LES FEMMES qui ont subi des mutilations génitales ont un risque majoré de complications obstétricales et ce risque est majoré proportionnellement à l’importance de la mutilation. Pour parvenir à cette conclusion, une équipe de chercheurs de l’OMS a mis en place une étude sur 28 393 femmes qui ont donné naissance à un enfant unique entre le mois de novembre 2001 et celui de mars 2003 dans l’un des 28 centres obstétricaux retenus pour l’étude et situés dans six pays africains (Burkina, Ghana, Kenya, Nigeria, Sénégal et Soudan). Le pourcentage d’excisions variait selon les pays, allant de 72 % au Soudan à 40 % au Ghana. Le type d’excision était lui aussi variable selon les pays : 73 % de MGF III (voir classification de l’OMS en encadré) au Soudan contre 1 % au Nigeria et 63 % de MGF I au Nigeria contre 5 % au Soudan.
Comparées aux femmes n’ayant pas subi de mutilation sexuelle, les femmes mutilées avaient un risque de césarienne majoré (3 %, 29 % et 31 % pour respectivement les femmes MGF I, MGF II ou MGF III), ainsi que d’hémorragies du post-partum (3 %, 21 % et 69 %), de séjour maternel prolongé à l’hôpital (15 %, 51 % et 98 %), de nécessité d’une réanimation néonatale (11 %, 28 % et 66 %), de naissance prématurée et de décès (15 %, 32 % et 55 %). En revanche, le risque de naissance d’enfant de petit poids n’est pas augmenté lorsque les femmes ont été mutilées. La parité n’influait pas non plus significativement sur le risque de pathologies obstétricales. Pour le groupe OMS d’études sur les mutilations génitales, «ces pratiques pourraient conduire directement à un ou deux décès périnatals pour cent naissances». Les auteurs ajoutent que l’incidence des gestes d’épisiotomie a augmenté significativement avec le degré de mutilation sexuelle de la mère.
Et les accouchements à domicile ?
Si cette étude a le mérite d’avoir inclus un très grand nombre de femmes et de disposer de données très précises sur le devenir intrahospitalier des femmes et des enfants, elle ne prend en compte que les naissances qui ont eu lieu au sein d’un établissement de soins. Or, en Afrique, de très nombreuses femmes accouchent encore à domicile ou chez une sage-femme et ces mères ont donc été exclues de facto de l’étude. Ne vont à l’hôpital, en effet, que les femmes à haut risque obstétrical détectées lors du suivi de la grossesse et celles qui disposent de moyens financiers suffisants pour payer leur séjour en établissement de soins.
Les auteurs ajoutent que le mécanisme physiopathologique de cette majoration du risque obstétrical n’a pas pu être clairement établi. Il semblerait que, lorsque le geste a été effectué au cours de l’enfance (avant l’âge de 10 ans), il s’accompagne secondairement de la formation d’un important tissu cicatriciel qui diminue l’élasticité périnéale. Or, au moment du travail, pour que la dilatation du col et que l’expulsion de l’enfant se fassent de façon physiologique, il est important que les résistances tissulaires ne soient pas modifiées.
Pour les Drs N. Eke et K. Nkanginieme (Nigeria), «ces données devraient encore inciter les autorités sanitaires locales en Afrique à mettre en place des mesures de prévention des mutilation sexuelles chez les fillettes».
Compliqué ou dangereux.
«Grâce à cette étude, nous avons pour la première fois la preuve que, chez les femmes qui ont subi une mutilation sexuelle, l’accouchement risque d’être beaucoup plus compliqué ou dangereux», a déclaré Joy Phumaphi, sous-directeur général Santé familiale et communautaire à l’OMS. «La pratique de la mutilation sexuelle féminine est profondément ancrée dans la culture et la tradition, mais il ne faut pas lui permettre de se maintenir. Nous devons soutenir les communautés qui s’efforcent d’abandonner cette pratique et offrir des soins de meilleure qualité à ces femmes qui ont subi une MGF. De même, il est hors de question que nous autorisions la médicalisation de cette pratique. L’OMS ne peut en aucun cas accepter qu’elle soit exécutée par des personnels médicaux.
> Dr ISABELLE CATALA« The Lancet », vol. 367, pp. 1799-1782 et 1835-1841, 3 juin 2006.
La classification OMS des mutilations génitales féminines (MGF)
MGFI: excision du capuchon du clitoris, sans excision du clitoris.
MGFII: excision du clitoris avec excision partielle ou totale des petites lèvres.
MGFIII: excision de l’ensemble de l’appareil génital externe accompagnée d’une infibulation.
MGFIV: excision externe totale et introcision.
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