Un vent de colère souffle sur la rentrée des étudiants des filières paramédicales. Alertée par un nombre croissant d'étudiants qui ont vu leur bourse tronquée, voire annulée, la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) s'est lancée dans une enquête nationale auprès des directions départementales de l'Action sanitaire et sociale (DDASS), prestataires de l'aide. Toutes les DDASS n'ont pas souhaité répondre. Cependant, à partir des quatorze réponses recueillies, pour le moment, la FNESI a constaté de manière systématique que le montant des bourses avait baissé de 5 à 26 % selon les départements.
Contrairement aux bourses de l'Education nationale, attribuées systématiquement aux étudiants sous certaines conditions sociales, ici, le ministère de la Santé confie une enveloppe budgétaire à chaque DDASS qui la redistribue, après étude des dossiers, en fonction des quotas qui leur sont fixés. Sans aller jusqu'à le comparer à une loterie, ce système reste, pour les étudiants tout à fait inégalitaire, d'où leur revendication de réforme du système qu'ils réclament depuis des années. Et quand s'ajoutent à cela restriction budgétaire et hausse des quotas, ce mécanisme ne fait que précariser un peu plus les étudiants déjà en difficulté.
Du côté du ministère de la Santé, cependant, on conteste la baisse budgétaire, affirmant au contraire que des efforts ont été faits. « De 56 millions d'euros en 2002, le budget global serait passé à 59 millions d'euros en 2003 et atteindrait les 64 millions euros en 2004, nous dit-on », rapporte Michaël Deroche, président de la FNESI, en ajoutant : « Nous voulons bien admettre qu'il y a eu augmentation de l'enveloppe, mais tout de même, le problème des bourses qui baissent ou disparaissent n'est pas ponctuel. Tout cela n'est pas clair ». Autre facteur de baisse des bourses : la modification des critères d'allocation. Jusque-là, chaque DDASS fixait elle-même ses barèmes d'attribution, mais le ministère, constatant ces disparités, a décidé d'homogénéiser le système. « Les pouvoirs publics ont publié une circulaire, entre juillet et août, mais dans la discrétion la plus totale », explique Michaël Deroche. La prise de conscience fut d'autant plus douloureuse pour les étudiants que cette homogénéisation s'est effectuée par le bas... Dorénavant, pour accéder à une bourse entière (quatre quarts), le quotient familial (calculé à partir du revenu imposable et des prestations familiales divisé par le nombre de personnes à charge) de l'étudiant ne devra pas excéder 1 067 euros. Entre 1 068 euros et 2 134 euros de quotient familial, l'étudiant bénéficiera de trois quarts de bourse, deux quarts de bourse entre 2 135 et 4 268 euros et un quart entre 3 202 euros et 4 268 euros. « Nous avons demandé, à la fois à Matignon et à Mattei de nous fournir les barèmes que les DASS employaient l'année précédente, précise Michaël Deroche. Mais d'ores et déjà, grâce à notre enquête, nous avons des illustrations des inconvénients créés par cette modification ». En Haute-Vienne, par exemple, l'obtention de trois quarts d'une bourse nécessitait un quotient familial compris entre 3 202 et 3 506 euros...
Pour les étudiants, ce nivellement par le bas est inacceptable, tout autant que le mutisme du ministère de la Santé. « En juin dernier, à propos de nos conditions générales d'étude, nous avions déjà mis le ministère en demeure de nous apporter des réponses avant le 1er octobre », raconte Vivien Danielo, président de la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie. « Ce nouveau coup bas ne vient que renforcer notre mécontentement. Nous avons réaffirmé notre mécontentement le 29 septembre. Le ministère s'est alors enfin manifesté, mais en disant ne pas comprendre ce quI se passait. » Et Michaël Deroche d'ajouter : « Le gouvernement s'en fiche éperdument. Mais les étudiants commencent à se manifester et nous ne les empêcherons pas de battre le pavé ».
Depuis le 1er octobre, les kinés mènent déjà des opérations de sensibilisation auprès des passants. Ils devraient descendre dans la rue, le 9 octobre. Plus généralement, la rentrée étant maintenant terminée, le ministère peut s'attendre à un mouvement allant crescendo et s'élargissant à toutes les filières paramédicales, en manque de reconnaissance et de moyens.
Médecine, pharma ou dentaire : un système plus juste
« De plus en plus, les étudiants des cursus médicaux, en particulier en médecine, ont un niveau de revenus ne leur donnant pas accès à une bourse », explique-t-on au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS).
Cependant, lorsqu'ils répondent aux critères sociaux définis par l'Education nationale, ils ne risquent pas de voir leur bourse leur passer sous le nez faute de moyens ou pour dépassement des quotas, contrairement aux formations paramédicales. Les barèmes nationaux prennent en compte les revenus des parents et la situation familiale de l'élève. Il existe six échelons de bourse : le premier (0) ouvre droit à l'exonération des frais d'inscription et de Sécurité sociale. Le dernier (5) inclut le versement du niveau le plus élevé de bourse, soit 3 501 euros étalés sur neuf mois. Prenant en compte les spécificités du cursus médical, un étudiant en médecine peut bénéficier d'une année de maintien de sa bourse en cas d'échec dans chacun des deux cycles. En revanche, une fois interne, le futur médecin n'est plus considéré comme un étudiant : il perd donc son statut de boursier.
M. E.
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