La qualité de l'exercice médical est-elle fonction du sexe ? C'est la question à laquelle ont tenté de répondre des universitaires québécois (1) en disséquant la pratique de plusieurs centaines de médecins, hommes et femmes, à partir de critères objectifs. Leur étude a fait l'objet d'une présentation au Congrès international ADELF-SFSP (2) sur la santé publique et la prévention qui s'est déroulé à Bordeaux du 17 au 19 octobre 2013.
Leurs conclusions ? Sur le plan du respect des pratiques médicales, les femmes seraient plus consciencieuses que leurs homologues masculins… qui se « rattrapent » sur la productivité.
Les chercheurs se sont intéressés au suivi de patients diabétiques par 906 médecins québécois, 431 femmes et 475 hommes, sélectionnés dans les groupes de médecine de famille (mis en place en 2002 au Québec). L'étude s'appuie sur les données de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Pour évaluer les médecins, les universitaires se sont basés sur le guide de l'Association canadienne des diabétiques, qui référence les bonnes pratiques en matière de traitement de la maladie : examen de la vue tous les deux ans, visite médicale annuelle, prescriptions, etc.
Globalement, les patients suivis par des femmes médecins étaient plus nombreux à suivre ces recommandations, visite chez un ophtalmologiste (73% contre 70% pour les malades suivis par un homme), « counselling » tabagique (1,8% contre 1,4%), prescription de statine (68,2% contre 64%)…
1 800 actes de plus pour les hommes
« Les femmes médecins qui suivent des patients diabétiques obtiennent de meilleurs résultats en termes des indicateurs de qualité des soins », concluent les auteurs. Les femmes font-elles pour autant de meilleurs médecins que les hommes ? Les chercheurs ne l'affirment pas. « Il ne s'agit que d'une étude préliminaire qui doit être approfondie en intégrant d'autres critères et en étudiant d'autres pathologies », reconnait Roxane Borgès Da Silva, enseignante à l'université de Montréal. « Il y a une autre limite à ce genre d'étude, ajoute-t-elle. Nous ne savons pas, par exemple, si les patients ont vraiment pris les médicaments qui leur ont été prescrits, même s'ils les ont retirés en pharmacie. » Elle estime cependant que cette étude lève une partie du voile sur la question des pratiques entre les hommes et les femmes.
Autre facteur mesuré, la productivité. Celle des femmes est inférieure à celle des hommes : seulement 3 100 actes facturés dans l'année contre 4 920 pour les hommes, soit près de 37% de moins. Les auteurs en concluent que les hommes travaillent sans doute plus que les femmes mais aussi que ces dernières passent plus de temps avec leur patients. « C'est en accord avec ce que l'on peut lire dans la littérature », justifie Roxane Borgès Da Silva.
Ce critère de productivité doit être relativisé, selon Régis Blais, coauteur de l'étude, dans un entretien accordé à l'Université de Montréal : « Un médecin qui prend le temps de bien expliquer les problèmes à ses patients pourrait faire en sorte que ceux-ci ne reviennent pas un mois plus tard pour un détail qui les inquiète. La personne la plus productive pourrait ne pas être celle qu'on croit. »
(1) R. Borgès Da Silva, V. Martel, R. Blais
(2) « Revue d'épidémiologie et de santé publique » (Volume 61, supplément 4)
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