L'ANALYSE des données du réseau de surveillance des voyageurs européens atteints de pathologies importées permet d'affirmer que, si l'on s'en tient à la définition de l'OMS, chez un nombre important de patients, la dengue pourrait être mal diagnostiquée. Un total de 17 353 malades ont consulté dans l'un des quatorze centres européens de référence entre 2003 et 2005 en raison d'un état pathologique en rapport avec un voyage à l'étranger. Sur l'ensemble de ces patients, 219 (109 hommes et 110 femmes) présentaient un tableau comptable avec un diagnostic de l'une des trois formes de dengue actuellement reconnues : fièvre indifférenciée, dengue classique ou dengue hémorragique.
Actuellement, si l'on se réfère à la classification OMS, une dengue classique doit associer un tableau fébrile à au moins deux des manifestations cliniques suivantes : céphalées, douleurs rétro-orbitaires, myalgies, arthralgies, manifestations hémorragiques ou leucopénie. En ce qui concerne le diagnostic de fièvre hémorragique, il ne peut être porté que si les quatre critères diagnostiques sont présents : fièvre d'une durée de deux à sept jours ; tendance hémorragique prouvée par une positivité lors du test du tourniquet (hyperpression capillaire de 5 minutes) ou par une hémorragie spontanée ; thrombopénie (moins de 100 000 plaquettes) ; signes de fuite capillaire diffuse (hémoconcentration avec modifications du taux d'hématocrite ou apparition d'une pleurésie ou d'une ascite).
Les critères stricts de l'OMS.
L'équipe du Dr Ole Wichmann (Berlin) a dans un premier temps appliqué de façon stricte les critères de l'OMS. Elle a conclu que seulement 0,9 % des 219 voyageurs retenus dans l'étude présentaient une forme clinique de dengue hémorragique. Cette incidence est plus basse que celle retrouvée dans les populations vivant en région endémique (de 2 à 6 %) en raison de l'absence d'anticorps antidengue préexistants chez les voyageurs. Il est, en effet, communément admis que les formes cliniques les plus graves sont celles dites secondaires, au cours desquelles les sujets présentent une infection par l'un des quatre sérotypes de dengue actuellement circulants, alors qu'ils sont déjà immunisés par une autre souche.
En moyenne, les 219 voyageurs malades étaient âgés de 32 ans, 90 % d'entre eux étaient d'origine européenne. Tous les autres étaient nés dans des pays où la dengue survient actuellement de façon endémique. L'origine de l'infection a pu être précisée : 35 % des malades revenaient d'Asie, 29 % du sous-continent indien et 28 % des différentes régions d'Amérique. En moyenne, le séjour sur place avait duré 24 jours et, pour 39 % des malades, il s'agissait du premier voyage dans un pays endémique.
Un taux élevé d'IgM.
L'infection par le virus de la dengue a été confirmée chez 133 patients par une majoration des taux d'anticorps antidengue circulants. Le diagnostic a été considéré comme probable chez 86 autres devant l'existence d'un taux élevé d'IgM au cours du suivi médical. Au total, 77 % des cas ont été étiquetés comme primaires (premier contact avec un virus de la dengue) et 40 autres comme secondaires (second contact viral). Même si l'incidence des formes graves n'était que de 0,9 %, cliniquement 11 % des malades ont présenté des formes sévères généralement en rapport avec des saignements importants ou prolongés ou avec des fuites capillaires diffuses importantes.
Les deux éditorialistes, les Drs Annelies Wilder-Smith et Paul Ananth Taambyah (Singapour) soulignent qu'il est nécessaire de disposer de nouveaux tests diagnostiques cliniques et biologiques qui prennent en compte les différentes formes cliniques, simples à réaliser en pratique, afin de mieux apprécier l'importance de cette maladie qui s'est répandue en moins de 20 ans dans la plupart des pays de la région équatoriale.
« JID », 2007 ; 195, 15 avril 2007.
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