DEMAIN, tout le système de santé français sera fléché par les médecins traitants choisis par environ 20 millions de patients âgés de plus de 16 ans pour former les « parcours de soins coordonnés » prévus par la réforme de l'assurance-maladie. Cependant, une partie des généralistes libéraux irréductibles résistent encore et toujours à la convention et le font savoir de diverses manières, même si, au niveau national, l'assurance-maladie s'enorgueillit d'avoir fait déjà entrer « 98 % des médecins généralistes libéraux » dans le dispositif médecin traitant.
Le syndicat de médecins généralistes MG-France, hostile au texte conventionnel, a déjà indiqué qu'il laissait tomber son mot d'ordre de « gel des formulaires » pour appeler à « la grève du zèle ». Elle passera notamment par un « retour obligé aux archaïques feuilles de soins papier » (sauf pour les patients en tiers-payant) pour « signaler le parcours des assurés dans le nouveau système », puisque, selon MG-France, il faudra attendre le mois de septembre pour que toutes les feuilles de soins électroniques télétransmises avec la carte Vitale permettent de faire de même. Le syndicat contestataire prend acte, de cette manière, de « la mise en place au 1er juillet d'une jungle tarifaire inexplicable » par les praticiens eux-mêmes et du report à 2006 des règles de prise en charge par les complémentaires.
Rassemblement à Caen.
Ces jours-ci, des généralistes réfractaires à la convention remettent aux caisses, symboliquement et in extremis, les formulaires « médecin traitant » qu'ils ont stockés depuis plusieurs mois - y compris souvent ceux de leurs patients en ALD leur donnant droit à une rémunération de 40 euros par an.
La coordination départementale et la Fédération des médecins de France (FMF) des Pyrénées-Atlantiques ont ouvert le bal des dépôts de formulaires groupés hier, à Pau. Pour le Dr Kamel Hamtat, de la coordination et de la FMF 64, c'est une action « sans étiquette syndicale », pour respecter « la promesse faite aux patients qu'on ne les mettrait pas en difficulté ». Selon le Dr Hamtat, les généralistes des Pyrénées-Atlantiques entendent aussi « montrer qu'(ils) restent mobilisables et que l'on ne (leur) fera pas avaler des couleuvres », notamment sur les enjeux économiques de la réforme. A Caen, la caisse primaire d'assurance-maladie (Cpam) a préparé des cartons pour recevoir les piles de formulaires apportées par des généralistes du Calvados, qui fermeront leur cabinet à cette occasion, « pendant quelques heures » à partir de 13 heures ou « tout l'après-midi » , à l'appel de la coordination et des syndicats départementaux MG 14 et FMF.
A la direction de la Cpam, on fait remarquer que, si la situation n'était « pas catastrophique avec un taux de retour de 37 % chez les patients » (contre 40 % pour la moyenne nationale), la caisse « fera face » à cet afflux soudain de formulaires. « On reste mobilisés contre la convention, souligne le Dr Jacques Battistoni, président de MG 14. On va démontrer, à travers le carcan administratif qu'on nous impose, que cela ne peut pas fonctionner tel que c'est prévu. » Le Dr Antoine Leveneur, de la coordination du Calvados, attend un rassemblement à Caen « de 100 à 300 généralistes » sur les 520 généralistes en activité dans le département.
Dans les Hauts-de-Seine, MG 92 organise aussi aujourd'hui à 13 heures « une remise symbolique des formulaires retenus depuis trois mois » dans le département à la Cpam de Nanterre, afin « de ne pas voir pénaliser les patients ».
Simultanément, « environ 400 » généralistes devraient de même fermer temporairement leur cabinet afin de se retrouver pour délivrer leurs formulaires aux Cpam de Brest et de Quimper, selon le Dr Nikkan Mohtadi, porte-parole de la coordination du Finistère. Dans d'autres départements bretons, les feuilles arriveront après la date du 1er juillet (le 20 juillet par exemple dans le Morbihan).
De leur côté, un groupe de syndicats et d'associations de médecins généralistes, engagés dans une « lutte collective contre les méfaits de la réforme », tempèrent leur précédent appel à la « rétention des formulaires médecin traitant ». Le Syndicat de la médecine générale (SMG), l'Union syndicale des médecins généralistes, l'Association Mgva (Vigilance et Action, mouvement de contestation interne à MG-France), l'Association nationale des médecins référents (Amedref) et le Manifeste dénoncent dans un communiqué commun « les pressions et les informations mensongères vantant (aux patients) une hypothétique coordination des soins ». Ce groupe de syndicats et d'associations propose donc aux généralistes de « répondre de manière pragmatique aux craintes exprimées par les patients » en renvoyant les formulaires en leur possession « sans urgence dans la deuxième quinzaine de juillet » s'ils se sont « engagés à le faire » auprès de certains patients. Il ne s'agit pas d'une reddition, précisent-ils, puisque « la lutte contre la réforme continue, ainsi que l'information des patients sur ses conséquences néfastes ». Ils citent en particulier « l'augmentation massive des tarifs des mutuelles et assurances complémentaires », « l'accablement des médecins généralistes » et « les dépassements systématiques des tarifs des médecins spécialistes ».
Les syndicats défilent au ministère
Derniers réglages avant le grand saut ! Les cinq syndicats médicaux représentatifs sont reçus aujourd'hui et demain par le ministre de la Santé et des Solidarités, Xavier Bertrand, et par son ministre délégué à la Sécurité sociale, Philippe Bas, avec au programme « la mise en place du parcours de soins ».
Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, est attendu au ministère en fin d'après-midi tandis que les Drs Michel Chassang, Dinorino Cabrera et Félix Benouaich, qui président respectivement la Csmf, le SML et Alliance, les trois organisations signataires de la convention médicale, seront reçus ensemble ce soir. Enfin, le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF, sera auditionné demain.
Xavier Bertrand avait annoncé dans nos colonnes (« le Quotidien » du 27 juin) qu'il souhaitait rencontrer les syndicats pour « examiner avec eux les modalités pratiques du passage au médecin traitant » et attirer leur attention sur l' « impératif » de préserver l'égal accès au spécialiste, quel que soit le mode de recours du patient ( via le médecin traitant ou en accès libre). Parallèlement, Xavier Bertrand et Philippe Bas ont prévu de se rendre demain au siège de la Cnam pour une visite de trois heures, à l'occasion de laquelle ils feront le point avec le directeur de l'assurance-maladie sur l'entrée en vigueur du parcours de soins et sur l'action des conciliateurs.
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