Au lendemain de la « Journée sans toubib » qui a mobilisé sur tout le territoire une majorité de médecins libéraux (généralistes, spécialistes et urgentistes) et alors que, parallèlement, une « négociation marathon » sur les honoraires devait se conclure hier soir entre l'assurance-maladie et MG-France, l'horizon ne s'éclaircit guère pour le gouvernement.
Le conflit des généralistes semble dans l'impasse. Malgré les appels répétés d'Elisabeth Guigou à l'apaisement, malgré les derniers efforts de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), la majorité du corps médical ne désarmera pas facilement à quelques mois d'échéances électorales décisives.
Exigeant toujours le « C à 20 euros et le V à 30 euros », la Confédération des syndicats médicaux (CSMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) envisagent déjà de nouvelles actions (voir ci-dessous) pour maintenir la pression sur le gouvernement et, pourquoi pas, « interférer » avec la campagne présidentielle du très probable candidat Jospin. Hier, les médecins ont d'ailleurs déployé des trésors d'imagination pour exprimer leur ras-le-bol, souvent avec humour, donnant un avant-goût de ce qui pourrait se passer dans les prochaines semaines : brunch à Cintegabelle dans le fief du Premier ministre, installation du « grand cirque Kouchner » dans les Hauts-de-Seine (92), départs symboliques de médecins à l'étranger (en Espagne, en Belgique, en Allemagne) dans les départements frontaliers, collectes de sang, animation de forums pédagogiques, happenings, etc. « Les médecins n'ont pas de moyens, mais ils ont beaucoup d'idées », ironise un généraliste parisien.
Anticipant d'éventuels débordements, l'Ordre des médecins a rappelé que « le malaise profond des professions médicales doit s'exprimer sans porter atteinte à l'obligation déontologique de permanence des soins et de prise en charge des urgences ».
Renforcement du « pôle santé » au RPR
Fidèle à sa logique, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a, jusqu'à présent, refusé de reprendre en main le dossier des honoraires, comme le lui demande ouvertement la CSMF. Elle a renvoyé la négociation tarifaire sur les responsables de l'assurance-maladie, tout en défendant son bilan et sa méthode pour réformer les soins de ville. « C'est à la CNAM de négocier la rémunération des médecins, et je suis tout cela de très près, a-t-elle encore répété lors de ses vux à la presse. Pour tout ce qui concerne les conditions d'exercice des médecins, les gardes, l'installation, les rapports avec l'hôpital, j'ai lancé un travail il y a un an qui commence à donner des résultats. Dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (aides à l'installation en milieu rural, aide à la création de maisons de garde, réseaux ville-hôpital), j'ai d'ailleurs une réunion technique (qui s'est tenue hier) au ministère sur ces sujets. Et dans la loi de modernisation sociale, il y a la réforme des études médicales : les généralistes vont être formés comme les spécialistes, à travers l'internat. Peut-être un jour faudra-t-il envisager de les rémunérer comme des spécialistes... »
Cet argumentaire ne convainc guère l'opposition qui, à moins de trois mois du premier tour de la présidentielle, a décidé d'enfourcher le cheval de bataille de la défense des professions médicales. « Aucune réforme de santé ne peut se faire sans l'accord et la participation des personnels de santé », se souvient aujourd'hui le RPR, qui dénonce la « politique technocratique et rigide de Mme Guigou ». Le mouvement gaulliste annonce même un renforcement de son « pôle santé » pour « mieux répondre aux préoccupations » des professionnels concernés. Pour Jean-François Mattei, président du groupe DL à l'Assemblée nationale, le diagnostic est plus grave. Sur Europe 1, il a ni plus ni moins accusé le gouvernement de « non-assistance à personne en danger, car il ne donne pas aux professionnels de santé les moyens nécessaires ». « Ce pays n'est pas gouverné », a-t-il tranché. Sur l'autre bord de l'échiquier politique, Daniel Gluckstein, candidat à la présidentielle du Parti des travailleurs (formation trotskiste), s'en est pris à « l'offensive de ce gouvernement contre la Sécurité sociale et le droit à la santé ».
La campagne a bel et bien commencé et la fronde des blouses blanches en sera sans doute un élément déterminant.
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