« ...On y voit des policiers plus corrompus que les malfaiteurs qu'ils poursuivent. Le détective sympathique ne résout pas toujours le mystère. Parfois il n'y a pas de mystère. Et quelquefois même, pas de détective du tout. Mais alors ?... », apostrophait il y a plus de 50 ans Marcel Duhamel.
Alors ? les amateurs de polars savent évidemment qu'il s'agit de la fameuse Série Noire qui, depuis 1945, la publication de « la Môme vert-de-gris » de Peter Cheney et 2 630 numéros plus tard, revêt des habits neufs sans pour autant renoncer à son style.
10 romans d'auteurs de 6 nationalités différentes, dont le nouveau Didier Daeninckx, premier épisode d'une trilogie consacrée à Maxime Lisbonne, son nouveau héros, viennent de paraître pour fêter l'événement.
Mais souvenons-nous. La France de l'après-Guerre se passionne rapidement pour ces romans américains d'un genre nouveau que leur font connaître Marcel Duhamel - le traducteur de Steinbeck ou d'Hemingway - et Claude Gallimard ; la Série Noire prend forme et, avec ses livres cartonnés jaune et noir, recouverts de la mythique jaquette noire et blanche, la collection devient une formidable machine à broyer du noir.
De plus en plus d'auteurs s'inscrivent au tableau d'honneur, James Hadley Chase, Paul Cain, Raymond Chandler, Horace McCoy, Don Tracy, William Riley Burnett, Dashiell Hammett... Dans les années 50, des nouveaux noms apparaissent : Jim Thompson, Kenneth Millar, David Goodis, Carter Brown, Donald Westlake, Ed McBain et bien sûr, en 1958, Chester Himes avec « la Reine des pommes ».
Mais le mérite de Marcel Duhamel est aussi d'avoir suscité des vocations chez les Français, depuis Serge Arcouët qui, dès 1948, s'est imposé sous le pseudo de Terry Stewart, avant Albert Simonin (« Touchez pas au grisbi ! »), Jean Amila, Ange Bastiani, Auguste Le Breton, Antoine-Louis Dominique (la saga du « Gorille ») ou Pierre Lesou (« le Doulos »)...
L'après mai 68 a vu éclore d'autres talents, dont Jean-Patrick Manchette puis Tito Topin, Didier Daeninckx ou Jean-Bernard Pouy. Si le numéro 1 000 de la collection célébrait un auteur américain vedette, Jim Thompson, le deux millième volume a salué un des meilleurs représentants de cette nouvelle génération, Thierry Jonquet.
Après que Patrick Raynal, lui-même auteur de polars, a pris à l'aube des années 90, les commandes de la Série, une page s'est encore tournée avec l'entrée de Maurice G. Dantec ou de Jean-Claude Izzo, qui est aujourd'hui l'auteur le plus vendu de la collection ; mais aussi avec l'irruption de nombreux auteurs des quatre coins du monde, allemands (Jürgen Alberts), finlandais (Matti Yrjänä Joensuu), italiens (Nicoletta Vallorani), espagnols (Andreu Martin), norvégiens (Stig Holmas), albanais (virion Graçi)...
L'aventure continue, toujours inscrite en lettres jaunes et emballée dans le noir et blanc mais illustrée : le présent se mêle au passé pour assurer l'avenir.
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