«L ES professions de santé sont à la droite ce que les enseignants sont à la gauche », confiait récemment Nicolas Sarkozy, à l'occasion d'un colloque de l'Association des amis de Jacques Chirac consacré à la politique de santé dont il était invité à clore les débats. C'est-à-dire un électorat à cultiver. A moins d'un an de la double échéance électorale de 2002, les états-majors des principaux partis de l'opposition en sont tellement convaincus qu'ils ne ménagent pas leur peine pour tenter de ramener dans leur giron un corps médical qui reste encore très majoritairement sous le choc du plan Juppé.
Tenu pour responsable du divorce prononcé depuis 1996 entre le corps médical et le RPR, l'ancien Premier ministre lui-même a été contraint, il y a quelques jours, de faire publiquement et pour la première fois son mea culpa. « Nous nous étions mis d'accord avec les professions de santé sur un système d'évaluation individuelle. Je reconnais que nous avons fait autre chose qui a été vécu comme une menace de sanction collective. J'admets donc leur reproche, même si, à l'époque, il y avait le feu en raison de l'ampleur des déficits. Il est temps de se remettre autour de la table et de sceller la réconciliation avec le monde médical », a affirmé Alain Juppé à l'occasion de la réunion bordelaise de l'Union en mouvement (qui regroupe les chiraquiens de l'opposition). Des propos qu'il a repris dans les réponses aux questions que lui ont posées les médecins sur le site Internet de l'union régionale des médecins libéraux d'Aquitaine (« le Quotidien » d'hier).
Sous le regard de l'Elysée
L'entourage du président de la République ne doit pas être totalement étranger à la « repentance » d'Alain Juppé, tant on reste persuadé à l'Elysée que la défection du corps médical a contribué à la défaite électorale de 1997. Les députés, régulièrement interpellés à ce sujet dans leur circonscription, ne se sont pas privés de présenter leurs doléances à ce sujet. Jacques Chirac s'est d'ailleurs attaché, depuis de longs mois déjà, à tourner la page du plan Juppé, en affirmant à plusieurs reprises devant les professionnels de santé conviés à déjeuner à l'Elysée que « les mécanismes de responsabilité collective (prévus par le plan Juppé et qu'avaient condamné les médecins) avaient correspondu à une période de crise financière et de transition », et en plaidant pour une solution alternative.
A l'approche des élections, le conseiller social de l'Elysée, Frédéric Salat-Baroux, veille donc tout particulièrement à harmoniser les discours et les thèmes de campagne développés dans ce domaine dans les états-majors. Tout cela sous l'il averti de Philippe Bas, secrétaire général adjoint de l'Elysée, ancien directeur de cabinet de Jacques Barrot entre 1995 et 1997 et, à ce titre, l'un des principaux artisans des ordonnances. Avec pour consigne de répéter à l'envi que rien ne se fera désormais sans l'accord des professionnels de santé.
Un rendez-vous chez MAM
Un slogan que ne manque pas de reprendre le RPR, qui évoquera les grands axes de son programme santé lors d'une journée nationale organisée le 18 septembre sous la houlette de son nouveau délégué national à la santé, le Dr Pierre Morange, député-maire de Chambourcy (Yvelines). Depuis sa nomination, ce médecin généraliste, bien introduit dans le milieu professionnel - il préside l'Union nationale pour l'avenir de la médecine (UNAM) -, s'est démené pour tenter de rétablir la confiance entre son parti et les principaux responsables syndicaux. Il a même scellé, à la fin de l'année dernière, un accord de principe avec les présidents du Centre national des professions de santé et de deux syndicats de médecins libéraux, la CSMF et le SML. Tous les trois ont d'ailleurs été récemment reçus par Michèle Alliot-Marie « afin de prendre en compte l'analyse des professionnels de terrain », affirme-t-on au RPR.
En outre, la mission santé du parti gaulliste est en train d'auditionner tous les représentants du secteur : syndicats de médecins libéraux, mais également de salariés, représentants de l'industrie pharmaceutique et gestionnaires de l'assurance-maladie. L'objectif est de boucler un premier document de synthèse à la fin de septembre. « Ce sera un cadre général qui pourra être évolutif », explique Pierre Morange. Prudent, le RPR préfère attendre de voir comment les choses vont tourner entre le gouvernement, les professionnels de santé et les partenaires sociaux, tous réunis le 12 juillet par Elisabeth Guigou pour un nouveau « Grenelle de la santé ».
C'est également à la rentrée, plus exactement au mois de novembre, que l'Union en mouvement, qui réunit tous les parlementaires de l'opposition favorables à la candidature de Jacques Chirac, organisera une journée sur le thème de la sécurité sanitaire et de l'environnement. Car santé et environnement devraient être intimement liés dans les thèmes de campagne du candidat Chirac, pour qui les préoccupations quotidiennes des Français seront une priorité.
Dans ce cadre, le Pr Jean-François Mattei et François Goulard, chargés des problèmes de santé et de Sécurité sociale pour Démocratie libérale, souhaitent « uvrer à rapprocher les points de vue » de la droite sur ces questions. « Le dialogue avec les professionnels doit être repris tout comme le cours de la réforme », explique le Pr Mattei, qui reconnaît les erreurs du passé, même si le plan Juppé a, selon lui, permis « des avancées considérables ». Bons connaisseurs du milieu et de ces dossiers, ces deux députés devraient surtout s'appliquer à faire passer leurs idées libérales avec deux thèmes de prédilection : la redéfinition de la place de l'Etat et l'ouverture à titre expérimental de la gestion de l'assurance-maladie au secteur concurrentiel sous forme de délégation de service public.
« Ne pas prendre les médecins pour des gogos »
Du côté de l'UDF, ceux qui défendent la candidature de François Bayrou à l'élection présidentielle n'entendent pas abandonner le terrain de la politique de santé aux partisans de Jacques Chirac. Le désamour constaté entre les médecins et le parti gaulliste peut être l'occasion pour eux de ramener cette partie de l'électorat vers François Bayrou. Hervé Morin, député UDF de l'Eure et délégué général de l'UDF chargé du projet, en est en tout cas persuadé. « Nous n'aborderons pas ces questions d'une manière démagogique comme l'a fait Jacques Chirac en disant qu'il n'y a pas de problèmes de dépenses. On ne veut pas prendre les médecins pour des gogos », affirme-t-il. M. Morin a donc convaincu François Bayrou de « s'immerger » dans ce dossier. Le président de l'UDF a rencontré la semaine dernière une douzaine de médecins de terrain. Il devrait, par ailleurs, dans le courant du mois de juillet, passer trente-six heures dans un hôpital et rencontrer une dizaine d'experts afin de dégager des pistes de travail à l'automne. Confiance et reconnaissance seront, selon Hervé Morin, les maîtres mots de leurs propositions, auxquelles s'ajoutera le thème de la régionalisation développée par Jean-Luc Préel lors d'un débat organisé le 4 juillet. La bataille s'annonce d'ores et déjà rude dans les états-majors pour recueillir les suffrages des professionnels de santé.
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