Dans des conditions physiologiques, environ 2O % des glucides ne sont pas absorbés au niveau de l'intestin grêle et parviennent intacts dans le côlon. Cette fraction est fermentée par les bactéries coliques qui produisent des acides gras à chaîne courte (AGCC). Dans un travail mené au CHU de Nantes (service du Pr Jean-Paul Galmiche) chez des volontaires sains, il a été montré que l'ingestion de lactulose (un glucide indigestible) ou la perfusion directe dans le côlon de lactose ou d'AGCC induisait une relaxation de l'estomac proximal mesurée par barostat électronique (Ropert et coll., « Gastroenterology », 1996). Dans une étude récente chez des volontaires sains (Piche et coll. « Am J Physiol » 2000), il a également été montré que la perfusion colique de lactose ou d'AGCC augmentait la survenue des RT SIO déclenchées par l'ingestion d'un repas test.
« A la suite de ces différents travaux, explique le Dr Thierry Piche , nous avons élaboré un protocole qui consistait à administrer en régime chronique chez des malades atteints de RGO des fructo-oligosaccharides (FOS) qui sont des sucres indigestibles (complètement fermentés dans le côlon). »
Neuf malades volontaires âgés en moyenne de 51 ans (quatre hommes et cinq femmes) non intolérants aux FOS, présentant des symptômes typiques de reflux avec ou sans oesophagite, une pHmétrie positive, et ayant arrêté leur traitement par IPP, ont été randomisés dans cette étude en double aveugle contre placebo menée en cross-over. Une manométrie sophagienne qui enregistrait en continu les RT SIO, une pHmétrie sophagienne et l'étude des fermentations avec un test respiratoire à l'hydrogène sur sept heures ont été effectués à la fin de chaque période de régime (supplémenté en FOS ou placebo).
Une augmentation des symptômes de RGO
Comparée au placebo, l'administration de FOS augmentait de façon significative les symptômes typiques de RGO, le nombre d'épisodes de reflux acide et l'exposition acide de l'oesophage. Enfin, la survenue des RT SIO était augmentée de façon significative. « Il est concevable que ces effets obtenus au niveau de l'sophage soient en rapport avec l'activation des fermentations coliques, d'une part, parce que les études préliminaires le suggèrent, et, d'autre part, parce que la courbe horaire RT SIO dans le temps, avant et après administration du repas test, reproduit le profil des fermentations coliques, mesuré par la production d'hydrogène dans l'air expiré », explique le Dr Thierry Piche .
L'hypothèse d'une boucle réflexe
Les mécanismes précis de cette boucle de régulation qui relie les étages coliques et sophagiens ne sont pas encore élucidés. Il y a davantage d'arguments dans la littérature en faveur d'une boucle réflexe (neurologique), car les effets de l'activation des fermentations coliques sur les RT SIO sont assez rapides. Les mécanismes par lesquels les AGCC pourraient stimuler les voies nerveuses sont imprécis. On peut suggérer la mise en jeu de chémorécepteurs. La production de gaz par les processus de fermentation pourrait également stimuler des mécanorécepteurs.
Ces données ont naturellement des conséquences pratiques et mériteraient, bien sûr, d'être évaluées sur un plus grand nombre de malades. Sur un plan physiopathologique, il est possible que cette boucle de régulation entre l'étage colique et le sphincter inférieur de l'sophage puisse expliquer certains symptômes rapportés, par exemple, par les malades atteints d'un déficit en lactase. Sur un plan thérapeutique, la mise en évidence d'une consommation excessive d'édulcorants ou de sucres indigestibles chez des malades atteints de RGO pourrait conduire à une éviction de ces produits, en particulier quand les traitements antisécrétoires semblent insuffisants pour contrôler les symptômes.
D'après un entretien avec le Dr Thierry Piche, service de gastro-entérologie et nutrition, CHU de Nice.
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