EN FRANCE, selon les estimations, de 500 000 à 650 000 personnes sont porteuses du virus de l'hépatite C (1). Grâce au dépistage, 200 000 sujets infectés par le VHC ont été identifiés à ce jour. On sait également que le nombre de traitements institués varie entre 10 000 et 15 000 par an et, par ailleurs, que l'incidence annuelle de l'infection est de 5 000 nouveaux cas. Cependant, le lieu de prise en charge des malades n'est connu que pour 1 patient dépisté sur 10. Les 180 000 autres « ne sont traités nulle part », déplore le Dr Menahem. Ces chiffres justifient le besoin d'améliorer la prise en charge de l'hépatite C, une infection dont la gravité potentielle est établie. Le danger vient du risque d'évolution vers une cirrhose et de survenue d'un carcinome hépatocellulaire. Après contamination, une hépatite chronique se développe chez 60 à 90 % des patients, dont 50 à 80 % présentent une forme modérée ou sévère. Dans ces cas, entre 10 et 30 % évoluent vers une cirrhose (de 0 à 5 % pour les hépatites chroniques minimes ou à transaminases normales). Et cinq ans après le diagnostic de cirrhose, une insuffisance hépatocellulaire ou un hépatocarcinome survient chez, respectivement, 4 % et de 1 à 3 % des malades par an, avec une issue rapidement fatale dans 1 à 17 % des cas.
A l'heure actuelle, constate le Dr Menahem, « l'accès aux soins et aux traitements des patients atteints d'hépatite C est relativement difficile », pour des raisons liées aux caractéristiques de l'infection, aux modalités des prescriptions thérapeutiques et aux particularités de la population la plus touchée. Les patients sont peu enclins à se faire suivre alors que leur maladie est asymptomatique. De plus, les premiers « récepteurs » de ces malades sont les hépatologues hospitaliers qui s'occupent d'hépatite C, d'où une importante surcharge hospitalière. Aujourd'hui, il faut en moyenne trois mois pour obtenir un premier rendez-vous. Le droit de prescrire le traitement est aussi octroyé aux gastro-entérologues de ville, mais « la population porteuse du VHC est difficile à appréhender par un spécialiste de ville », dit le Dr Menahem. Celle-ci est, en effet, constituée à 90 % d'usagers de drogues intraveineuses. Enfin, la lourdeur du suivi des patients pour la gestion des effets secondaires est « peu pratique pour un gastro-entérologue de ville ». Du fait de leur plus grande proximité avec les malades, les généralistes, qui ne peuvent pas prescrire les traitements, seraient les mieux placés pour réaliser ce suivi. Avec les biologistes, ces praticiens ont déjà un rôle important dans le dépistage et le diagnostic de l'infection ; ils peuvent réaliser 90 % du bilan avant de référer le malade au spécialiste.
Par quels moyens peut-on inciter les généralistes à s'impliquer davantage dans cette prise en charge ? Le Dr Menahem estime qu'il faut procéder par étapes. « Dans un premier temps, nous suggérons que les médecins des centres de soins spécialisés aux toxicomanes (Csst) puissent prescrire, sous le contrôle d'un référent. » La démarche suivante sera de plaider en faveur de l'extension de cette mesure à tous les médecins traitants. Leur participation demande toutefois un important investissement en formation. En attendant, tous les intervenants médicaux et paramédicaux concernés insistent sur l'intérêt d'une prise en charge multidisciplinaire de l'hépatite C.
D'après un entretien avec le Dr Guy Menahem, médecin généraliste, Csst (centre de soins spécialisés aux toxicomanes), Villeneuve-la-Garenne. Journée d'amphi « Hépatite C : intérêt d'une prise en charge multidisciplinaire » parrainée par Schering-Plough, jeudi 18 mars 2004.
(1) « BEH » n° 5/96.
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