Après le crash du Boeing de Flash Airlines

Les experts légistes français dépêchés en Egypte

Publié le 07/01/2004
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« NOUS AVONS décidé ensemble (avec les Egyptiens) d'envoyer une équipe scientifique française sur place afin de pouvoir faire les tests ADN pour l'identification des corps », avait annoncé au début de la semaine le Dr Renaud Muselier. Après le crash, samedi à l'aube, du Boeing 737 affrété par Flash Airlines pour relier Charm el-Cheikh (Egypte) à Paris, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, arrivé tout de suite sur les lieux, disait qu'il avait « pu voir le sac qui regroupe des portions de corps » ; et ajoutait : « Ç'est terrible à voir. »
La décision prise conjointement par les Français et les Egyptiens de procéder aux investigations d'identification depuis l'hôpital de Charm el-Cheikh s'est traduite par l'envoi sur place d'une équipe française mixte, police-gendarmerie. Le groupe est composé de membres de la police technique et scientifique, dont le siège est à Ecully, et de l'Ircgn (Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale) de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), dirigée par le chef du Service central d'identité judiciaire et de la direction centrale de la PJ, Bernard Sallez.

FAIRE LA SYNTHESE DES DOSSIERS ANTE MORTEM ET POST MORTEM

Simultanément, huit gendarmes de la cellule ante mortem de l'Unité d'identification des victimes de catastrophes (Ugivc) ont commencé à recueillir auprès des familles des victimes les éléments pouvant aider à l'identification : port de bagues ou de colliers, présence d'appareils dentaires, cicatrices, tatouages, etc. Ces informations sont complétées par les dossiers médicaux et dentaires collectés auprès des médecins traitants, les radiographies, les comptes-rendus opératoires, pour disposer de toute l'histoire médicale des intéressés. A ces données anatomiques s'ajoutent les marqueurs génétiques. L'ADN est généralement relevé à partir des brosses à dents et des brosses à cheveux fournies par les familles.

Un travail de longue haleine.

Les dossiers ante mortem et post mortem étant enfin constitués, la mission d'identification des experts (médecins légistes, dentistes, prothésistes, experts en empreintes digitales et en empreintes génétiques) va consister à effectuer la synthèse des deux dossiers. Une commission d'identification valide au final ces recherches et attribue un nom à chaque corps ou à chaque fragment de corps.
C'est bien sûr un travail complexe et de longue haleine, alliant rigueur et minutie. Lors du crash du Concorde d'Air France, qui avait fait 113 morts le 25 juillet 2000, l'Ugivc avait mobilisé une soixantaine de spécialistes qui avaient réussi à procéder à l'identification en trois semaines. Mais il avait fallu trois mois à la même structure pour venir à bout de l'identification des 39 victimes de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc (le 24 mars 1999), un travail rendu plus difficile par l'absence des listes qui sont en principe disponibles pour les passagers d'un vol aérien.

Les préceptes d'Interpol.

C'est la catastrophe de l'Airbus du mont Sainte-Odile, le 20 janvier 1992 (87 morts) qui est à l'origine de la constitution de l'Ugivc. Depuis, un protocole s'est rodé. Des trames pour agir sont édictées aujourd'hui par Interpol. La police internationale a établi des fiches destinées à faciliter le travail d'identification, fondé sur la même méthodologie dans le monde entier. « Il n'en reste pas moins, déclare au "Quotidien" le Pr Dominique Lecomte, directeur de l'Institut de médecine légale (Iml) de Paris, que chaque catastrophe est différente et nécessite de s'adapter à des configurations particulières. Dans tous les cas de figure, la précipitation peut compromettre les résultats. »
Ainsi la décision de procéder aux analyses depuis l'hôpital de Charm el-Cheikh ne fait pas l'unanimité parmi les spécialistes. Si le rapatriement des corps et des fragments aux fins d'examens en France nécessitait sans doute des délais supplémentaires, il aurait permis de bénéficier, par exemple à l'Iml, d'un plateau technique plus performant. Malgré la proposition des responsables de l'Institut, qui s'appuyaient notamment sur l'expérience acquise lors du crash du Concorde, cette option ne semble pas avoir été retenue.
Des voix s'élèvent encore parmi les légistes français pour déplorer qu' « aujourd'hui tout le monde veut faire de la médecine légale, alors que les tâches d'identification devraient être réservées aux seuls médecins spécialisés. A défaut, c'est la porte ouverte aux bricoleurs ».

Analyse en page 39

L'hommage de Sarkozy : un couple de médecins « comme on les aime »

« Je perds un ami », a dit le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, en rendant hommage au Dr Yvon Chotard, son cardiologue, médecin-chef au centre hospitalier de Courbevoie-Neuilly, à Neuilly (Hauts-de-Seine), disparu avec son épouse, médecin dans le même hôpital, à Charm el-Cheikh.
Présent à une cérémonie organisée à l'hôpital en présence d'une centaine de personnes, parmi lesquelles les deux fils et les deux mères des disparus, le ministre a salué la mémoire de « médecins comme on les aime, avec infiniment de savoir et d'humanité. Je garderai dans mon cœur leur humanité », a dit M. Sarkozy.
En présence de Jean-Paul Huchon, le président de la région Ile-de-France, venu réconforter la sœur des victimes, une de ses collaboratrices, le ministre a salué tout le personnel et rappelé les « batailles » menées avec le Dr Chotard. « On l'avait vu il y a trois semaines », a expliqué, émue aux larmes, Cécilia Sarkozy. « S'il y avait une chose avec laquelle il ne plaisantait pas, c'étaient les tests d'effort », a rappelé en souriant le ministre, qui estime que cet hôpital, dont il préside le conseil d'administration depuis vingt ans, était le « projet professionnel de la vie » du Dr Chotard.

Fils de l'ancien président du Conseil national du patronat français (Cnpf, devenu le Medef), Yvon Chotard, 52 ans, était chef du service des spécialités médicales et président de la commission médicale des hôpitaux de Neuilly et Courbevoie. Sa femme Pascale, 53 ans, était chef du service de la médecine préventive et des maladies du travail ; à ce titre, elle prenait en charge les 4 500 salariés des villes de Puteaux et de Courbevoie.

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7451