Lombalgies de l'enfant

Les formes essentielles sont les plus fréquentes

Publié le 27/09/2006
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SI L'ON ESTIME qu'environ 20 % des enfants d'âge scolaire (tranche 11-14 ans) se plaignent à un moment ou à un autre de lombalgies, très peu d'entre eux sont amenés en consultation pour cette raison. Une enquête américaine a de fait montré que moins de 2 % des consultations orthopédiques pédiatriques étaient motivées par des douleurs lombaires. Celles-ci sont en effet généralement peu intenses et de courte durée et entrent dans le cadre des lombalgies dites essentielles. « Avant d'envisager ce diagnostic, il est toutefois impératif d'éliminer une cause organique », précise le Pr Isabelle Koné-Paut. La recherche de signes cliniques d'alerte permet alors d'orienter le praticien, avant tout une raideur segmentaire, appréciée par la distance main-sol. Des douleurs quotidiennes persistant au-delà de un mois et/ou qui augmentent en intensité, des douleurs nocturnes, ou de survenue brutale après un exercice physique intense, l'existence de signes généraux, sont également des signes d'appel qui doivent alerter, de même que l'apparition d'une lombalgie chez un enfant de moins de 4 ans.

Eliminer une cause organique.
Parmi les étiologies organiques, il faut citer les spondylarthropathies juvéniles qui peuvent comporter une lombalgie inflammatoire ou une sacro-iliite. Cependant, habituellement, ces symptômes sont rarement inauguraux dans ce type de rhumatisme inflammatoire touchant des enfants de plus de six ans et qui commencent plus volontiers par des arthrites périphériques des membres inférieurs. Certaines lombalgies peuvent également être dues à des tumeurs osseuses, bénignes ou malignes.
Le diagnostic de spondylodiscite peut aussi être envisagé, mais n'est pas toujours aisé et les signes sont parfois trompeurs. Il faut savoir l'évoquer chez un jeune enfant présentant une boiterie, un tableau de fièvre prolongée, une raideur segmentaire à l'examen clinique.
Les lombalgies en présence d'une spondylolyse, voire d'un spondylolisthésis, doivent faire l'objet d'une attention particulière. En effet, l'apparition d'une solution de continuité au niveau de l'isthme intervertébral (le plus souvent L5, chez un enfant de 5-6 ans) est un phénomène acquis, éventuellement favorisé par un traumatisme. « Mais les trois quart de ces spondylolyses sont asymptomatiques : la relation causale avec une lombalgie ne doit donc pas être automatique et cette étiologie ne doit être retenue qu'en cas de glissement très important ou de la présence de signes neurologiques comme une radiculalgie ou un syndrome de la queue de cheval », ajoute le Pr Koné-Paut.
Quant à la maladie de Scheuermann, rappelons qu'elle atteint classiquement le rachis dorsal (parfois la charnière dorso-lombaire), plus souvent les garçons, et qu'elle n'entraîne pas forcément de douleurs. La radiographie montre classiquement, au début un aspect feuilleté et irrégulier d'au moins trois plateaux vertébraux, mais la dystrophie de croissance peut déjà être à un stade plus avancé au moment du diagnostic, avec des hernies intraspongieuses, voire même des arrachements cunéiformes situés sur les corps vertébraux. Ce sont ces atteintes qui sont à l'origine de la déformation en cyphose.
Parmi les autres causes organiques, il faut encore citer de rares hernies discales d'origine traumatique, les scolioses compliquées (les formes banales étant indolores). Les ostéoporoses primitives ou survenant au cours des pathologies inflammatoires, notamment cortico-induites, peuvent également être source de douleurs mécaniques.
Dans l'immense majorité des cas, les lombalgies de l'enfant sont donc essentielles provoquant des douleurs peu intenses, de durée brève, sans signes objectifs. Rappelons que cette situation ne nécessite aucun examen complémentaire, notamment pas de radiographies. En cas de doute diagnostique, la radiographie standard du rachis est indispensable. Elle sera complétée si nécessité d'une IRM, examen de choix, ou d'une scintigraphie. Il n'empêche que, si moins d'un tiers des familles consultent pour cette raison, ces douleurs ont un retentissement non négligeable : absentéisme scolaire chez près de 20 % des jeunes patients, arrêt des activités sportives. Les causes de ces lombalgies sont encore obscures. Leur plus grande fréquence chez les filles a fait évoquer une influence hormonale ; des facteurs familiaux ou psychologiques sont également avancés. Quant au rôle du sport, il est très probable dans certains cas : le surentraînement sportif n'est pas si rare chez l'enfant qui pratique la compétition et son accompagnement médical pas toujours optimal.

D'après un entretien avec le Pr Isabelle Kone-Paut, hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.

Le poids du cartable

Le rôle du cartable dans l’aggravation ou le déclenchement de lombalgies a fait l’objet de beaucoup de travaux et de débats. Malgré l’étude de multiples paramètres, comme le poids ou les dimensions du sac, le mode de port, force est de constater que les résultats sont non concluants et controversés. Certains auteurs ont même avancé un possible effet bénéfique grâce à un renforcement de la musculature dorsale !

> Dr PATRICIA THELLIEZ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8018