M INISTRE de la Fonction publique et de la Réforme de l'Etat, Michel Sapin a décidé d'appliquer unilatéralement les propositions qu'il avait faites aux fonctionnaires, qui ont accueilli sa décision avec un tollé prévisible.
M. Sapin a reconnu, dans un entretien avec « le Monde », qu'il a différé sa décision pour des raisons électorales, c'est-à-dire qu'il a attendu les élections municipales. Mais, d'une part, le mécontentement des fonctionnaires risque de s'exprimer lors des législatives et de la présidentielle de l'an prochain ; d'autre part, si la hausse de 1,2 % des salaires en 2001 et de 1,2 % en 2002 ne fait que compenser la diminution attendue du pouvoir d'achat, était-il possible d'accorder des augmentations plus élevées ? Attaché à ses réformes sociales, qui sont coûteuses, le gouvernement de M. Jospin sait qu'il ne peut pas accroître inconsidérément ses charges budgétaires fixes.
Les syndicats de fonctionnaires font valoir que la révolution technologique et la spécialisation des tâches réclament des connaissances et un apprentissage qui exigent que la carrière dans la fonction publique reste attractive. Elle l'est par d'autres aspects, notamment la garantie de l'emploi, et aucun gouvernement français, surtout pas celui-ci, n'a pu ignorer que la fonction publique représente en France un quart des emplois et que son budget absorbe 600 milliards par an, entièrement financés par le contribuable.
La réforme se fait attendre
L'épreuve de force entre le gouvernement et les fonctionnaires ne fait donc que commencer. Le déséquilibre entre public et privé devra être corrigé tôt ou tard. Dans l'une des tâches qui lui sont imparties, la réforme de l'Etat, M. Sapin, à ce jour, n'a pas beaucoup progressé. Le ministre a néanmoins envoyé aux fonctionnaires un message limpide : vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Et il veut augmenter de 14 % en cinq ans les salaires les plus bas de la fonction publique (égaux ou inférieurs à 1,4 fois le SMIC), ce qui sera une opération salutaire. Il rappelle donc les fonctionnaires (et surtout leurs syndicats) à leur devoir de solidarité.
Ces vastes négociations au cours desquelles les syndicats négocient la même augmentation pour tous sont inégalitaires par excellence : le principe même d'une hausse identique pour des millions de personnes indique que l'écart entre les mieux payées et les moins bien payées ne peut que s'accroître. Voilà pourquoi les propositions de M. Sapin sont bonnes.
En attendant une réforme de la fonction publique que les fonctionnaires ont savamment retardée, ce coup d'arrêt aux revendications n'est pas inutile. Il montre d'abord que le gouvernement ne manque pas de courage, parce que sa fermeté s'exerce contre son électorat naturel. Il indique à tous les partisans de la dépense, Verts, communistes, gauche socialiste, que le budget sera tenu.
Les rapports entre les pouvoirs publics et la fonction publique ne constituent pas le seul domaine où un gouvernement responsable doit agir parfois à contre-courant de l'opinion publique. La croissance des quatre dernières années a fait naître des espoirs excessifs.
On ne peut pas tout avoir
Les premières vagues de licenciements causées - au moins en partie - par le contrecoup de la crise économique américaine coïncident avec l'apogée des revendications sociales. Les Français n'ont pas compris que la semaine de 35 heures a un coût et qu'ils ne peuvent pas obtenir à la fois plus de temps de loisir et plus d'argent. M. Sapin a encouragé le secteur privé à augmenter les bas salaires, mais ce n'est pas lui qui paie les salaires du privé. Ce sont des chefs d'entreprise qui ont dû digérer les 35 heures.
Certes, c'est logique, c'est humain de réclamer des augmentations en période de croissance, et surtout quand les entreprises annoncent, pour 2000, des résultats très brillants. Aussi bien les règles doivent-elles être différenciées selon l'état de santé de chaque société. Mais globalement, on ne peut pas tout avoir : des créations d'emplois dans la fonction publique, des augmentations généreuses pour les fonctionnaires, la semaine de 35 heures pour tous les salariés, des hausses dans le secteur privé. Il faut faire des choix. Or le gouvernement de M. Jospin a voulu la réduction du temps de travail, qui est la réforme la plus importante de la législature. C'est sur elle qu'il se concentre et c'est pourquoi il est parcimonieux quand les fonctionnaires demandent plus. On peut penser ou non que les 35 heures sont une bonne chose, on ne peut pas reprocher à M. Jospin son absence de logique.
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