UN ARMÉNIEN atteint d'une hépatite C active a été expulsé lundi dernier après treize jours passés en centre de rétention. La procédure avait été engagée alors qu'il demandait le renouvellement de son titre de séjour régulier et que, atteint de troubles dépressifs, il était en rupture de traitement. Après un premier avis favorable, le Misp (médecin inspecteur de santé public) avait émis un avis négatif, non suivi d'effet. La même semaine, deux étrangers séropositifs pour le VIH ont été placés en centre de rétention en vue de leur expulsion du territoire, bien que, originaires d'Afrique subsaharienne, ils ne peuvent avoir accès à un traitement approprié dans leur pays.
Certes, dans ces deux derniers cas, l'intervention des associations auprès de la préfecture du Val-de-Marne a permis de finir par obtenir leur libération, mais l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (Odse), qui rapporte ces trois cas, juge nécessaire de tirer la sonnette d'alarme. Pour la douzaine d'associations qu'il regroupe, ces trois histoires s'inscrivent en effet dans «un contexte de multiplication des décisions d'éloignement à l'encontre de personnes gravement malades, qui ne peuvent pas se soigner dans leur pays d'origine».
Infléchissement des décisions depuis le début de l'année.
Alors que la loi du 22 avril 1997 protège ces étrangers contre les risques d'expulsion, l'Odse dénonce la répétition de plusieurs cas qui révèlent, depuis le début de l'année, un infléchissement des décisions des pouvoirs publics : le 3 janvier, un Comorien dont l'état nécessitait un traitement non accessible dans son pays était cependant renvoyé aux Comores, en dépit de l'avis défavorable émis par le service médical du centre de rétention et de l'intervention de la Cimade.
Le 27 janvier, c'était un Géorgien séropositif au VHC aux dépens duquel était exécuté un arrêté de reconduite à la frontière de la préfecture de l'Eure, malgré l'avis du Misp, les médicaments antirétroviraux n'étant pas disponibles dans son pays.
Le 2 février, un autre ressortissant géorgien était encore renvoyé dans son pays, lui aussi avec un avis négatif du Misp, qui signalait que son état de santé nécessitait un traitement d'au moins un an, traitement non disponible en Géorgie.
Tous ces cas constituent, selon l'Odse, des violations des lois en vigueur ainsi que de la Convention européenne des droits de l'homme. Ils s'inscrivent en contradiction avec la politique affichée de protection des personnes étrangères malades.
Dans une pétition* signée notamment par les Prs Didier Sicard, Axel Kahn et Martin Hirsch (alors président d'Emmaüs France), les associations dénoncent «le contrôle de l'immigration au nom duquel le gouvernement a mis en ligne en catimini sur les Intranet des ministères de l'Intérieur et de la Santé des fiches-pays qui recensent l'existence de l'offre de soins et sa répartition géographique dans les pays d'origine. Selon les organisations médicales internationales, ces fiches ne correspondent en rien aux réalités de l'accès aux soins des malades, ni aux difficultés auxquelles sont quotidiennement confrontées les équipes médicales sur le terrain».
Pour l'Odse, qui réclame «le retrait immédiat de ces instructions et la protection contre l'expulsion des étrangers qui ne peuvent pas se soigner effectivement dans leur pays», la situation actuelle constitue une «considérable régression dans le positionnement éthique de la France, alors que les politiques de santé publique ne doivent pas être utilisées pour le contrôle de l'immigration».
* http://www.medecinsdumonde.org/ mobilisation/petition.
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