AUX FORCEPS... C'est tout au moins l'impression qu'aura donnée la négociation sur la rémunération de la permanence des soins qui a eu lieu entre les caisses et les syndicats médicaux dans les nouveaux locaux flambant neuf de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam). Après quatre heures de négociations sans interruption, l'ensemble des participants à cette énième séance sont sortis de la salle, l'air manifestement heureux d'en avoir fini (provisoirement) avec cet imbroglio. Au final, on semble bien s'approcher d'un accord et, sauf volte-face de dernière minute, un texte pourrait être avalisé par MG-France et le SML d'ici à la fin du mois. Même si la Csmf (Confédération des syndicats médicaux) et la FMF (Fédération des médecins de France) semblent très remontées contre un accord qui ne les satisfait pas du tout.
Que prévoit l'accord ? Tout d'abord la mise en place (après des expérimentations baptisées « prégénéralisations ») d'une régulation de la permanence des soins sur l'ensemble du territoire. Cette régulation, en liaison avec les centres 15, sera entièrement prise en charge par l'assurance-maladie, via la dotation destinée aux réseaux de santé. Les médecins régulateurs seront rémunérés à raison de 3 C de l'heure par l'assurance-maladie qui prendra également en charge leur RCP (responsabilité civile professionnelle). Pour les médecins effecteurs, deux dispositifs ont été prévus (voir tableau). Tout d'abord, l'astreinte passe à 50 euros pour la première partie de nuit (20h-minuit), et à 100 euros pour la deuxième (minuit-6h). Quant aux actes, qu'il s'agisse de visites ou d'actes effectués en maison médicale de garde (MMG) après régulation, ils sont majorés de 45 euros pour la première partie de nuit, et de 50 euros pour la deuxième.
Modulation à l'activité.
Mais le dispositif prévoit une modulation du montant de l'astreinte en fonction du nombre d'actes effectués : pour la première partie de nuit, l'astreinte passe à 30 euros si un seul acte a été effectué, et à 10 euros s'il y a eu deux actes ou plus. De même, pour la deuxième partie de la nuit, l'astreinte passe à 80 euros si un acte est effectué, et à 60 euros pour deux actes ou plus. Pour les dimanches, l'astreinte est de 50 euros et les actes sont majorés de 30 euros, avec la même modulation que pour la première partie de nuit. La question du samedi après-midi n'est pas encore complètement tranchée.
Selon la Cnam, « le déploiement du système s'effectuera via une phase de prégénéralisation, à raison d'un département par région, dès lors que les acteurs locaux auront organisé une régulation des appels en lien avec les urgences hospitalières, et que les secteurs de garde auront été définis ».
Pour les spécialistes, les choses sont nettement moins claires. Selon Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, et le Dr Dinorino Cabrera, président du SML (Syndicat des médecins libéraux), les caisses se seraient engagées à régler leur problème au plus tard le 1er octobre prochain. Mais dans leur communiqué commun, les trois caisses se bornent à indiquer que « cette question sera traitée de façon concomitante avec celle de la Ccam [Classification commune des actes médicaux] technique, en lien avec les fédérations de cliniques privées. Une réunion plénière entre les caisses et les syndicats médicaux est d'ores et déjà programmée sur ce sujet pour le 8 juillet prochain ». Mais sans attendre plus longtemps, les caisses proposent que les gynécologues-obstétriciens et les anesthésistes réanimateurs exerçant dans les unités d'obstétrique perçoivent un forfait de garde de 228,68 euros, qu'il y ait ou non un accouchement durant cette période de garde.
Personne ne crie victoire.
Pour le moment, aucun des futurs signataires de l'accord ne se risque à crier victoire, même si Dinorino Cabrera reconnaît que la signature du SML est plus que probable, « à condition qu'il n'y ait pas de différence entre ce qui nous a été dit lors des négociations, et le document qui va nous être proposé ». Pour le président du SML, « il ne s'agit pas du grand soir de la permanence des soins, mais d'une première avancée, un point c'est tout. L'important, c'est que la permanence des soins continue sur la base du volontariat. Les non-volontaires devront pouvoir le rester, et s'il y a des réquisitions abusives, nous défendrons nos confrères devant les tribunaux ».
Pour le reste, Dinorino Cabrera assure avoir obtenu lui-même le principe d'une négociation poussée sur le problème de la permanence des soins des spécialistes, « avec un accord qui doit intervenir au plus tard le 1er octobre prochain, sinon nous appellerons à la grève des gardes dès le 2 octobre ». Bref, à écouter le président du SML, il semble que, entre lui et les caisses, il s'agisse plus d'une trêve que d'un accord de paix.
Pour l'autre probable signataire - pour l'instant, rien n'est signé, les syndicats attendant un texte des caisses qui devrait être remis mardi prochain -, le Dr Pierre Costes, l'heure n'est pas non plus au triomphalisme : « Nous voulions une permanence des soins régulée et valorisée, c'est ce qui se prépare. L'important, c'était de se lancer, mais la mise en place du nouveau dispositif dans l'ensemble des régions ne sera pas évidente. A terme, c'est gagné, mais ça prendra du temps. »
Le volontariat « cisaillé ».
A la FMF, le Dr Jean-Claude Régi ne décolère pas : « On aurait voulu cisailler le volontariat qu'on ne s'y serait pas pris autrement. Nous allons droit dans le mur. C'est la pire des choses qui pouvait arriver. Pour les caisses, c'est une opération blanche puisque la régulation fera baisser le nombre d'actes. Il fallait revaloriser substantiellement les astreintes et ne pas les rendre dégressives en fonction du nombre d'actes. Je souhaite bien du plaisir aux syndicalistes qui vont devoir expliquer cet accord à leurs troupes. »
A la Csmf-Umespe, le Dr Jean-François Rey indique que la confédération « ne saurait se satisfaire d'un forfait a minima pour la réanimation médicale, la réanimation néonatale, et la garde des anesthésistes réanimateurs et des obstétriciens dans le cadre de la périnatalité. Le forfait proposé ne correspond même pas à la moitié de la valorisation financière accordée à nos confrères exerçant dans le même contexte dans les hôpitaux publics ».
Quant au Dr Michel Chassang, président de la Csmf, il parle de « revalorisations en trompe-l'œil » : « Les caisses font l'amalgame entre la rémunération de la fonction (l'astreinte) , et celle des actes accomplis ; entre le système d'hier et celui qu'on nous propose aujourd'hui, la différence est tout à fait minime, ce n'est qu'une augmentation apparente. Si ça reste en l'état, la Csmf ne cautionnera pas un tel accord, même si, comme tout mouvement démocratique, nous soumettrons le projet d'accord à nos instances. »
Il semble donc que, malgré les imperfections du projet d'accord (que les futurs signataires reconnaissent d'ailleurs volontiers), on s'oriente bel et bien vers une signature de MG-France et du SML d'ici à la fin du mois. Un accord qui, pour les généralistes, prendra très certainement la forme d'un avenant conventionnel. Pour les spécialistes, quand l'accord sera prêt, il ne pourra s'agir que d'une modification du RCM (règlement conventionnel minimum).
Tarifs de la PDS : les propositions des caisses |
||||||||||||
|
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature