L A majorité des Français est très favorable à l'interdiction de la vente de cigarettes aux enfants de moins de 13 ans, selon un sondage CSA-Le terrain*-« le Quotidien » qui révèle que 57 % des hommes et 71 % des femmes souhaitent cette interdiction.
Plus l'on est âgé et plus l'interdiction de la vente de tabac au moins de 13 ans paraît nécessaire : 70 % des 65 ans et plus se déclarent très favorables à cette mesure pour 59 % des 15 à 24 ans. En revanche, les réponses diffèrent peu selon que les personnes interrogées aient des enfants ou pas et selon la situation du chef de famille. Toutefois, chez les personnes très favorables à une interdiction, les cadres supérieurs et les professions libérales, arrivent en dernière position (55 % contre 67 % chez les artisans-commerçants). Les anciens fumeurs sont plus nombreux (73 %) que les autres, fumeurs (60 %) ou non-fumeurs (65 %), à se prononcer pour une interdiction de la vente de cigarettes aux moins de 13 ans.
« L'opinion est mûre pour accueillir cette disposition d'interdiction de vendre du tabac aux jeunes », estime l'un des cinq sages de la santé publique, le Pr Albert Hirsch, qui regrette toutefois que le sondage ait ciblé les enfants de moins de 13 ans. « C'est un peu trop jeune. La barre est à placer à 16 ou 18 ans. Si l'on avait posé la même question, en la faisant porter sur des jeunes de 16 ou 18 ans, je n'aurais pas été étonné d'obtenir 55 % à 60 % d'opinions favorables à une interdiction de la vente aux jeunes ». Selon lui, « l'opinion est avertie sur le risque de la consommation prolongée de tabac ». « Dans le cancer du poumon, si le risque lié à la quantité consommée est de un, le risque lié à la longévité de la consommation est quatre fois plus important », rappelle-t-il.
Raison de plus pour agir auprès des adolescents : à 16 ans, près d'un jeune Français sur trois fume quotidiennement, selon une étude de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), publiée en février 2001. « Avec 31 % de jeunes de 16 ans qui fument chaque jour, la France se situe au-dessus de la moyenne », parmi 30 pays d'Europe, relève Marie Choquet (INSERM), l'un des auteurs de l'enquête.
Perplexe quant à la « faisabilité » de la mesure, le Pr Hirsch explique que, à titre personnel, il est « pour une interdiction de la vente aux 16/18 ans ». « Il n'est pas possible de continuer à vendre un produit qui rend le consommateur dépendant et qui en tue un sur deux, argumente t-il. Si l'on prend des mesures contre le tabagisme comme l'interdiction de faire de la publicité, de fumer dans les lieux publics et sur le lieu de travail, il n'est pas logique de ne pas interdire la vente aux jeunes ».
L'interdiction de fumer sur le lieu de travail, prévue par la loi Evin, va d'ailleurs figurer prochainement dans le code du travail et donc être inscrite dans le règlement des entreprises. Ce qui devrait permettre une application plus rigoureuse de cette interdiction.
Désormais convaincu de l'intérêt d'une interdiction de la vente du tabac aux jeunes, le Pr Hirsch s'étonne que le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, l'ait placé récemment au rang des tabacologues hostiles à une telle mesure.
Alors qu'il visitait une école de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) pour signer la charte « Ecole sans tabac », le ministre a précisé qu'il réfléchissait à une éventuelle interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de 16 ans qui pourrait, dans un premier temps, être expérimentée dans une seule région.
Une suggestion qu'il s'est empressé de retirer le lendemain même de sa visite, en estimant « que l'on interdisait assez de trucs aux jeunes comme ça ». « Il n'y aura pas de loi à ce sujet » a-t-il même ajouté. La veille, Bernard Kouchner, avait néanmoins affirmé que « l'OMS dit oui (à une interdiction) , mais l'industrie du tabac est également en faveur de cette interdiction aux moins de 16 ans, car cela dédouanerait et légitimerait l'usage du tabac par la suite ».
Le ministre avait encore indiqué que des tabacologues comme le Pr Maurice Tubiana et le Pr Hirsch étaient hostiles à une mesure d'interdiction qui serait inefficace et « très largement transgressée » par les adolescents.
Le Pr Hirsch affirme, de son côté, que les jeunes, eux-mêmes, pourraient être favorables à une telle mesure : « Ils ont conscience, dit-il, de la manipulation dont ils font l'objet ». Il reconnaît toutefois que « c'est une chose de parler d'une mesure et une autre chose d'en avoir les modes d'application ». Soulignant la réflexion, selon lui, « insuffisante » du gouvernement sur la question, il préconise, pour sa part, de « mettre en place un groupe de travail avec tous les acteurs concernés, avant d'annoncer la mise en uvre expérimentale ou non d'une interdiction ».
* Sondage réalisé par téléphone les 5 et 6 juin auprès d'un échantillon national représentatif de 1 002 personnes âgées de 15 ans et plus.
Etes-vous très favorable, plutôt favorable, plutôt pas favorable ou pas favorable du tout à l'interdiction de la vente de cigarettes aux enfants de moins de 13 ans ?
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Très favorablePlutôt favorablePlutôt pas favorablePas favorable du tout
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Total64197100
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Hommes5722812
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Femmes711567
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Tranche d'âge
15 à 24 ans5923710
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25 à 34 ans612568
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35 à 49 ans6318910
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50 à 61 ans681687
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65 ans et plus7013413
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