La discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a débuté mardi avec le discours de Roselyne Bachelot. Sur ce texte emblématique de la volonté du gouvernement de réformer l’accès aux soins, régionaliser la santé et moderniser le management de l’hôpital, pas moins de trois semaines de débats sont prévues, et de nombreux amendements ont été présentés ce qui augure de discussions animées entre majorité et opposition. Notre sondage montre que les généralistes aussi sont partagés. Nous les avons interrogés sur les mesures phares du projet. Sur les ARS, les nouveaux Sros en médecine de ville et les regroupements d’hôpitaux, la ministre doit encore expliquer pour convaincre. Sur la refonte de la FMC, elle aura du mal à remporter l’adhésion. Seule, en fait, l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs est plébiscitée par les généralistes.
ARS : une indifférence polie
Certains syndicats médicaux, la Csmf en tête, redoutent la création des agences régionales de santé car ils estiment que ces dernières vont renforcer l’« étatisation » du système de santé. Mais sur le terrain, les généralistes semblent pour l’instant beaucoup moins inquiets. Pour plus de la moitié des praticiens que nous avons interrogés (54,5 %), « Cela ne changera rien ». Mais près d’un tiers (29,7 %) s’en inquiète tout de même. Sans aller jusqu’à dire que les ARS seront une nouvelle tutelle pour les médecins libéraux, force est pourtant de constater qu’elles auront des pouvoirs très étendus. Elles seront notamment chargées d’organiser la permanence des soins et pourront contractualiser avec les professionnels de santé. La commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a cependant entendu les craintes des libéraux. Un amendement propose que le président du conseil de surveillance des ARS ne soit pas le préfet de région mais une « personnalité qualifiée » qui pourra éventuellement être un médecin.
SROS ambulatoires : difficile d’y échapper
La ministre de la santé le répète à l’envie : les schémas régionaux de l’organisation des soins (SROS) ambulatoires ne seront pas opposables. Ils serviront uniquement de canevas pour définir les besoins territoriaux des populations et permettront aux directeurs des ARS de s’y appuyer pour proposer aux professionnels de santé libéraux des incitations à exercer dans certaines zones. Les généralistes interrogés ne semblent pas totalement allergiques à un peu plus d’organisation dans le monde libéral. Les plus nombreux (39,6 %) estiment, fatalistes, que les SROS ambulatoires sont « un mal nécessaire face à la crise démographique ». Ils sont à peine moins nombreux (28,7 %) à y souscrire presque sans réserve en admettant qu’il s’agit « d’une initiative indispensable pour réguler l’offre de soins ». La méfiance est de règle chez le tiers restant : les SROS ambulatoires étant vus par avance comme « une atteinte intolérable à la liberté d’installation ».
•Déserts médicaux : les incitations d’abord
À une écrasante majorité, les généralistes (68,3 %) jugent légitimes de « mieux rémunérer les médecins qui travaillent dans les déserts médicaux ». Le président de la République ne disait pas autre chose à Bletterans en septembre dernier. En revanche, le « contrat santé solidarité » qui n’est censé, dans sa version actuelle, concerner que 5 % des médecins libéraux, fait un véritable four. À peine 9,9 % des praticiens interrogés pensent que « dans les zones surdotées, imposer aux généralistes d’effectuer une part de leur activité en vacation dans les zones qui manquent de médecins » permettra de résoudre le problème. Les partenaires conventionnels ne semblent d’ailleurs plus du tout près de négocier quoique ce soit dans ce sens. Il semblerait que la ministre de la Santé, elle-même, s’interroge sur la pertinence de ce dispositif qui fait l’unanimité syndicale contre lui. Plus surprenant de la part de la profession : plus d’un généraliste sur cinq (21,8 %) pense qu’il « faut obliger les jeunes à s’installer au moins quelques années » dans les déserts médicaux. Un député de la Lozère a déjà déposé un amendement dans ce sens, mais il semble encore assez isolé dans cette voie de la coercition extrême.
Regroupements hospitaliers : pt’êt ben qu’oui, pt’êt ben qu’non
Les généralistes des cantons ruraux sont traditionnellement attachés aux hôpitaux locaux où ils effectuent parfois des vacations et, en tout cas, avec qui ils ont l’habitude de travailler. Mais à l’échelle de l’ensemble de la profession, les praticiens semblent très partagés sur les regroupements hospitaliers sous forme de « communautés hospitalières de territoires » prévus dans la loi « HPST ». Un gros tiers (36,6 %) des généralistes est alarmiste : c’est pour eux « la mort programmée des petits hôpitaux ». Un petit tiers (33,7 %) est plus fataliste: il voit dans la réaffectation des petits hôpitaux vers les soins de suite et la gériatrie « la seule façon de les sauver ». Le reste des praticiens pense que ce nouveau mode d’organisation ne changera pas grand-chose.
FMC : faites-nous confiance
Lorsqu’elle a annoncé, au printemps dernier, son intention de remettre à plat le dispositif de FMC, Roselyne Bachelot avait fait valoir qu’elle ne voulait « pas demander aux médecins de collectionner les crédits comme des breloques ». Son projet de loi prévoit donc de revoir les modalités de contrôle de l’obligation de FMC. Et pose les prémices d’un système qui mettrait en avant l’évaluation. Il n’est pas sûr que les généralistes s’y retrouvent. 30 % d’entre eux sont nostalgiques de l’ancien système de points et jugent légitime de « demander à chaque praticien d’attester de ses formations via les crédits de FMC ». Probablement s’agit-il des praticiens déjà engagés dans le processus, lassés des revirements successifs du feuilleton de la FMC. A l’inverse, au diapason des craintes de la majorité de la profession de se voir imposer une recertification de ses compétences, un généraliste sur sept seulement estime que c’est la « pratique professionnelle de chaque praticien » qu’il faut évaluer. Mais pour la grande majorité (55,4 %) de la profession, les pouvoirs publics doivent « faire confiance à chaque praticien » pour juger de l’obligation déontologique de formation, quitte à « laisser l’Ordre sanctionner les erreurs graves ».
Santé publique : si on allait plus loin
Le chapitre « Santé publique » du projet de loi « HPST » a été réduit à la portion congrue au fil des mois. Il est vrai que ce n’est pas son objet principal. La mesure phare de ce chapitre à savoir l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs est bien accueillie par les généralistes. Certes, un petit tiers estime néanmoins qu’il s’agit « d’une stupidité qui n’aura aucun effet sur l’alcoolisme chez les jeunes ». Cependant, les plus nombreux (43,6 %) jugent la mesure nécessaire (sans donner quitus pour autant à Roselyne Bachelot dans la lutte contre l’alcoolisme), voire franchement positive (28 %). De fait, dans les rangs des députés, beaucoup de voix se sont élevées pour demander de profiter de ce texte pour introduire de nouvelles dispositions législatives de santé publique. Roselyne Bachelot s’est montrée très ouverte à ces propositions. Une série d’amendements parlementaires devraient intéresser la lutte contre l’obésité et le surpoids en reprenant les préconisations de Valérie Boyer, la député UMP de Marseille, qui avait remis en septembre un rapport injustement oublié depuis.
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