ALORS QUE la profession médicale se féminise de plus en plus et que les femmes représentent désormais 56,4 % de l'effectif des médecins de moins de 34 ans, et 49 % des médecins de 35 à 39 ans, des voix s'élèvent pour réclamer pour ces femmes des conditions financières décentes lors d'une grossesse.
Pour l'Isnar-IMG (Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale), le Snjmg (Syndicat national des jeunes médecins généralistes) et le syndicat MG-France, on peut légitimement se poser la question : est-il encore possible aujourd'hui d'être à la fois femme médecin généraliste et mère ? Leur constat est amer : en prénatal, seulement 48 % des femmes médecins mènent leur grossesse à terme sans événement majeur, et après 36 semaines d'aménorrhée, elles sont encore 70 % à travailler avec la même activité. Ces mêmes femmes médecins ont un nombre plus élevé de naissances avant le terme théorique (10,5 % contre 5 % pour l'ensemble de la population). Mais surtout, les femmes médecins prennent en moyenne 18 jours de congé avant leur accouchement contre 42 à 56 jours chez les salariées, et elles ne prennent que 42 jours en moyenne après l'accouchement contre 70 jours pour les salariées. Pourquoi ?
Tout simplement parce que la loi n'a pas prévu de dispositions particulières pour les femmes enceintes exerçant en libéral. Les seules dispositions prévues pour elles sont les suivantes : 41,93 euros par jour pendant deux mois (soit 2 516 euros), à quoi il convient d'ajouter une allocation forfaitaire de repos de 2 116 euros, le tout payé par la Sécurité sociale. Dans le même temps, les femmes enceintes salariées bénéficient de conditions infiniment plus avantageuses. Pour Nicole Bez, de MG-France, le gouvernement, qui prônait le 3e enfant pour relancer la natalité française lors de la conférence sur la famille de septembre dernier, ne peut défavoriser les femmes exerçant en libéral alors que des dispositions existent pour les femmes salariées. « Nous ne demandons rien d'autre que la possibilité de nous arrêter aussi longtemps que les femmes salariées », assure-t-elle.
Le recours au salariat.
D'autant que la démographie médicale n'est guère fameuse, et qu'un certain nombre de femmes médecins se tournent vers le salariat afin de s'assurer une grossesse plus tranquille, comme le fait remarquer Sandrine Buscail, présidente du Snjmg. « Une fois qu'elles se sont orientées vers le salariat, elles y restent le plus souvent », précise-t-elle, alors que, « améliorer la couverture des femmes médecins leur permettrait d'envisager sereinement l'installation libérale ».
Mais le problème ne se pose pas uniquement au niveau de l'exercice, et commence dès le cursus universitaire. Pour Mathieu Schwartz, de l'Isnar-IMG, « sur les six semestres du DES de médecine générale, un seul doit être effectué au CHU. Les cinq autres peuvent être effectués au sein d'hôpitaux périphériques parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres du logement de l'interne », avec les conséquences qu'on peut imaginer lorsque cet interne est une femme enceinte.
De plus, des absences répétées pour cause de grossesse à problèmes créent le risque d'un stage non validé. Si bien que les internes en médecine et enceintes peuvent être tentées de reporter leur stage. Avec les problèmes financiers que cela suppose (pas d'argent pendant six mois et du temps perdu pour achever les études). L'Isnar-IMG demande donc des aménagements pour les internes enceintes.
Ces réflexions semblent d'ailleurs partagées par le nouveau président du Conseil national de l'Ordre des médecins, qui en a fait le sujet de son dernier éditorial dans le « Bulletin » de l'Ordre : « Même si l'Ordre n'a pas directement autorité sur ce sujet, nous devons tout faire pour que la protection de la femme enceinte, en pratique libérale, soit améliorée », affirme le Pr Jacques Roland.
Une prise de position dictée par la crise de la démographie médicale, mais qui, dans une institution, le Conseil national, ne comprenant qu'une femme, n'en prend que plus de relief.
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