De notre correspondante
« C'est la première fois que nous dépassons nos particularismes pour nous faire entendre, car la voix de la France manque cruellement dans le concert des nations », explique Arnold Munnich (Paris) ; or une langue est le vecteur d'une culture, judéo-chrétienne en l'occurrence, qui doit se faire entendre contre le diktat anglo-saxon. C'est pour cela que beaucoup de collègues francophones d'autres pays participent aussi à nos travaux. »
Pour pouvoir parler d'une seule voix, les participants aux Premières Assises de génétique humaine et médicale, appartenant aux associations organisatrices, mais aussi à l'INSERM, au CNRS, à l'Assistance publique de Marseille et à l'université de Méditerranée, ont échangé les résultats de leurs derniers travaux et posé les jalons de collaborations entre équipes. Ils ont aussi mis en avant les transformations des progrès technologiques en outils diagnostiques et thérapeutiques pour le bien du patient, « mais pas à n'importe quel prix ».
Pour le Pr Jean-François Mattei, président d'honneur de ces assises, « il devient évident que les préoccupations cliniques, chromosomiques, moléculaires, qu'elles soient fondamentales ou plus appliquées, ne peuvent se passer de l'interrogation éthique, individuelle et collective. Nos travaux et nos découvertes ouvrent de formidables perspectives pour la prévention, le diagnostic et le traitement. Mais nous portons aussi notre part de responsabilité dans l'utilisation qui en sera faite. C'est pour cela qu'il était temps que nous en parlions ensemble. »
Attention aux illusions
Tout en partageant leurs « zones de lumière », les participants se sont aussi interrogés sur « les ombres persistantes ». La médecine prédictive et les « promesses de thérapie qui ne tiennent pas debout » ont été vigoureusement dénoncés en tant « qu'illusions démenties par tous les travaux scientifiques ». Des illusions néanmoins entretenues par certains chercheurs et certaines associations de malades pour obtenir des crédits nécessaires à la poursuite de leurs activités, ainsi, bien sûr, que par les industriels. Leur rôle inquiète particulièrement les généticiens conscients d'être à l'aube d'une ère nouvelle de la médecine et à un grand tournant de leur propre discipline.
Le Pr Jean-François Mattei, qui arrivait de l'Assemblée nationale, s'est félicité de la dignité des débats sur la loi de bioéthique, mais a relevé avec une certaine résignation ( « tout le monde la demandait ») combien la nouvelle autorisation d'utiliser les embryons surnuméraires pour la recherche constituait une première étape déterminante : « Jusqu'à présent, nous avions réussi à faire que l'homme soit considéré comme une fin et non comme un moyen. Mais, pour la première fois, le corps humain va être employé au secours d'autres corps humains, avec des visées commerciales. »
Comme le souligne le Pr Philippe Jonveaux, qui estime pourtant cette utilisation des embryons « fondamentale pour la connaissance », « le cadre législatif doit nous aider à avoir des barrières ».
A côté des chercheurs fondamentalistes, de nombreux généticiens praticiens ont participé aux travaux de Marseille, et souligné les particularités de leur spécialité : « On ne soigne pas vraiment, mais on fait partie de la prise en charge globale des individus et de leur famille », explique le Dr Nicole Philip, qui insiste sur les difficultés liées à ce rôle : « En France, les lois sur la confidentialité nous empêchent désormais de nous adresser directement aux familles. C'est le patient, qui, outre le poids de sa propre maladie, doit assumer la lourde charge d'en avertir son entourage. » A noter que, dans certains pays comme le Québec, cette responsabilité revient aux médecins.
Inégalités géographiques
Parmi les inquiétudes enregistrées aux assises de Marseille, certains généticiens praticiens ont mis en exergue le risque d'inégalité, géographique notamment, d'accès aux soins : « Notre organisation sanitaire est totalement inadaptée pour les maladies rares. Si elles n'habitent pas une grande ville dans laquelle existe un centre de référence, les familles sont brinquebalées entre différents spécialistes qui n'ont pas les moyens de répondre techniquement à leur problème. C'est une galère », explique le Pr Munnich. Mais il s'agit là d'une contradiction difficile à résoudre, selon le Pr Mattei : « On ne connaît bien que ce que l'on fait souvent. Or, dans une région comme PACA, sur 70 000 naissances annuelles, on ne compte pas plus de 5 cas de phénylcétonurie, pas plus de 24 mucoviscidoses ; on ne peut donc multiplier les centres de référence, et les familles risquent de s'en trouver éloignées », reconnaît-il.
Une partie de la réponse pourrait toutefois être apportée par les réseaux ville-hôpital, par Internet et sans doute par la télémédecine, qui devrait bouleverser les pratiques médicales.
Une fédération d'associations
Créée en mai 2000, la Fédération des associations de génétique humaine et médicale, présidée par le Pr Arnold Munnich, regroupe toutes les composantes de la génétique médicale. Ouverte à d'autres adhésions, elle regroupe actuellement sept associations :
- la Société française de génétique humaine (présidée par le Pr Josué Feingold) ;
- le Collège national des enseignants et praticiens de génétique médicale (présidé par le Pr Didier Lacombe) ;
- l'Association des cytogénéticiens de langue française (présidée par le Pr Philippe Jonveaux) ;
- l'Association nationale des praticiens en génétique moléculaire (présidée par le Pr Michel Goosens) ;
- le Groupe de génétique médicale des 3es jeudis (présidé par le Pr Henri Plauchu) ;
- le Club du conseil génétique de langue française (présidé par le Pr Christine Verellen-Dumoulin) ;
- la Société française de ftopathologie (présidée par le Pr Catherine Nessman).
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