DÈS LEUR PLUS TENDRE jeunesse, à La Haye, les frères van Velde développent leur goût de la peinture et explorent de concert les genres du portrait et de la nature morte, avec le réalisme propre à l’esthétique hollandaise. Peu à peu, ils renforcent le travail de la matière, se plaisent à jouer avec la lumière et les contrastes et font preuve d’une belle audace.
Dans les années 1920, Bram se rend en Allemagne, à Worpswede, ce village proche de Hambourg, qui abrite une célèbre colonie d’artistes. Il s’inspire du quotidien et assimile les leçons de ses aînés, Van Gogh, Munch, les expressionnistes. La couleur devient de plus en plus franche et la touche plus large. Bram arrive à Paris en 1924 et n’aura de cesse de peindre, excepté pendant les années de guerre. Il s’essaie aux bouquets de fleurs, aux paysages urbains, aux figures féminines, aux natures mortes à la fenêtre. Et la couleur se fait de plus en plus éclatante, magnifiée par les séjours du peintre en Corse.
Pendant ce temps, Geer, qui rejoint son frère à Paris en 1925, traverse d’abord une phase « naïve ». Ses toiles sont peuplées de scènes reflétant les coutumes paysannes et populaires. Son uvre est imprégnée d’un étonnant mélange de tradition et de modernité. Le petit frère de Bram s’essaie à de nouvelles écritures picturales, marquées par la fougue de la gestuelle. Peu à peu, Geer purifie son uvre et laisse apparaître des chiffres-couleurs couchés dans de larges espaces, qui rappellent Nicolas de Staël et qui s’inspirent de la mer infinie, de la clarté de la lumière du Sud.
Les travaux de Bram, dans les années 1930, deviennent également de plus en plus abstraits, pour ne laisser apparaître que des formes cernées, dans des toiles débordantes de couleurs. Au moyen d’une gestuelle presque expressionniste, l’artiste met en place son langage de signes, par une continuité de lignes qui se déplient, qui s’enroulent, et par un jeu de pleins et de vides. Paradoxalement, derrière le lyrisme du geste et sa spontanéité, on perçoit une maîtrise et une force de construction. Ces compositions d’allure improvisée sont saturées de couleurs : chaudes et exaltées lorsqu’elles se rapprochent des tons de brasier des Fauves, transparentes pour évoquer la clarté ou le souvenir, vibrantes sous la force d’un rouge sulfureux. Feux d’artifice remplis de vitalité, les toiles de Bram Van Velde en appellent aux sens et à l’émotion, qu’elle soit joie ou nostalgie.
Tout lie les deux peintres, qui se croisent et se répondent, tout en traçant des routes profondément personnelles. L’exposition illustre à merveille ce cheminement parallèle. Une section consacrée aux uvres graphiques des deux frères permet de ressentir particulièrement les dissemblances et les affinités entre leur génie respectif. « J’ai continué à chercher des images plus intérieures (…), ce qu’on ne peut pas voir », disait Bram. Quant à Geer, Gaëtan Picon parle du « vide, de la neutralité du rien, du néant de lumière »* qui transparaît dans son uvre. Chez l’un et l’autre, le même souci d’aller jusqu’au bout de soi, dans une explosion intérieure…
* Propos rapportés par Germain Viatte dans Geer van Velde, Paris, éditions Cahiers d’art, 1989.
Musée des Beaux-Arts de Lyon, 20, place des Terreaux, tél. 04.72.10.17.40. Tlj sauf mardi, de 10 à 18 heures (vendredi de 10 h 30 à 18 heures). Jusqu’au 19 juillet.
A voir aussi : l’exposition Bram van Velde à la Galerie Henri Chartier de Lyon (tél. 04.72.44.02.58), du 3 juin au 10 juillet .
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