Les tribunaux sont de moins en moins tendres avec les médecins généralistes. Selon le dernier rapport du Sou Médical, ces derniers s’alignent désormais sur le taux de condamnation des professionnels de santé jugés « à risque » comme les chirurgiens et les obstétriciens. Sur les 78 généralistes qui se sont trouvés à la barre d’un tribunal en 2010, 46 ont en effet été condamnés. Au civil, 6 fois sur 10 un procès tourne désormais en défaveur du médecin généraliste, alors que ce n’était le cas qu’une fois sur deux en 2009. Le taux de condamnation des généralistes à la barre des tribunaux a tout simplement bondi de 10 points en un an. Et au pénal, c’est encore pire. 75 % des condamnations se sont soldées par une condamnation. Même si cette dernière statistique ne porte que sur quatre affaires impliquant au pénal des généralistes l’an passé, c’est peut-être une indication supplémentaire de la sévérité des magistrats.
Plus souvent condamnés au pénal qu’au civil
Les généralistes seraient-ils dans le viseur de la justice ? Selon Nicolas Gombault, directeur général du Sou, le médecin de famille se trouve tout particulièrement exposé au risque de mise en cause et de condamnation surtout depuis le médecin traitant, du fait des responsabilités accrues qui en ont résulté de cette réforme. « Il s’agit d’une évolution tout à fait significative mais ce n’est pas étonnant compte tenu du rôle de coordination des soins du médecin généraliste », observe-t-il. Ces obligations se répercutent en termes de mise en cause. Et, selon Nicolas Gombault cette tendance est destinée à s’accentuer au cours des prochaines années : « en tant que plaque tournante du système de santé et avec le développement de la chirurgie ambulatoire, le médecin généraliste sera de plus en plus mis en cause » assure-t-il. Toutefois ces résultats doivent être relativisés. En 2010, 78 confrères ont été amenés à s’expliquer devant un prétoire, contre 100 l’année précédente. Et, en valeur absolue, ce sont donc presque autant de médecins généralistes qui ont été condamnés, au civil, en 2010 (46) qu’en 2009 (49).
Et puis, les généralistes conservent, en 2010, un taux de sinistralité assez bas et même en légère diminution par rapport aux années précédentes. Les 44 141 généralistes sociétaires du Sou lui ont adressé 370 déclarations (dont 351 en exercice libéral). Ce qui signifie que 0,96 % d’entre eux ont fait l’objet d’une mise en cause l’an passé, contre 1 % en 2009 et 1,1 % en 2008. Des chiffres à comparer avec 5,6 % d’ophtalmologistes qui ont adressé une déclaration au Sou, 11 % des chirurgiens et 18,2 % des anesthésistes !
Coût moyen de l’indemnisation : 135 000 euros
La médecine générale reste donc malgré tout une discipline plutôt moins risquée que les autres professions de santé libérales. En 2010, le Sou recense en effet 1.831 déclarations de sinistres corporels sur l’ensemble de ses adhérents médecins, soit 1,54 déclaration pour 100 sociétaires, et 2,28 % en moyenne pour les seuls médecins libéraux. Concernant le montant des indemnisations chez les généralistes, un seul dossier dépasse le million d’euros et concerne un retard de diagnostic d’un syndrome de la queue-de-cheval. En 2009, le défaut de diagnostic d’une rubéole chez une femme enceinte avait donné lieu à une indemnisation record de 6.120.000 euros ! Lorsqu’un généraliste est condamné à indemniser le patient l’an passé, le coût moyen était de 135 000 euros.
Le paradoxe, est que, malgré un taux de sinistralité raisonnable, c’est en cas de prolongement judiciaire que les choses se compliquent . La profession figure désormais devant les tribubaux dans le tiercé de tête des spécialités les plus souvent condamnées, alors qu’elle ne figurait encore qu’au cinquième rang l’an passé. La première marche est désormais occupée par l’ophtalmologie, avec près de deux praticiens sur trois condamnés par les magistrats : les progrès techniques réalisés dans le domaine de la chirurgie réfractive y sont pour quelque chose. Suivent ensuite les obstétriciens : ils étaient encore, en 2009, en première ligne, avec 8 condamnations pour 10 comparutions, mais ce taux a fortement baissé depuis (59 %). Les chirurgiens, qui en 2009 étaient condamnés à 64 %, le sont cette année à 59 %, autant que les généralistes.
On retiendra enfin de ce rapport du Sou que, toute spécialité confondue, seuls 14 praticiens ont été condamnés à des peines d’emprisonnement. La plus clémente s’élève à 5 mois avec sursis, et concerne un médecin régulateur condamné pour non-assistance à personne en danger, en raison du retard dans la prise en charge d’un enfant en état de déshydratation, responsable de son décès. Toutefois, la peine la plus fréquemment prononcée est d’un an avec sursis et a été infligée à 8 praticiens, dont 3 généralistes.
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