QUELLES SONT les attentes des médecins généralistes en matière de santé environnementale ? Cette question a été au centre d'une conférence organisée au Medecpar Veolia Environnement. Animée par le Pr William Dab, ancien directeur général de la Santé, titulaire de la chaire Hygiène et Sécurité du CNAM (Conservatoire national des arts et métiers), cette conférence a permis de constater que les pathologies d'origine environnementale suscitent des préoccupations très concrètes chez les professionnels de santé. «Aujourd'hui, nous constatons une augmentation des problèmes de fertilité masculine, qui surviennent principalement chez des jeunes agriculteurs», a témoigné, dans la salle, une sage-femme, dont le mari est médecin généraliste dans une commune des Pyrénées-Atlantiques. «Dans son cabinet, il assiste aussi, depuis quatre ou cinq ans, à une augmentation des tumeurs cérébrales à l'âge adulte. Quant au chef du service de néonatalogie de l'hôpital, il nous a dit qu'il n'avait jamais vu autant de leucémies en pédiatrie. Le lien probable entre ces pathologies et des facteurs environnementaux est vraiment une question qui nous taraude», a ajouté cette sage-femme.
Les questions des patients.
Directeur des études à l'union régionale des médecins libéraux (URML) d'Ile-de-France, Alexandre Grenier a confirmé le «grand intérêt» des médecins libéraux pour les questions de santé environnementale. «Dans leur cabinet, les médecins se posent de plus en plus de questions sur l'augmentation des pathologies respiratoires, des bronchiolites, des problèmes d'allergie ou des cancers professionnels», a-t-il souligné. Les praticiens doivent aussi faire face aux questions, de plus en plus nombreuses et parfois angoissées, de leurs patients. «Ces derniers, par exemple, les interrogent sur les effets de l'exposition à certaines ondes ou certains aliments. Le problème est que les médecins ont souvent du mal à leur répondre, car, sur ces questions de santé environnementale, les sources d'information sont en général diverses et parfois contradictoires. Ils ont donc besoin d'éléments d'information scientifiquement validés», a expliqué Alexandre Grenier.
Chef du département Expertises à l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET), le Pr Gérard Lasfargues a répondu que les médecins pouvaient trouver de «nombreuses informations validées et utiles pour leur pratique quotidienne» sur le portail Santé-Environnement-Travail* qui a ouvert en mars 2007. «A partir de ce portail, on peut aussi accéder à de nombreux rapports et expertises, ainsi qu'à 80banques de données sanitaires et environnementales pérennes», a précisé le Pr Lasfargues.
Les débats ont aussi permis de souligner la volonté des médecins d'être davantage impliqués dans les grands débats actuels autour des problèmes d'environnement. «Les médecins libéraux ont été les grands oubliés du Grenelle de l'environnement, alors que, pourtant, ils sont en contact avec la réalité du terrain», a regretté le Dr Pierre Popowski, un des élus de l'URML d'Ile-de-France. «Quand on les interroge, on se rend compte que les généralistes souhaiteraient participer à des systèmes d'alerte ou de veille sur ces questions environnementales», a-t-il ajouté, en reconnaissant que l'implication dans ce type de dispositif ne pourra pas se faire sans une formation à la santé environnementale, mais aussi à l'épidémiologie de terrain. «Il faudra aussi donner un statut à ces donneurs d'alerte, avec une vraie reconnaissance des médecins libéraux qui s'engagent», a estimé le Dr Popowski.
Constatant que l'asthme est aujourd'hui la plus fréquente des pathologies environnementales, le Pr Dab a regretté qu'il n'existe pas d'outil standardisé permettant aux généralistes de rechercher l'origine des cas auxquels ils sont confrontés. «Conduire un interrogatoire pour déterminer les causes environnementales d'une pathologie asthmatique demande beaucoup de temps. Il faut poser de nombreuses questions au patient sur ses symptômes, ses antécédents allergiques, les différents facteurs d'exposition dans son environnement domestique, extérieur ou professionnel… En moyenne, il faut entre 30 et 45minutes, ce qui rend difficile cet interrogatoire dans le cadre d'une consultation classique de médecine de ville», a reconnu le Pr Michel Aubier, chef du service de pneumologie de l'hôpital Bichat (Paris). En l'absence d'outil standardisé directement utilisable par les généralistes, le Pr Aubier a estimé qu'on pourrait «imaginer de mettre au point un autoquestionnaire standardisé, que les patients pourraient remplir dans la salle d'attente, ce qui permettrait de faire gagner du temps au médecin».
* www.sante-environnement-travail.fr.
L'engagement du « Quotidien »
« Le Quotidien du Médecin » est de longue date engagé dans la réflexion et l'information sur les questions de santé environnementale. Avec notamment les Clubs Santé Environnement, créés en 1993, le prix Epidaure de la recherche en médecine et écologie, né la même année, et la récente rubrique « Le praticien et l'environnement », qui paraît chaque vendredi.
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