LA DISPARITÉ entre hommes et femmes apparaît à l’âge de la puberté et s’atténue après la ménopause, ce qui témoigne des interactions complexes et réciproques qui surgissent entre les facteurs biologiques, psychologiques et socioculturels. «Toutefois, on ne devrait pas méconnaître d’autres facteurs tels que le poids de nombreuses responsabilités en tant que mère et épouse, la discrimination sexiste, les conditions de travail et... les violences (conjugale, sexuelle, physique ou psychologique), qui contribuent à la prévalence élevée des problèmes mentaux chez les femmes», souligne Nicole Guedj (ancienne secrétaire d’Etat aux Droit des victimes, Paris). La France s’inscrit pleinement dans le contexte mondial, la prévalence des troubles dépressifs est évaluée à 10 % dans la population générale.
Humeur douloureuse.
Ces troubles fréquents, trop souvent passés sous silence, sont responsables de 10 000 morts par suicide et de 160 000 tentatives de suicide par an. «Il existe indiscutablement une plus grande fréquence de troubles dépressifs chez la femme, particulièrement des épisodes dépressifs caractérisés (21,3/12,7 % chez l’homme), de dysthymies, de troubles anxieux; le risque relatif de dépression sur une vie entière est multiplié par deux chez la femme. Le seul trouble de l’humeur pour lequel il n’existe pas de différence entre l’homme et la femme est le trouble bipolaire», confirme le Pr E. Corruble (hôpital Kremlin-Bicêtre).
Les dépressions qui surviennent au cours de certains épisodes de la vie de la femme – dépression du post-partum, dépression de la ménopause – ne semblent pas avoir de réelles spécificités cliniques, outre leur moment de survenue.
Au-delà de ces dépressions particulières, l’expression symptomatique du trouble dépressif majeur n’est pas la même chez la femme que chez l’homme : les femmes ressentent et expriment davantage que les hommes leur humeur douloureuse et leur symptomatologie dépressive.
Les plaintes douloureuses, qui constituent des motifs fréquents de consultation derrière lesquels se cache la dépression, sont plus souvent des céphalées et des précordialgies chez les femmes, des myalgies et des paresthésies chez les hommes ; pour le Pr E. Corruble, ces manifestations se rapporteraient à une internalisation chez la femme et à une externalisation chez l’homme.
En revanche, la symptomatologie suicidaire (tentatives de suicide, désir de mort, pensées morbides, suicides aboutis) n’est pas très différente chez l’homme et chez la femme. L’évolution clinique est également pratiquement similaire dans les deux sexes, qu’il s’agisse de l’âge de début, du nombre d’épisodes dépressifs, de la durée de ces épisodes, du risque de passage à la chronicité ou de récurrence. En revanche, l’étude du recours aux soins fait apparaître des différences indiscutables : 65,5 % des femmes sont traitées pour des épisodes dépressifs contre 50,4 % des hommes, mais elles ne sont pas plus souvent hospitalisées (9,8 % des femmes versus 9,3 % chez les hommes). Quant aux troubles bipolaires, leur spécificité se traduit chez la femme par un début plus tardif, un premier épisode plus souvent dépressif et davantage de troubles à composante dépressive.
Le phénomène d’amplification.
Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer ces différences entre les sexes. Certaines semblent peu contributives : la génétique, l’éducation des parents (rôle superprotecteur), la place différente des hommes et des femmes dans la société avec une société qui valorise chez l’homme les comportements dits d’externalisation (ambition, responsabilité...) et chez la femme des comportements d’internalisation, les différences de personnalité, les mauvaises conditions de vie...
D’autres causes contribueraient davantage à expliquer cette prévalence plus élevée de dépression chez la femme : la biologie (rôle des stéroïdes, de l’ocytocine), mais surtout le phénomène d’amplification, hypothèse suggérant que la différence entre homme et femme se situe non pas dans la capacité à éviter la tristesse, mais dans la façon dont ils réagissent dans des moments de tristesse ; les hommes réagissent davantage en recourant à des méthodes de distraction et les femmes par des comportement d’internalisation et d’amplification conduisant à l’anxiété. En fait, ce sont les effets conjugués de ces différents facteurs qui participent à la différence entre les hommes et les femmes en termes d’épidémiologie et de symptomatologie des troubles dépressifs majeurs, conclut le Pr E. Corruble.
4e Congrès de l’encéphale. Symposium organisé par le Laboratoire Lundbeck et présidé par les Prs A. Gérard (Paris) et F. Guedj (Paris).
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