« Les primes à l’installation peuvent-elles corriger la mauvaise répartition des médecins sur le territoire ? » La question était posée par Anne-Laure Samson, maître de conférence à l’université Paris-Dauphine, lors des Rencontres du droit et de l’économie de la santé organisées le 1er juillet avec la chaire santé de Sciences-Po, et l’université Paris-Descartes.
Premier constat de l’universitaire : on ne manque pas de médecins en France, c’est leur répartition qui pose problème et entraîne une inégalité dans l’accès aux soins. « Réguler la répartition des médecins généralistes est un enjeu majeur de politique publique », prévient-elle.
Les résultats limités de l’incitation
Des mesures visant à améliorer leur répartition ont bien été prises, poursuit Anne-Laure Samson, mais elles sont récentes. L’universitaire cite pêle-mêle l’avenant 20 qui propose jusqu’à 20 % de majoration d’honoraires pour les généralistes s’installant en groupe dans une zone sous-dotée, ou les contrats de bonne pratique relatifs à l’exercice en milieu rural. Depuis deux ans, les contrats d’engagement de service public (CESP) proposent des bourses aux étudiants en échange d’une installation ultérieure en zone déficitaire. Le praticien territorial de médecine générale (PTMG), qui a été ouvert auprès de 200 médecins l’an dernier, garantit également un salaire mensuel minimum net de 3 640 euros aux médecins de famille qui s’installent dans un territoire sous dense.
Pour autant, ces mesures n’ont que faiblement impacté la répartition des praticiens. Anne-Laure Samson a cherché les raisons qui poussent les médecins à s’installer dans un endroit plutôt qu’un autre. Grâce à la base de données de l’assurance-maladie, elle a scruté 8 000 généralistes de secteur I lors de leur première année d’installation, entre 1997 et 2002 (c’est-à-dire avant la mise en œuvre des mesures décrites plus haut). « Les médecins changent de région pour s’installer dans celles ou le revenu est élevé, croit-elle discerner dans les statistiques de la CNAM, mais également dans celles ou le nombre d’heures d’ensoleillement est important ».
La tentation de la coercition
Conclusion : « Les incitations financières devraient être d’un montant très élevé pour convaincre ceux qui valorisent fortement leur qualité de vie à s’installer dans les régions faiblement dotées en médecins. » L’ordonnance d’Anne-Laure Samson est simple : elle prescrit tout d’abord « une modulation régionale plus forte du numerus clausus ou du nombre de places offertes aux ECN », et prévient que « des mesures coercitives sont nécessaires pour modifier en profondeur la répartition des médecins, et notamment une contrainte plus forte sur leur liberté d’installation ».
Dans son étude, Anne-Laure Samson n’a pas du tout pris en compte les réalités de terrain comme l’isolement, la qualité de l’organisation de la permanence des soins (PDS), ou la présence de services publics et d’établissements de soins, pourtant tout aussi déterminantes dans le choix du lieu d’installation.
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