NÉ AU TOURNANT des années 1980, de racine punk, le mouvement gothique a toujours des adeptes, en particulier sur la scène musicale. Avec son esthétique sombre, voire macabre, parfois liée au satanisme, cette sous-culture attire les adolescents ; on les reconnaîtra souvent à leurs piercings et à leurs vêtements noirs, accompagnés ou non d’un collier à pointes et de bijoux à forme de crânes.
On ne s’étonnera donc pas des résultats de l’étude menée par des chercheurs de l’université de Glasgow auprès de 1 258 jeunes de 19 ans suivis depuis l’âge de 11 ans : il y a une relation forte entre l’appartenance à la culture gothique et la prévalence des souffrances auto-infligées et des tentatives de suicide.
L’étude porte sur la santé et les styles de vie. Elle a commencé en 1994 auprès d’élèves de dernière année du primaire, qui ont été revus à 13, 15 et 19 ans. On leur a alors posé, entre autres questions : «Avez-vous dans toute votre vie tenté de vous tuer ou fait une tentative de suicide?» et «Avez-vous jamais essayé de vous blesser vous-même ou de vous faire du mal délibérément?». On leur demandait aussi de quelle sous-culture jeune ils se sentent le plus proche (gothique, heavy metal, punk, mosher, grunge, garage, pop...).
Parmi ceux, peu nombreux il est vrai (25), qui s’identifient fortement aux gothiques, il y a un peu plus de garçons et un peu plus d’usagers de drogues, mais ni la classe sociale, ni la séparation des parents, ni le tabagisme, ni la consommation d’alcool ou une dépression antérieure n’ont d’influence sur ce choix.
Une relation effet-dose.
Si les automutilations ne sont pas rares chez les adolescents (dans une étude anglaise de 2002, 11,2 % des filles et 3,2 % des garçons), elles sont fréquentes chez les gothiques, montre l’enquête écossaise : 53 % d’entre eux s’infligent des souffrances (coupures, écorchures, incisions...) et 47 % ont fait une tentative de suicide. Les auteurs soulignent qu’il y a «la preuve d’une relation effet-dose» puisque «l’ajustement des variables confondantes ne diminue pas significativement cette association». On serait tenté d’expliquer ces comportements d’automutilation par l’identification à des icônes de la sous-culture. Mais l’étude montre qu’ils préexistent à l’adhésion au mouvement gothique et que c’est plutôt le contraire : «Les jeunes gens qui ont tendanceà s’infliger des souffrances sont attirés par la culture gothique.» «Les problèmes de santé mentale sont fréquents chez ces jeunes et il y des indications selon lesquelles ils augmentent, commente le Dr Michael van Beinum, conseiller de l’étude. Pour certains de ces jeunes, la culture gothique peut être attirante, car elle leur permet de trouver une communauté dans laquelle leur détresse peut être comprise.» Il faut avoir conscience des risques qu’ils courent et les aider. «Pour cela, il est urgent de donner plus de moyens aux services de santé mentale qui s’occupent des jeunes.»
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature