COMME LE RAPPELLE le Dr Ph. Carrière, il existe encore un écart important entre le nombre de patients atteints de troubles dépressifs avérés et le nombre des sujets réellement traités par antidépresseurs. Bien que la prévalence de la dépression est estimée entre 5 à 15 % selon les études en population générale, cette pathologie n'est parfois pas reconnue, surtout lorsqu'elle est associée à une plainte somatique ou peu exprimée.
Le généraliste, premier « psychiatre » de terrain.
« Pourtant, les troubles psychiatriques se déstigmatisent un peu et la meilleure tolérance des antidépresseurs récents n'y est pas pour rien. C'est le généraliste qui est le premier recours des patients déprimés ou souffrant de troubles anxieux ; il est le premier psychiatre du terrain », estime le Dr J.-P. Chabannes.
Il était intéressant de se pencher sur les facteurs de la prise de décision de l'instauration d'un traitement antidépresseur en médecine ambulatoire chez les médecins généralistes et les psychiatres français. C'était l'objectif principal de l'observatoire Opus 5 (Observatoire des facteurs clés de la Prise en charge pharmacologique par antidépresseUrs en médecine générale et en pSychiatrie), portant sur 5 462 patients âgés en moyenne de 45 ans (dont deux tiers de femmes) et pour lesquels le médecin enquêteur a précisé au moins un des deux éléments clés motivant sa prescription. Un questionnaire proposait
44 facteurs regroupés en trois registres : éléments contextuels (événements de vie), symptomatiques (tristesse, agressivité, idées de suicide, etc.) et syndromiques (état dépressif majeur, trouble anxiété généralisée ou autre trouble anxieux). Concernant les troubles constitués ou syndromes, aucune échelle n'a été utilisée et donc il s'agissait d'un diagnostic intuitif du médecin (chez plus de 90 % des patients).
Les premiers résultats de cette enquête épidémiologique montrent que les événements de la vie les plus présents lors de la mise sous antidépresseurs sont des conflits familiaux, conjugaux ou professionnels ; l'isolement affectif était retrouvé dans 3O % des cas. Plus de 8O % des patients présentent un trouble du sommeil, et parmi d'autres éléments symptomatiques les plus cités par les enquêteurs figurent le désintérêt avec perte de goût, l'anxiété, l'asthénie psychique et intellectuelle, la tristesse, les idées de dévalorisation et les idées suicidaires. Quant aux troubles constitués, plus de 6O % des patients présentaient un épisode dépressif majeur (EDM) et plus de 30 % des patients un trouble anxiété généralisé (TAG) (à noter la comorbidité EDM + TAG dans 11 % des cas).
Les symptômes plus que les syndromes.
Les symptômes (8O % des cas) sont deux fois plus déclencheurs de prescription que les syndromes (36 %). La présence d'idées suicidaires va inciter la prescription d'un antidépresseur chez presque 7 patients sur 10. Viennent ensuite l'EDM et les troubles anxieux tels que le trouble panique ou le trouble obsessionnel compulsif.
Les IRS sont les plus prescrits (78,4 %) en sachant que leur spectre d'action couvre l'EDM et la plupart des troubles anxieux. « Les indications des IRS comme la paroxétine sont très larges et ce sont les médicaments efficaces et d'une grande maniabilité. Cependant, nous avons un travail de formation à faire dans le comportement de prescription, mettre à la disposition des outils et des critères pour que les médecins généralistes puissent faire une analyse sémiologique, au lieu de se fonder seulement sur des intuitions et sur des symptômes. Car en fonction du diagnostic, EDM ou TAG, la conduite à tenir et le pilotage du suivi thérapeutique vont être différents », conclut le Pr J.-F. Allilaire.
Conférence de presse organisée par les Laboratoires Chiesi SA dans le cadre des Entretiens de Bichat 2004, avec la participation du
Pr J.-F. Allilaire (Paris) et des Drs Ph. Carrière (Saint-Brieuc),
J.-P. Chabannes (Saint-Egrève).
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