Toutes expressions confondues, si l'on s'en réfère aux études américaines et françaises, la prévalence des épisodes dépressifs au cours d'une vie entière est de 10 % chez les hommes et de 2 % chez les femmes. Rapporté à une année de vie, ces chiffres passent respectivement à 3 % et 6 %. L'origine de cette différence reste encore imparfaitement comprise : on sait néanmoins que certains facteurs psychosociaux, psychodynamiques et sociaux interviennent. En outre, les facteurs hormonaux participent très probablement aux différences de forme et d'expressivité des syndromes dépressifs.
Pour le Dr Françoise Guedj (psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne), « on peut séparer les pathologies dépressives du sexe féminin en deux grandes catégories : les dépressions qui peuvent atteindre les deux sexes (dépression chez la femme) et celles qui ne concernent que les femmes (dépression des femmes) ».
Dépression chez la femme
L'expressivité clinique des dépressions chez les femmes diffère de celles des hommes : les dysthymies sont plus fréquentes, ainsi que les formes atypiques et les dépressions saisonnières. Quant aux dépressions chroniques entrant dans le cadre de PMD (psychose maniacodépressive), elles sont plus souvent de type II, constituées de cycles rapides et s'expriment sous la forme d'états mixtes. En matière de comorbidité des états dépressifs, il existe aussi des variations liées au sexe : chez les femmes, les troubles anxieux sont plus fréquents, ils s'accompagnent de troubles du comportement alimentaire (hyperphagie) et d'addictions (à l'alcool, en particulier) ; enfin, la présence d'une hypersomnie est habituelle. En raison de caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacodynamiques propres au sexe féminin, il semblerait que les antidépresseurs les plus efficaces chez les femmes soient les IMAO et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
Dépression des femmes
Les événements de la vie génitale - période prémenstruelle, post-partum, péri-ménopause - donnent des ruptures et des changements qui peuvent se traduire par l'apparition de certains épisodes dépressifs que le Dr Guedj décrit comme une « dépression des femmes ». Soixante-quinze pour cent des femmes présentent des signes mineurs de dépression au cours de leur période prémenstruelle, de 20 à 25 % des signes majeurs et 3 à 5 % se plaignent d'un handicap fonctionnel. En outre, ce handicap serait majoré par la prise de contraceptifs oraux. « Ces syndromes thymiques dépendent directement des hormones, ils disparaissent en effet en cas de castration chimique ou chirurgicale. Ils ne résultent pas de variation d'un taux hormonal, mais sont en rapport avec une modification de la réponse aux neurotransmetteurs, en particulier la sérotonine », explique le Dr Guedj. Parmi les traitements proposés, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sembleraient intéressants sur schéma de prise séquentielle (à la phase lutéale).
Les dépressions du post-partum - dont les syndromes de baby blues simples sont exclus - semblent, elles aussi, sous la dépendance d'hormones stéroïdes. Mais le lien entre ces deux facteurs est moins bien établi que pour les syndromes prémenstruels. Dix pour cent des femmes environ en sont atteintes, tandis que l'incidence de la psychose puerpérale est estimée à 0,2 % des naissances. Si le traitement de ces femmes fait appel aux antidépresseurs durant la phase initiale, il est préférable dans les cas où il existe un risque de rechute - dépression antérieure ou psychose puerpérale - de mettre en place un traitement thymorégulateur.
La ménopause, période critique
Enfin, l'origine des dépressions de la péri-ménopause n'est pas encore bien établie, mais il semble que les antécédents dépressifs et certains facteurs liés à la vie personnelle (veuvage, par exemple) puissent influer de façon notable sur le risque dépressif à cet âge. « Chez ces femmes, il est essentiel de prescrire un bilan hormonal afin de préciser le lien entre le syndrome dépressif et une éventuelle ménopause. Si ces dosages confirment la réalité de la ménopause, un traitement hormonal substitutif peut être proposé aux femmes qui ne présentent pas de contre-indications. Il sera associé à un soutien psychologique, analyse le Dr Guedj. Enfin, en présence de contre-indications ou en l'absence d'amélioration de la symptomatologie sous THS, un traitement antidépresseur peut être proposé. »
D'après un entretien avec le Dr Françoise Guedj, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, en charge de la consultation hospitalière « troubles thymiques et femmes ».
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