DE NOTRE CORRESPONDANTE
«NON, MONSIEUR le ministre, les médecins généralistes ne se sentent pas, aujourd’hui, engagés dans votre plan de pandémie.» Dans une lettre adressée au Premier ministre, venu à Lyon pour assister à un exercice de simulation de pandémie (« le Quotidien » du 28 février), le Dr Roger Bolliet, généraliste et président du syndicat MG-69, résume l’inquiétude et l’exaspération que cet exercice et ces «recommandations» du ministère de la Santé en cas de pandémie inspirent aux généralistes de ce syndicat.
Les généralistes, qui n’ont pas été conviés à participer au test, sont censés intervenir en premier recours et au domicile des patients, «sans avoir les garanties de pouvoir effectuer ce travail essentiel», souligne le Dr Bolliet, avant d’évoquer le manque de formation à cette tâche inhabituelle, l’absence de matériel de protection et l’impossibilité matérielle d’assurer les visites.
L’inquiétude dans les Dombes.
Les propos tenus par des généralistes qui exercent dans les Dombes, à proximité de l’élevage de Versailleux contaminé par la grippe aviaire, vont un peu dans le même sens. Le Dr Michel Danjou, généraliste à Villars-les-Dombes, qui note au passage que «l’exercice de simulation relevait plus du folklore qu’autre chose», considère que le plan de lutte ministériel reste «déficient» : «On attend que l’épidémie se produise pour fournir tous les équipements de protection nécessaires.» Bien que les Dombes soient aujourd’hui touchées par une épizootie, «le gouvernement n’a toujours pas distribué ce matériel aux personnels médicaux et infirmières exerçant dans la zone mise sous surveillance», poursuit ce généraliste, qui souligne par ailleurs «l’inefficacité des barrages de gendarmes» érigés sur cette même zone.
Moins véhémente, le Dr Eugénia Peycelon, également installée à Villars-les-Dombes, explique avoir «pris (ses) précautions en commandant des masques». Elle précise toutefois que, par rapport à sa surcharge actuelle de travail, elle ne serait pas en mesure de suivre les recommandations de visites à domicile. «Les généralistes risquent, en effet, de traîner les pieds, surenchérit le Dr Marc Néron-Bancel, généraliste à Meximieux, d’autant que la visite n’a pas vraiment bonne presse!» La consigne pourrait même se révéler dangereuse, «car nous risquons de devenir vecteurs de la maladie», complète le Dr Danjou. «De toute façon, les gens ne resteront pas chez eux à nous attendre, ajoute-t-il : dès qu’ils auront les premiers symptômes grippaux, ils fileront à l’hôpital. Dans de telles situations, les gens n’ont pas les mêmes comportements de discipline.»
Aucune concertation.
Du côté de l’Union régionale des médecins libéraux de Rhône-Alpes (Urmlra), sollicitée par le ministère pour dispenser des formations sur la grippe aviaire, le sérieux de l’exercice de simulation, comme celui des recommandations, est remis en cause. «Dans l’hypothèse d’une gestion de grippe humaine, très virulente, il faudra qu’on nous donne des moyens en personnels complémentaires, indique le Dr Bernard Rougier, secrétaire général de l’Urmlra. Or, jusqu’à présent, il n’y a eu aucune concertation hospitalo-libérale à ce sujet.» Selon lui, de nombreuses zones d’ombre subsistent dans le plan ministériel : comment seront distribués le matériel de protection, les antiviraux, les vaccins ? «J’ai lu les 160pages du plan, je n’ai eu aucune réponse», affirme le Dr Rougier, qui reproche, également, l’aspect «folklorique» de l’organisation de cette lutte.
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