épouse un jeune noble ruiné et désireux de redorer son blason, le séduisant Rabutin-Chantal. Qui va s'avérer un peu reluisant coureur, joueur et bretteur, qui sera obligé de s'enfuir pour échapper à la potence après que Richelieu eut interdit les duels.
On comprend que Marie se tourne alors vers un homme fin et attentionné, par ailleurs le meilleur ami de son mari, ce qui ne lui apportera pas le bonheur...

Infatigable, Patrick Poivre d'Arvor continue de conjuguer ses activités journalistiques avec l'écriture et après plus d'une vingtaine de romans, récits et livres divers, il publie « J'ai aimé une reine » (11). Ce n'est pas une autobiographie mais l'histoire des amours en pointillé de Gilbert de La Fayette et de Marie-Antoinette.
Tout a commencé le 26 mars 1774 lorsque, débarquant de son Auvergne natale pour épouser Adrienne de Noailles, le jeune marquis de La Fayette, seize ans et demi, est admis à la cour et présenté à la dauphine, âgée de 18 ans et mariée depuis quatre années déjà au triste Louis-Auguste. Dès lors, leurs chemins se croisent à plusieurs reprises, notamment après que le jeune homme se fut illustré en aidant les Américains à combattre les Anglais. En 1789, alors qu'il est devenu chef de la Garde nationale, La Fayette, déchiré entre son amour impossible et son engagement pour la défense des droits de l'homme et la liberté des citoyens, aura par trois fois l'occasion de sauver la reine...

« Je me suis fixé pour règle de ne jamais m'écarter ici des faits et des paroles, ou strictement avérés, ou impossibles à récuser, tout en usant de mes propres mots pour les dire ». On n'en attendait pas moins d'un prix Goncourt (« la Dentellière », 1974), qui n'a jamais cessé depuis de parfaire une œuvre multiformes, que de donner un roman historique hors normes et donc passionnant concernant une femme également hors du commun, Jeanne du Barry.
Celle que Pascal Lainé appelle « la presque Reine » (12), qui est entrée dans l'histoire pour avoir été, de 1768 à 1774, la dernière maîtresse du roi Louis XV. Réalisé sous la forme de lettres croisées entre les principaux protagonistes et reliées par des interventions du romancier-biographe, on trouve ainsi des textes transcrits, lorsqu'ils sont de provenance avérée, dans leur orthographe originelle, parfois erronée, notamment pour les noms propres ! Et l'on pénètre dans les arcanes les plus secrètes de la cour et l'intimité des chambres mais aussi dans les pensées de cette courtisane aux attraits multiples qui, aujourd'hui encore, continue de séduire...

(1) Editions 1, 283 p., 17 euros
(2) Editions Fayard, 213 p., 15 euros
(3) Editions du Rocher, 304 p., 18,50 euros
(4) Editions L'Archipel, 392 et 407 p., 19,95 euros chaque tome
(5) Editions JC Lattès, 350 p., 19 euros
(6) Editions 1, 315 p., 19 euros
(7) Editions Belfond, 297 p., 18,30 euros
(8) Editions JC Lattès, 670 p., 20,90 euros
(9) Editions de Fallois, 323 p., 19 euros
(10) Editions JC Lattès, 221 p., 18 euros
(11) Editions Fayard, 373 p., 20 euros
(12) Editions de Fallois, 303 p., 19 euros

« les Cheveux de Bérénice », de Denis Guedj :
La Terre et les Ptolémées

Denis Guedj fait partie de cette nouvelle vague d'auteurs au plus haut niveau - il est mathématicien et professeur d'histoire et d'épistémologie des sciences à l'université Paris VIII - qui se proposent de mettre des connaissances parmi les plus pointues à la portée de tous, et qui plus est de façon divertissante. Les lecteurs en redemandent. Il est l'auteur du fameux « Théorème du Perroquet », en 1998, mais aussi de « L'Empire des nombres », de « la Méridienne », du « Mètre du Monde ».
« les Cheveux de Bérénice » ne nous aspirent pas dans le cosmos mais nous ramènent dans l'Egypte grecque du IIIè siècle avant J.-C., alors que régnaient Ptolémée Evergète et son épouse Bérénice. On est à Alexandrie, là où règne Pharaon ; là où a été bâtie la plus grande bibliothèque de l'Antiquité qui avait pour ambition de réunir tous les livres du monde en un seul lieu, 700 000 rouleaux rien que pour le monde grec ; là où bruit le Mouséion, le Musée, véritable institut de recherche étatique où sont rassemblées toutes les disciplines et où furent pratiquées les premières vivisections humaines ; là où brille le phare le plus spectaculaire, l'une de Sept Merveilles du monde.
Dans ce décor exceptionnel la vie reconstituée par Denis Guedj se partage entre l'action et la réflexion : intrigues amoureuses, luttes pour le pouvoir, assassinats d'une part, recherches scientifiques d'autre part. Car Eratosthène, le directeur de la grande bibliothèque, a été chargé par le roi Evergète de mesurer la circonférence de Terre.
Secondé par Théo, le lettré vagabond, celui-ci va se servir du Nil qui, de Syène à Alexandrie, s'écoule du sud vers le nord et épouse donc le trajet d'un méridien. Il suffisait d'y penser ! Le reste coule de source, jusqu'au résultat final établi par Erasthotène qui était de 39 600 kilomètres ; aujourd'hui, les mesures les plus précises donnent, pour le tour de la Terre, 40 000,07 kilomètres...
Mission à nouveau accomplie d'une synthèse réussi entre le romanesque et la vulgarisation scientifique.

Editions du Seuil, 380 p., 20 euros

Martine FRENEUIL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7325