De notre envoyée spéciale à Nancy
On commence à connaître ce chiffre par cur : il y a 332 médecins pour 100 000 habitants en France. Le Pr Yvon Berland, doyen de la faculté de médecine de Marseille, est venu présenter aux résidents réunis en congrès à Nancy les travaux de la mission sur la démographie des professions de santé qu'il a dirigée cet hiver, à la demande du ministre de la Santé.
Le constat n'est pas neuf : la profession est vieillissante, se féminise, et l'on assiste à des disparités démographiques et géographiques jusqu'au sein de la même région. Les jeunes généralistes ne semblent plus vouloir exercer de façon isolée. Or 27 % seulement d'entre eux travaillent en cabinet de groupe. Il faut donc revoir les conditions d'exercice.
Avant d'inciter, observer
De la mission est ressortie, tout d'abord, la nécessaire création d'un observatoire. « Il faut que l'on sache qui fait quoi, quand et à quel âge », insiste Anthony Annereau, président de l'ISNAR.
Sur le relèvement du numerus clausus, tout le monde est d'accord, même si, comme le précise le Pr Berland, ce levier, tout comme celui de l'augmentation du nombre de postes d'internes, n'aura pas d'influence à court ni à moyen terme. « Il faut inventer de nouvelles recettes », a confirmé le Pr Jacques Roland, président de la Conférence des doyens, comme la régionalisation. Il serait en effet question de régionaliser le nouvel ENC, examen national classant qui va remplacer l'internat. Avec le grand avantage, selon le Pr Roland, « d'être plus près des étudiants ». Pour Antoine Bruna, premier vice-président de l'ISNIH (Intersyndicat national des internes des hôpitaux, dont la présence au congrès des résidents a été signalée comme un bon présage pour les relations spécialistes-généralistes), la régionalisation n'est pas forcément une bonne solution parce que « toutes les villes n'ont pas les mêmes capacités d'accueil. Il ne faut pas croire que l'interne restera dans sa ville de formation ». Il s'est également montré sceptique sur la filiarisation de l'ENC : « Un externe ne sait pas forcément à la fin de son externat quelle spécialité il choisira. »
Laisser le traitement des feuilles de soins et les actes répétitifs à d'autres : telle est l'idée sous-jacente à ce qu'il est convenu d'appeler la « délégation des tâches ». Ou bien la « redéfinition des contours des métiers ».
Déléguer certains actes
« Un orthoptiste, précise le Dr Yvette Ract, médecin-conseil national et membre, elle aussi, de la mission Berland, qui est formé en quatre ans et non en douze ou quinze ans, est capable de prescrire des lunettes et une nurse practitioner , infirmière "surspécialisée", peut réaliser certains examens et proposer des diagnostics aux médecins. » Il faudra alors classer les actes qu'on peut déléguer. Dernière piste pour tenter d'absorber le problème de la démographie : le regroupement des professionnels de santé, notamment dans des maisons de soins. Une solution pour ces « nombreux jeunes généralistes qui, en sortant de leur troisième cycle, veulent faire du 8 h-12 h, 14 h-18 h », comme en a témoigné l'un des congressistes. L'Ordre des médecins s'est dit prêt, par la voix de son représentant au congrès, le Dr Boris Chatin, président de la section santé publique du Conseil national, « à faire sauter le verrou du cabinet secondaire ». Un geste qui, pour certains, présente le risque de renforcer l'isolement du médecin. Quant au 6e semestre que devront, dès 2004, suivre les internes en médecine générale, il pourrait, lui aussi, représenter un levier pour la démographie. Sous certaines conditions. « C'est une très bonne occasion de démontrer aux jeunes médecins l'intérêt de certains coins de France, considérés comme des zones difficiles », a remarqué Valérie Desquesne, chargée de mission sur la démographie médicale à l'URCAM de Basse-Normandie. « Evidemment, il faudra placer les stagiaires là où les services fonctionnent. » Le 6e semestre ne doit pas devenir un remplacement bis.
La certification des résidents est à l'étude
L'un des ateliers du Congrès de l'ISNAR a porté sur la certification. Ce n'était pas du luxe d'apporter une information sur ce projet, porté par des étudiants et des enseignants, mais méconnu d'une grande partie des actuels résidents.
Ne pas confondre certification et recertification. Pourtant, l'une ne va pas sans l'autre. La seconde, incluse dans la FMC (formation médicale continue) suit la première, intégrée dans la FMI (formation médicale initiale). C'est finalement le caractère illimité du diplôme que le médecin reçoit en troisième cycle, la thèse, qui est à l'origine de cette démarche. La certification devrait permettre d'évaluer les compétences professionnelles de l'interne en médecine générale, de façon continue tout au long de son internat, et selon un référentiel. Ce diplôme doit d'abord répondre à une exigence sociale. Il s'agit de garantir pour les patients la qualité des soins. « Passer par l'évaluation de nos pratiques est une nécessité, d'autant qu'il faudra suivre l'évolution dans le temps des référentiels métier », a expliqué Olivier Marchand, porte-parole de l'ISNAR, qui animait le débat.
« Il est important que vous vous placiez dans une logique d'apprentis dès le 3e cycle et que vous soyez porteurs de vos choix professionnels », a insisté le Pr Pierre-Louis Druais, président du CNGE (Collège national des généralistes enseignants). Tout en garantissant aux étudiants que cette certification appartiendra aux enseignants et aux étudiants.
« Autant que nous travaillions nous-mêmes là-dessus, plutôt que de nous voir imposer une certification définie par la société ou par les autorités de tutelle », a renchéri Olivier Marchand. « La formation ne doit pas être qu'une question de connaissances mais l'apprentissage de leur mise en pratique », a souligné le Pr Druais.
Pour le Dr Elisabeth Steyer, représentante de l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation) en Lorraine, « il s'agit de tirer la profession vers le haut ». En rassurant les patients, cette labellisation devrait servir les médecins. Quant à l'évaluation de la capacité relationnelle du médecin vis-à-vis de son patient, les partisans de la certification conviennent qu'elle ne résoudra pas cette question. « A ce niveau, précise le Pr Druais, la meilleure évaluation est celle, directe, sanctionnante et sans pitié qui émane du patient. » Même si ce diplôme n'est pas un outil idéal, a admis Olivier Marchand, il répond à une volonté d'améliorer la transparence de la qualité des soins. « Il faut réaxer la formation initiale ; la certification ne doit pas être quelque chose en plus de la FMI. » La recertification intégrera ensuite naturellement l'obligation déontologique de FMC.
Au. B.
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