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«Depuis 1936 (3), la jurisprudence a constamment progressé en laissant une place de plus en plus dérisoire à la faute médicale », expose Michel Dumont, directeur de la Médicale de France et président du comité RC Médicale de la Fédération française des sociétés d’assurance (4). Ainsi, depuis un arrêté de la Cour de cassation (5), il y a eu un renversement de la charge de la preuve. Désormais, c’est au praticien d’apporter la preuve qu’il a bien informé son patient et obtenu son consentement. Dans les années quatre-vingt-dix (6), la responsabilité médicale sans faute apparaît avec ses trois critères stricts : l’existence d’un préjudice anormal, rare ou d’une exceptionnelle gravité, un dommage sans rapport avec l’état initial du patient ou avec l’évolution prévisible de cet état et enfin, un dommage résultant directement de l’acte médical présentant un risque connu, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé. Enfin, l’arrêt Perruche (7) consacre, pour la première fois en 2000, le droit pour l'enfant né handicapé d'être indemnisé de son propre préjudice.
La dérive indemnitaire des années 2000
Cette évolution jurisprudentielle de plus en plus souvent défavorable aux professionnels de santé a ouvert la voie à un contentieux médical important. L’augmentation importante du nombre de plaintes, la hausse du montant des indemnisations accordées ainsi que des majorations considérables des primes d’assurance (8) ont conduit à une crise de l’assurance du risque médical en 2000. Il a fallu attendre la loi Kouchner en 2002 (9) pour mettre fin à cette tendance à la dérive indemnitaire. Cette loi a réaffirmé la nécessité de faute à l’origine de la responsabilité du médecin, la responsabilité sans faute n’étant retenue que dans deux cas : en raison des produits de santé et en cas d’infections nosocomiales pour les établissements de santé. Ce texte législatif a permis d’éviter le recours systématique à la justice en créant les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI).
Un dispositif opérationnel
En 2008, ce dispositif de règlement amiable et d’indemnisation rapide a traité 3 561 demandes, dont 25 % ont bénéficié d’une indemnisation à hauteur de 80 millions d’euros. Enfin, la loi Kouchner a également soulagé le domaine de l’assurance de la réparation des graves conséquences de l’aléa thérapeutique en le confiant à la solidarité nationale avec l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). Aujourd’hui, l’ensemble des professionnels de santé, y compris les « praticiens à risque » et les établissements de santé sont assurés avec une couverture minimale de 3 millions par sinistre et 10 millions d’euros par année d’assurance.
Le partage du risque, une question politique
Seulement, ce seuil s’avère aujourd’hui insuffisant : les sinistres graves atteignent allègrement 7 millions d’euros en ville et 10 millions à l’hôpital. La modification inéluctable du seuil va immanquablement peser sur le coût des primes : « Qui va payer cette inflation ? Les spécialités médicales les plus exposées avec le risque de réduction du nombre de praticiens dans ces domaines, voire une pénurie dans certaines régions, la communauté médicale dans son ensemble grâce à une mutualisation, ou encore la société tout entière va couvrir ce risque public », interroge Bernard Spitz, président de la FFSSA. La réponse politique appartient à l’évidence au Parlement.
2. Un arrêt de la première chambre civile du 8 novembre 2000 condamne la notion de l’obligation de résultat en présence d’un accident médical. Cass. 1re civ. 8 novembre 2000 : Bull. civ. n° 287 ; D.2000, p 570, note Y.Lambert-Faivre.
3. L’arrêt Mercier a substitué au fondement délictuel de la responsabilité du médecin, la notion de contrat avec obligation de moyens. Cour de Cassation, chambre civile, 20 mai 1936.
4. Lors des premières Rencontres du Conseil d’orientation et de réflexion de l’assurance (CORA) consacrées à la « Responsabilité civile médicale, quels enjeux », le 16 septembre 2009.
5. Cass. 1re civ, 25 février 1997 : Bull civ, n° 75. Les petites affiches, 1997, p. 17 note A. Dosener-Dolivet.
6. Arrêt Gomez, cour d’appel administrative, 21 décembre 1990. Arrêt Bianchi Conseil d’État, 9 avril 1993.
7. Arrêt Perruche, Cour de cassation, assemblée plénière. Audience publique du vendredi 17 novembre 2000,
N° de pourvoi : 99-13701.
8. Notamment pour les obstétriciens, les anesthésistes et les chirurgiens.
9. Loi 2002-303 du 4 mars 2002.
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