Le « Cos[147] fan tutte » tant attendu dans la mise en scène de Patrice Chéreau, marquant son retour à l'opéra après une absence de onze ans (le dernier était « Don Giovanni » au festival de Salzburg), aura été une déception quasi unanime soulignée par la presse internationale venue en masse saluer l'événement. Le metteur en scène français qui a tant fait pour le dépoussiérage du théâtre lyrique qui, dans les années soixante-dix, s'embourbait entre tradition et sacrilège, avec des spectacles aussi merveilleux que le « Ring », de Wagner à Bayreuth, « les Contes d'Hoffmann », d'Offenbach, et « Lulu », de Berg, à Paris, pour ne citer que les plus réussis, semble un peu en panne s'agissant de ses deux dernières tentatives de mettre Mozart et Da Ponte en scène.
Son « Don Giovanni » salzbourgois en 1994, quoiqu'un spectacle très esthétique, n'apportait pas grand chose à notre connaissance scénique de ce chef d'œuvre.
Plus périlleux, car très enraciné dans les codes sociaux et amoureux du XVIIIe siècle, « Cos[147] fan tutte », avec ses longueurs et ses travestissements, met non seulement en péril deux couples d'amoureux manœuvrés par un vieillard philosophe cynique et une soubrette rouée et revenue des hommes, mais aussi celui qui s'y attaquerait sans respecter ce qui est parfaitement écrit dans le libretto et non écrit mais bien signifié dans la partition.
Pour ne pas avoir su trouver l'équilibre entre la comédie et l'amertume qui existe derrière, Chéreau est passé à coté de l'esprit typiquement dix-huitième siècle de l'œuvre. Da Ponte n'est pas Marivaux et prendre tout cela trop au sérieux fait sombrer l'entreprise dans la tristesse. De même, enlever à « Cos[147] » ses racines napolitaines en le représentant dans un décor unique (Richard Peduzzi) qui figure les coulisses d'un petit théâtre provincial, fût-il italien (l'inscription « Vietato Fumare » peinte sur le mur est-elle une référence humoristique au Vésuve ?), banalise beaucoup l'histoire. Inutile de dire que le travail de Chéreau directeur d'acteurs est à la hauteur de sa réputation, trop peut-être car à force de trop expliquer on brouille les pistes. Et toute cette figuration ajoutée ne nuit-elle pas à la concentration sur l'intrigue ?
Erreur de distribution.
Musicalement, même si certains éléments sont à sauver, le spectacle n'était pas digne du grand festival international d'art lyrique qu'Aix prétend être. Direction très inexpérimentée pour le théâtre lyrique de Mozart et restant en surface du très jeune chef britannique Daniel Harding, avec des tempi très irréguliers, une articulation dure et une rythmique très sèche, à la tête du Mahler Chamber Orchestra. Il sera d'ailleurs remplacé à l'Opéra de Paris par le plus expérimenté Gustav Kuhn, un familier des lieux.
Dans la distribution très inégale réunie par Aix que l'on retrouvera identique à Paris, seuls Stéphane Degout (Guglielmo) et Elina Garanga (Dorabella) sont au niveau supposé satisfaisant pour chanter l'œuvre avec aise. Ce n'était pas le cas de l'autre couple Erin Wall (Fiordiligi) et Shanwn Mathey (Ferrando) aux moyens insuffisants. Les choix pour Alfonso de Ruggiero Raimondi, désormais réduit à un chant voguant entre parlando et aboiements, de plus fâché avec la mesure et très conventionnel comédien, ainsi que pour Despina, de Barbara Bonney en grande méforme vocale et ni physiquement, ni vocalement crédible en soubrette, relèvent de l'erreur de distribution.
Les spectateurs parisiens qui n'ont pas encore vu cette mise en scène à Aix où lors de sa retransmission sur Arte pendant le festival pourront juger sur pièce (1), les autres attendront la parution annoncée du DVD (2).
(1) Opéra de Paris, palais Garnier (0.892.89.90.90 et www.operadeparis.fr) les 12, 15, 18, 21, 26 et 29 septembre ; les 5, 7, 10, 13 et 15 octobre.
(2) 1 DVD à paraître chez EMI Classics.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature