LA RÉFORME DES ÉTUDES médicales, que préparent conjointement les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur, va prendre un tour nouveau dans les prochaines semaines. Le gouvernement va définir ses axes prioritaires de réflexion après étude du rapport que leur a remis cet été le Pr Christian Thuillez, doyen de la faculté de Rouen. A la tête d’une commission d’une vingtaine de représentants en odontologie, maïeutique, pharmacie et médecine, qui s’est réunie huit fois cette année, le Pr Thuillez a élaboré des propositions concrètes sur l’intégration des professions médicales et pharmaceutiques au cursus LMD (Licence master doctorat). Le rapport de 25 pages recommande d’aménager la première année avec des enseignements mutualisés, de créer des passerelles entre les filières de médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie et d’interrégionaliser les épreuves classantes nationales (ECN). L’application du cursus LMD aux études médicales consisterait à scinder l’enseignement actuellement délivré dans les premier et second cycles en six semestres de licence et quatre semestres de master. La refonte de la formation de première année, responsable de l’échec de 80 % des étudiants, semble indispensable. La commission propose que cette première année de licence (L 1) fasse l’objet d’un concours distinct pour les quatre filières concernées avec la capitalisation d’unités d’enseignements (UE) communes aux quatre formations et en UE spécifiques à chacune d’elles. Des coefficients adaptés permettraient de différencier le concours selon les quatre spécialités. Un étudiant pourrait ainsi présenter plusieurs concours, voire les quatre. Parmi les aménagements indispensables de cette L1, le rapport Thuillez prône la limitation des redoublements en mettant en place une note seuil de 6/20. «Cette note permettrait de limiter le nombre de redoublements inutiles et à l’étudiant de se réorienter rapidement», estime le rapporteur. L’objectif est de dissuader les étudiants de tenter à nouveau une deuxième première année de médecine alors que «p our 90% d’entre eux, le résultat obtenu au deuxième concours était prévisible dès le résultat du premier».
Ouvrir des passerelles.
Par ailleurs, le rapport suggère la création de passerelles pour les étudiants qui souhaitent s’orienter vers d’autres filières universitaires comme la biologie ou les sciences humaines et sociales. Dans le même temps, un accès direct permettrait à un candidat qui a déjà raté le concours de première année de médecine et choisi une autre filière de se présenter sur dossier et entretien à la deuxième année de médecine, à condition d’avoir validé des unités d’enseignement de la première année, d’avoir renoncé à redoubler et d’avoir obtenu une licence dans une autre filière.
Quelles seront les suites données à ce rapport, qui succède à ceux des Prs Mattei et Etienne en 1997 puis de Debouzie en 2003 sur la première année commune aux professions de santé ? Les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont indiqué qu’ils souhaitaient s’appuyer sur ses conclusions en prenant «des mesures concrètes dès les prochaines semaines» : «Le rapport, expliquent-ils, contribue à éclairer les dysfonctionnements induits par les modalités actuelles d’accès au troisième cycle et souligne la nécessité de concevoir l’ensemble de la formation universitaire des professions médicales et pharmaceutiques comme un parcours intégré d’acquisition des connaissances et des compétences nécessaires à l’exercice de chaque métier.» L’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) estime qu’une future L1 de santé représenterait un grand pas vers une première année «soucieuse d’éviter le gâchis humain actuel», mais elle refuse l’interrégionalisation des choix des postes d’internes qu’elle trouve discriminatoire. «La route menant au LMD santé est encore longue», prédit l’association.
Le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes juge, pour sa part, inacceptables les propositions de réforme et le raccourcissement de cinq à trois ans – au niveau licence – de la durée permettant l’obtention de son diplôme. «Est-il raisonnable, pour assurer auprès des humains des missions de haute responsabilité, de traiter la formation de sage-femme moins bien que la formation vétérinaire?», s’interroge Marie-Josée Keller, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes.
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