LE RSA correspond à une excellente réforme : elle permet aux plus pauvres d'accéder à l'emploi sans perdre l'aide financière servie par l'État. Elle les encourage donc à préférer l'emploi à l'assistanat. Nicolas Sarkozy a décidé de la financer par une augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Pour deux raisons : son projet initial, qui consistait à diminuer la prime pour l'emploi (PPE), a été vivement combattu par l'opposition ; en outre, en taxant les épargnants, il contraignait la gauche à approuver le RSA. Manoeuvre réussie. Sauf que les épargnants ne sont pas nécessairement des gens riches : la plupart sont des détenteurs de petites sommes, investies dans une assurance-vie ou dans un petit compte actions qui a déjà beaucoup perdu de sa valeur. On a assez répété aux Français qu'ils devaient se constituer une retraite complémentaire pour ne pas leur rendre la tâche impossible. Si M. Sarkozy a cloué le bec de la gauche, il a déclenché un tollé à droite, notamment dans l'aile dite sociale de l'UMP, incarnée par le député du Nord, Marc-Philippe Daubresse. Car il s'était engagé, pendant sa campagne électorale, non seulement à ne pas augmenter les impôts, mais à les diminuer. Nous n'en prenons pas le chemin.
Ménager la croissance.
Les députés UMP, qui exigent à cor et à cri de participer à la politique de réforme, ont demandé que les « niches fiscales », dispositions qui permettent de financer des projets de développement en accordant une déduction aux investisseurs, soient plafonnées. Indulgent, M. Sarkozy a fait savoir qu'il n'était pas contre. Mais pouvait-on de la sorte récupérer le milliard et demi nécessaire au financement du RSA ? Non. On se contente de dire que les bénéficiaires de niches fiscales apporteront leur écot au RSA. Mais on ne touchera pas au bouclier fiscal qui interdit à l'État de prélever plus de la moitié des revenus annuels d'un ménage.
ON POUVAIT FINANCER LE RSA SANS AUGMENTER LES IMPOTS
Dans l'idéal, le financement du RSA n'aurait pas dû provenir d'une nouvelle taxe ni de la réduction d'un avantage fiscal. Les niches fiscales représentent un manque à gagner de plus de 50 milliards d'euros pour l'État. Certes, si elles disparaissaient, le gouvernement pourrait largement équilibrer le budget, mais en même temps, il porterait un coup sensible à une croissance déjà bien maigre. Le seul moyen de financer le RSA sans augmenter les impôts consiste à diminuer les dépenses budgétaires. Les contorsions auxquelles se livrent le gouvernement et les parlementaires sont absurdes. Il faut réduire les sommes allouées aux mesures sociales.
Depuis quinze jours, tout esprit un peu curieux aura pu lire dans les journaux des dizaines de propositions pour la baisse de la dépense sociale. Parmi elles, le financement des 35 heures. L'État dépense chaque année 16 milliards d'euros pour compenser les diminutions de charges sociales accordées aux entreprises au titre du passage aux 35 heures. Il dépense en outre quelque 4 milliards au titre du retour aux 39 heures ! Il dépense encore quelque 70 milliards au titre d'une formation professionnelle qui semble n'avoir aucun effet sur le taux de chômage, lequel n'est sensible qu'à la croissance ou à la baisse de la démographie. N'est-ce pas dans ces postes extraordinairement coûteux que des économies doivent être faites ? Il semblerait raisonnable, par exemple, de mettre à plat le financement des 35 heures, ne fût-ce que pour ne pas payer deux fois, pour la mise en place de la RTT et pour son démantèlement.
Une mesure phare de la réforme.
Par ailleurs, est-il impossible de réduire le budget de 5 à 10 % de la formation professionnnelle, ce qui suffirait largement à payer le RSA ? On connaît les réponses : réduire la dépense, c'est aussi réduire la croissance, c'est créer du chômage. Les acteurs de la formation professionnelle sont des salariés qui perdraient leur emploi en cas de réduction budgétaire ; quant aux 35 heures, c'est un écheveau inextricable qui exige une profonde réflexion avant que l'on songe à l'amender. M. Sarkozy était pressé de faire son coup politique avec le RSA et a décidé de ne pas attendre un an de plus pour mettre en place ce système, qui doit être perçu comme une mesure phare de son gouvernement réformiste.
D'autant que le projet de budget pour 2009 doit être adopté à la fin du mois et qu'il fait l'objet de disputes sérieuses entre les ministres. M. Sarkozy n'a pas le temps. Il a néanmoins perdu une occasion de revoir des dépenses qui, au regard de nos déficits publics, doivent impérativement être comprimées. Tout se tient. L'argent ne manque pas, il est fort mal distribué. Et en réalité, la réforme la plus profonde sera celle des dépenses sociales. Ce n'est pas parce qu'elle est la plus ardue qu'elle doit être repoussée.
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