Conjonctivites allergiques

Les explorations, mode d'emploi

Publié le 31/05/2007
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L'exploration des conjonctivites allergiques varie en fonction du mécanisme suspecté. Tour d'horizon des situations possibles avec le Dr Jean-Luc Fauquert*.

«LORSQU'IL est sollicité par l'ophtalmologue pour poser le diagnostic étiologique d'une allergie oculaire, l'allergologue doit tout d'abord connaître avec précision le diagnostic posé par l'examen à la lampe à fente. Trois types de situations cliniques peuvent se présenter à lui: une conjonctivite bénigne peut être mise en évidence. Une atteinte palpébrale et/ou conjonctivale chronique, survenant dans un contexte d'utilisation de topiques médicamenteux ou de cosmétiques, oriente, quant à elle, vers un diagnostic d'allergie de contact. Troisième situation clinique possible, la kératoconjonctivite majeure», explique le Dr Jean-Luc Fauquert. Le médecin doit tout d'abord rechercher un terrain atopique par l'étude de l'anamnèse et l'examen clinique ; des signes d'eczéma atopique, de rhinite ou d'asthme allergiques, d'allergie alimentaire, ou encore des manifestations anaphylactiques, sont évocateurs. Les examens complémentaires demandés différent en fonction du type de conjonctivite allergique.

Dans un contexte atopique.

Première situation possible, la plus fréquente, la conjonctivite bénigne survenant dans un contexte général d'atopie, qu'elle soit d'évolution aiguë et saisonnière ou bien chronique. Elle est consécutive à un mécanisme d'hypersensibilité immédiate, médiée par les IgE. Bénigne, d'évolution intermittente ou persistante, elle peut être explorée en ambulatoire. Il s'agit de tester un nombre élevé d'allergènes, l'oeil étant en contact direct avec de nombreux candidats à la sensibilisation. Devant toute conjonctivite bénigne persistante, les pricks tests seront systématiques et détaillés vis-à-vis des acariens, des poils d'animaux, des moisissures et des pollens. Pour ces derniers, on cherchera une allergie aux graminées, aux herbacées ou encore aux arbres, en fonction de la périodicité des symptômes cliniques retrouvés. En outre, on recherchera une allergie d'origine alimentaire, en particulier chez l'enfant : allergie à l'oeuf, à l'arachide, à la noisette. D'autres tests seront pratiqués en fonction du contexte clinique : blatte et autres pneumallergènes ou aliments. Le dosage des IgE spécifiques doit être systématique vis-à-vis d'un acarien (d.pteron), d'un phanère animal (poil de chat), d'une moisissure (Alternaria), d'un pollen de graminées (dactyle), ainsi que du mélange des aliments de l'enfant. Dans certains cas, un test de provocation conjonctivale (TPC) peut ensuite être nécessaire, pour affirmer la pertinence de la sensibilisation. Il peut être effectué au cabinet de l'allergologue ou de l'ophtalmologiste. Pratiqué en dehors de la période d'exposition allergique, il nécessite un examen ophtalmologique préalable car le patient doit être indemne de toute lésion oculaire. Cela implique une étroite collaboration entre l'allergologue et l'ophtalmologue. Il fait appel à l'utilisation d'un lyophilisat standard d'allergènes, utilisés à différentes concentrations. Il est indiqué lorsque le prick ou le taux sérique d'IgE spécifiques est positif (> 0,35 UI/ml), mais sa positivité, attestée par l'apparition d'un prurit oculaire, n'est pas corrélée au taux d'IgE spécifiques. Il est en effet possible que ce test de provocation conjonctivale soit fortement positif, alors que les pricks tests sont faiblement positifs, et l'augmentation des IgE, peu importante. La positivité du TPC permet d'impliquer l'allergène dans la survenue de la conjonctivite.

Allergie de contact et kératoconjonctivite.

«Deuxième situation possible, bien que beaucoup moins fréquente que la précédente, la suspicion d'allergie de contact. Elle se manifeste par un eczéma à expression oculaire prédominante et surtout par une blépharite ou une conjonctivite évoluant sur un mode aigu ou chronique. Mais c'est surtout le contexte d'apparition des symptômes qui est évocateur, même en cas de délai d'apparition retardé par rapport à l'exposition à l'allergène: l'utilisation de cosmétiques dermatologiques ou oculaires, de topiques oculaires, doit faire penser à ce diagnostic», poursuit le Dr Fauquert. L'exploration de l'allergie de contact fera appel aux patchs tests. C'est en général la batterie européenne qui est utilisée, comme pour toute exploration effectuée en dermato-allergologie. Cosmétiques et topiques incriminés seront également testés. Parmi les allergènes incriminés, on retrouve les métaux, les fragrances, les antibiotiques, les antiseptiques, les additifs et les conservateurs alimentaires.

Pour les formes sévères, une exploration spécialisée.

Enfin, le dernier tableau clinique est celui de la kératoconjonctivite. Il s'agit le plus souvent d'une kératoconjonctivite vernale, plus fréquente que la kératoconjonctivite atopique. Son exploration est complexe et sera confiée à une équipe entraînée. Aucune hypothèse ne sera exclue : allergie médiée par les IgE, allergie de contact, association à des facteurs déclenchants divers, qu'ils soient ethnique, génétique, climatique, hormonal ou lié à l'âge. On recherchera par principe dans les larmes la présence anormale d'éosinophiles et la filtration d'IgE totales. Il y a sécrétion d'IgE totales dans les larmes lorsque le rapport IgE dosées/IgE filtrées est supérieur à deux. Ces constatations peuvent amener, là aussi, à la pratique d'un test de provocation conjonctivale.

L'exploration effectuée ainsi a permis à l'équipe d'ophtalmo-allergologie du CHU de Clermont-Ferrand de mettre en évidence l'implication d'allergène dans 57 % des kératoconjonctivites vernales, et surtout 88 % des formes bénignes aiguës et 83 % des formes chroniques.

* D'après la communication du Dr Jean-Luc Fauquert (consultation ophtalmologie et allergie de l'enfant, CHU de Clermont-Ferrand).

> Dr GABRIELLE BITAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8176