LE COLLEGE national des gynécologues et obstétriciens français (Cngof) dénonce «l’intégrisme musulman» à l’hôpital, en se déclarant «solidaire» de deux d’entre eux agressés par les maris de patientes au prétexte qu’ils sont des hommes. Le mois dernier, le Pr Jean-François Oury, de l’hôpital parisien Robert-Debré, a été giflé et, quatre mois auparavant, un praticien hospitalier francilien travaillant «en zone sensible» avait été victime d’un époux intégriste irascible. Tous deux ont porté plainte pour coups et blessures. «Les gynécologues-obstétriciens hommes devront-ils désormais être protégés par la police pour exercer leur métier? Devront-ils disparaître comme les professeurs de philosophie?», interpelle le Cngof en faisant allusion à Robert Redeker placé sous surveillance après avoir publié un article dans lequel il s’interrogeait sur la réponse du monde libre face à l’intégrisme musulman.
«Devrons-nous aussi, pour suivre des coutumes ancestrales, faire des excisions au motif que cela serait mieux réalisé que par une exciseuse professionnelle?»«Il y a trente ans, les femmes musulmanes venaient dans nos hôpitaux sans l’appréhension d’être prises en charge par des médecins généralement hommes, et il n’y avait pas ces difficultés, ces violences», témoignent les Drs Jacques Lansac et Emile Daraï, respectivement président et secrétaire général du Collège. «Devons-nous nous laisser faire et régresser nous aussi? C’est à l’islam de s’adapter à la liberté individuelle nécessaire à tous dans un Etat moderne, et non l’inverse», estiment les deux spécialistes.
Non aux certificats de virginité à la demande des familles.
«Nous le disons fermement, nous continuerons à avoir des services où les médecins hommes ou femmes apporteront les soins aux patients quel que soit leur sexe, poursuivent les Drs Lansac et Daraï. Nous défendrons la liberté des femmes à se déterminer sur la contraception, l’avortement, la stérilisation sans l’avis de leur mari. Nous refuserons de faire des certificats de virginité à la demande des familles comme nous le recommande le Conseil de l’Ordre (voir encadré), car c’est une atteinte à la dignité de la jeune femme dont nous devrions attester de “la qualité”, comme d’un objet. La femme est libre de sa vie, de son corps, et le médecin ferait une faute en acceptant de rédiger ces certificats humiliants pour les femmes. Nous sommes aussi très réticents à “refaire” les hymens comme on nous le demande, car c’est aider à la soumission de la femme et participer à une coutume machiste du “sang sur le drap” le soir de la nuit de noces qui n’a rien à voir avec la foi.»
Pour sa part, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (Ccne) rappelle, dans son avis d’avril 2005 sur le refus de traitement et l’autonomie de la personne (n° 87), que «la liberté de religion est garantie par notre constitution et par la Cour européenne des droits de l’homme». «Dans les cas cités par le Collège des gynécologues et obstétriciens, la religion n’a rien à voir. Il s’agit d’une question d’ordre politique, explique au “Quotidien” le Pr Sadek Beloucif, anesthésiste-réanimateur à Amiens, membre du Ccne. Face à un traitement, un patient musulman a un devoir de se soigner. Il n’y a ni fatalisme ni rédemption par la souffrance dans l’islam,mais une obligation thérapeutique. Si quelqu’un me rejette, moi, médecin, au nom de mon sexe, c’est une insulte à mon égard. Cela suppose que je pourrais avoir des pensées sexuelles à son endroit. Personnellement, moi, homme, si je suis malade de la prostate, je me sentirais peut-être plus confortable avec un urologue homme qu’avec une urologue femme. Aussi, hors situa- tion d’urgence, je choisirais en conséquence. Maintenant, dans le cadre de l’urgence, la question est différente. N’oublions pas ces quelques mots de Gandhi: “Toute bataille est une défaite dès lors qu’elle conduit à un conflit.” Or, justement pour faciliter la compréhension, Hippocrate recommande que les tabourets du patient et du médecin soient à la même hauteur.»
Ce qui s’est passé avec des gynécologues-obstétriciens peut concerner d’autres disciplines. «Un confrère radiologue homme a été agressé verbalement par une patiente musulmane venue pour une échographie à laquelle il proposait un examen par voie vaginale», raconte au « Quotidien » le Dr Emile Daraï.
Aux Hospices civils de Lyon, l’appartenance religieuse est respectée autant que faire se peut. Si un médecin femme est souhaitée en gynécologie, on lui donne satisfaction. Même les services funéraires s’adaptent.
A Lyon-Sud, la table de toilette est orientée vers La Mecque. La même tolérance réciproque patients-soignants est observée à l’Assistance publique de Marseille.
Examen et certificat de virginité : ce que dit l’Ordre
L’examen de virginité «n’ayant aucune justification médicale et constituant une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme, notamment mineure, contrainte par son entourage, ne relève pas du rôle du médecin», indique « le Bulletin de l’Ordre » de décembre 2003, sous la plume du Dr Jean Pouillard. Le médecin doit donc «refuser la rédaction d’un tel certificat».
Dans le cadre médico-légal, les demandes sont de deux types.
– Dans le cas d’une jeune femme qui désire faire constater sa virginité en vue d’une éventuelle annulation de son mariage pour non-consommation, par exemple, «le médecin examinera l’hymen et constatera l’absence de déchirure: pas d’incisure se prolongeant jusqu’au bord adhérent de la muqueuse vaginale. Il devra distinguer celle-ci des encoches physiologiques qui ne vont jamais jusqu’à cette muqueuse vaginale. Il faudra être très prudent dans les conclusions et se souvenir qu’il existe des hymens fibreux interdisant le coït complet ou des hymens dilatables permettant des rapports sans déchirure. Un test de grossesse n’est parfois pas inutile. A l’issue de son examen, le médecin remettra un certificat dont la rédaction peut être la suivante: “Je, soussigné... docteur en médecine, certifie avoir examiné à sa demande, le..., Mme... Celle-ci ne présente pas de signes évidents de défloration. Certificat établi à la demande de l’intéressée et remis en main propre.” »
– second type de cas évoqué par l’Ordre : une jeune femme vierge pubère, victime ou se disant victime d’une agression sexuelle. «Il s’agit alors moins d’un certificat de constatation de virginité que d’un certificat de constatation de violence sexuelle qui doit être établi dans les formes médico-légales habituelles, et s’accompagner des prélèvements et examens biologiques nécessaires.»
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