LES MANIFESTATIONS ont déjà commencé depuis plusieurs semaines à Montpellier, Grenoble, Nantes, Rouen… Mardi, 500 carabins se sont rassemblés à Besançon et à Strasbourg. Ils seront entre 2 000 et 3 000 à défiler cet après-midi dans les rues de la capitale à l'appel de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Entre la gare Montparnasse et le ministère de l'Enseignement supérieur, plusieurs slogans devraient fleurir les banderoles : «Sixans pour un concours inégal, qui dit mieux?» ou encore «Carabins recherchent concours équitable». Depuis plusieurs semaines, l'Anemf a interpellé les doyens et les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur, chargés d'organiser les épreuves classantes nationales (ECN). Elle leur a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de voir la lecture critique d'article retirée des ECN. La LCA devait initialement voir le jour en même temps que les ECN en 2004, mais, à la suite d'un important mouvement étudiant, le gouvernement avait signé avec l'Anemf un protocole d'accord en novembre 2002.
Ce texte prévoyait que l'examen classant comporterait une analyse critique d'article à partir de 2008, «sous réserve qu'une préparation harmonisée et évaluée soit mise en oeuvre dans toutes les facultés». Cette évaluation n'a jamais eu lieu.
Une épreuve diversement enseignée.
L'association estime aujourd'hui que l'enseignement de la discipline est inégale selon les facultés et que les modalités de correction de l'épreuve, trop subjectives, mettent en cause l'égalité des chances entre les candidats. «Le premier constat qui apparaît est la très nette différence du nombre d'heures d'enseignement entre certaines facultés», explique Virginie Prade, présidente de l'Anemf. Les facultés de Nancy, Paris-Ouest ou Amiens proposent un important nombre d'heures de LCA, réparties sur l'externat et le Dcem1, alors que dix facultés enseignent moins d'une dizaine d'heures de cette matière, regroupées sur le Dcem2. «Ces disparités défavoriseront les étudiants dans leur choix de carrière», poursuit Virginie Prade.
L'association étudiante estime que la LCA est insuffisamment préparée et elle en tient en partie responsable le Centre national du concours de l'internat (Cnci), chargé de l'organisation des ECN : «A l'heure actuelle, le Cnci est incapable de fournir une copie et une grille de correction types pour une épreuve de lecture critique d'article. Il est donc impossible de vérifier que l'enseignement dispensé dans les facultés est bien conforme à l'esprit de cette épreuve.» La correction de la LCA est également pointée du doigt. Quelques expériences de double correction montreraient, selon l'Anemf, des écarts de notation allant jusqu'à 40 % de la note totale. «Cela est dû notamment à la subjectivité du résumé qui compte pour une partie de l'épreuve, indique l'association. Il est impensable pour les étudiants en médecine de jouer leur future spécialité sur une épreuve dont la correction s'apparenterait à choisir son métier sur un coup de dés.» L'Anemf a formulé plusieurs propositions pour développer l'enseignement de la LCA dès lors que l'épreuve serait retirée des ECN. «Nous ne pouvons pas, raisonnablement, laisser au programme d'un examen aussi déterminant que les ECN une épreuve dont l'enseignement est aussi disparate. Cela ne peut qu'entraîner une inégalité entre les étudiants et risque de fausser le classement.» L'Anemf propose d'inclure la LCA au Certificat de synthèse clinique et thérapeutique (Csct) qui valide le deuxième cycle des études médicales. L'association souhaite renforcer l'enseignement de la LCA tout au long du deuxième cycle avec un minimum de 100 heures d'enseignement. Les étudiants proposent que l'enseignement de la LCA soit corrélé à celui de l'anglais, langue dans laquelle sont rédigés la majorité des articles scientifiques et médicaux.
Les doyens divisés.
En dépit des nombreuses demandes des étudiants, ni le gouvernement ni les doyens n'ont accepté de revenir jusqu'à présent sur l'existence de cette épreuve. Le Pr Bernard Charpentier, président de la Conférence des doyens et farouche défenseur de la LCA, refuse de la retirer des ECN. Il se dit simplement prêt à «pondérer» pendant quelques années la note de la LCA (« le Quotidien » du 13 février). Cette posture ne fait pas l'unanimité au sein de la Conférence car certains doyens sont sensibles aux arguments de leurs étudiants.
Quoi qu'il en soit, le mouvement lancé en période universitaire, et alors que la manifestation a été décidée au dernier moment, a déjà fortement mobilisé les étudiants dans les facultés. Après Strasbourg et Besançon mardi, des manifestations étaient prévues hier à Toulouse, Montpellier et Clermont-Ferrand. Dans plusieurs villes du sud de la France, les étudiants qui n'ont pas fait le déplacement à Paris se rassembleront aujourd'hui. Sur les forums Internet, la LCA fait débat. Sur www.remede.org, Pierre reconnaît que, dans sa faculté, «il y a différents types d'étudiants: les pro-LCA, qui trouvent l'épreuve géniale, les passifs, qui apprendront ce qu'on leur demandera d'apprendre, et ceux qui ne veulent pas de la LCA et qui vont bouger». JB estime pour sa part que «le plus anormal dans cette histoire serait de changer les règles du jeu en cours de route. Evidemment, 20% de la note finale pour la LCA, c'est trop, et ça aurait été mieux avec des consignes précises dès le début, dit-il. Mais cela fait deux ans que je me prépare pour la LCA, alors je n'ai pas envie qu'on l'enlève!».
LCA, mode d'emploi
Les modalités de la lecture critique d'article (LCA) sont connues depuis plusieurs années (1). L'épreuve rédactionnelle est censée durer trois heures et compter pour 20 % de la note totale des épreuves classantes nationales (ECN). Les réponses doivent être entièrement rédigées. Le style télégraphique n'est pas accepté, hormis quelques abréviations qui font partie du langage courant (ECG, TDM...).
L'objectif de la LCA est d'amener l'étudiant à lire de façon critique et à analyser le contenu d'un article. L'épreuve porte sur des articles scientifiques originaux, à l'exclusion des revues générales, des articles didactiques et des métaanalyses issus d'une revue médicale avec comité de lecture, rédigés en français – les traductions sont admises – qui traitent d'un sujet mentionné dans le programme du deuxième cycle. Le résumé, le nom des auteurs ainsi que la référence de la revue sont supprimés. L'étudiant est libre d'organiser et de répartir son temps comme il le souhaite. L'épreuve comporte deux parties : un résumé qui compte pour 30 % de la note et des questions qui en représentent 70 %. Le résumé ne doit pas dépasser 250 mots. Il doit être structuré en fonction du contenu de l'article. Il comporte généralement les objectifs de l'étude, le matériel et les méthodes employés, des résultats et une conclusion. La LCA est constituée de 6 à 10 questions qui portent sur les objectifs pédagogiques. La longueur des réponses peut varier selon le type de question et n'est pas limitée par un cadre.
(1) Source : Centre national du concours de l'internat (Cnci).
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