REFERENCE
Erysipèle
Les termes utilisés pour désigner les grosses jambes rouges infectieuses sont divers. Une conférence de consensus réalisée en 2000 en France a permis de clarifier la situation. L'érysipèle intéresse l'épiderme et l'hypoderme sans atteindre l'aponévrose superficielle. Dans certains cas, elle peut être nécrosante, voire atteindre l'aponévrose superficielle (fasciite nécrosante).
L'érysipèle est une dermohypodermite bactérienne aiguë, liée dans 80 % des cas à une infection à streptocoques (A, B, C, G). Les facteurs favorisants sont l'œdème préexistant de la jambe, l'existence d'une porte d'entrée et l'obésité. Le tableau typique associe une fièvre élevée avec des frissons pouvant précéder l'apparition de signes locaux : œdèmes douloureux de la jambe, rougeur diffuse ou placard érythémateux, parfois bulleux ou purpuriques. L'évolution est favorable sous traitement antibiotique antistreptococcique en une dizaine de jours.
Formes infectieuses sévères
Les formes nécrosantes des grosses jambes rouges infectieuses sont la dermohypodermite bactérienne nécrosante, qui peut parfois atteindre le fascia. Ces affections sont beaucoup plus sévères (30 % de mortalité), souvent plurimicrobiennes, s'accompagnant volontiers de signes généraux septiques, de mauvais pronostic. Localement, on retrouve : un œdème très douloureux, un érythème plus bleuté, des taches cyaniques, dont la présence est très évocatrice du diagnostic. Ces affections sont des urgences médico-chirurgicales qui nécessitent une prise en charge en réanimation et un parage chirurgical large des tissus infectés et nécrosés.
Le diabète n'est pas un facteur de risque indépendant pour l'érysipèle, mais il intervient par l'intermédiaire des portes d'entrée fréquentes au niveau des pieds, par l'obésité, par l'existence d'un œdème. En revanche, le diabète est retrouvé dans un quart des infections nécrotiques graves. Chez le diabétique, l'infection cutanée est la complication habituelle du pied diabétique et sa prise en charge est différente, car elle est un facteur de risque d'amputation. Elle ne prend pas l'allure de l'érysipèle habituel, car elle est généralement limitée au pied. Si la fièvre est présente, elle est de mauvais pronostic. Lorsque l'infection reste superficielle, l'évolution est favorable sous traitement antibiotique. Dans certains cas, c'est l'évolution défavorable sous traitement antibiotique qui mène au parage chirurgical. L'antibiothérapie est différente. En effet, les infections modérées sont monomicrobiennes dans 46 % des cas, majoritairement à staphylocoques dorés (54 %). Les infections sévères sont volontiers plurimicrobiennes et les germes le plus fréquemment rencontrés sont le staphylocoque doré, les entérobactéries (Proteus) et les entérocoques. C'est l'amoxicilline-acide clavulanique qui est recommandée en première intention en traitement court (quinze jours) si l'infection reste superficielle, et en traitement long (trois mois), s'il existe une ostéite et si le traitement est conservateur. En cas d'intolérance à l'amoxicilline, la clindamycine ou l'association triméthoprime-sulfamétoxazole peut être proposée. Lorsque l'infection est jugulée, il existe parfois un lymphœdème du pied qui nécessite la mise en place d'une contention. Enfin, il est indispensable de rechercher une artériopathie associée qui rend indispensable la revascularisation.
Pied de Charcot
Complication de la neuropathie diabétique, le pied de Charcot intéresserait 0,15 % des diabétiques et jusqu'à 29 % des diabétiques exclusivement neuropathiques. Le pied de Charcot se caractérise par des dislocations articulaires, des fractures osseuses menant à un effondrement de l'anatomie osseuse du pied, avec des phénomènes d'ostéolyse et d'ostéocondensation osseuses. Ces troubles se compliquent d'anomalies vasculaires, avec apparition fréquente d'un lymphœdème et d'appuis anormaux conduisant à la formation de plaies. Typiquement, il s'agit de patients de 40 à 50 ans, avec un diabète évoluant depuis dix ans et ayant volontiers une surcharge pondérale. Le pied de Charcot peut évoluer de façon aiguë, mimant un pied infectieux. Dans la phase chronique, l'inflammation disparaît et le pied est déformé définitivement. Les radiographies montrent différents aspects : ostéolyse, fractures dans les formes aiguës, puis ostéophytose et condensation au cours de l'évolution. Parfois, la distinction entre poussées de neuroarthropathie et infection peut être malaisée. En pratique, en l'absence de plaie, le traitement est basé sur l'immobilisation (totale puis partielle). L'utilisation de bisphosphonates pourrait être intéressante durant la phase aiguë. S'il existe une plaie, un traitement antibiotique antistaphylococcique est nécessaire pendant les deux premières semaines.
La nécrobiose lipoïdique
Il s'agit d'une dermatose peu fréquente qui affecterait 0,3 % des diabétiques (surtout de type 1). Il s'agit de plaques érythémateuses, parfois brunâtres, intéressant principalement la face antérieure des jambes. En évoluant, le centre des plaques devient atrophique. Des ulcérations sont possibles, de cicatrisation parfois difficile. Le diagnostic évoqué cliniquement est confirmé par l'étude histologique si l'on retrouve un granulome inflammatoire.
La prise en charge thérapeutique est difficile. La corticothérapie locale est utilisée en première intention et serait surtout efficace avant le stade atrophique. En cas d'échec, de nombreux traitements systémiques ont été proposés : corticothérapie générale, PUVAthérapie, aspirine, pentoxifylline, ticlopidine, dipyridamole, clofazimine. En cas de nécrobiose lipoïdique ulcérée, les greffes cutanées en pastille peuvent se révéler utiles. L'utilisation de facteurs de croissance tel le GM-CSF en applications locales serait également efficace.
Enfin, les autres jambes rouges inflammatoires ne sont pas spécifiques du diabète : eczéma aigu, lipodermatosclérose, mais peuvent également se rencontrer.
D'après la communication de I. Lazareth (hôpital Saint-Joseph, Paris) lors des Journées annuelles de diabétologie de l'Hôtel-Dieu.
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