LE TERME d'état mixte a été utilisé pour la première fois en 1860 par Jean-Pierre Falret pour décrire la coexistence de symptômes maniaques et dépressifs, mais c'est à E. Kraepelin et à son élève G. Weygandt que revient le mérite d'en avoir fait une description magistrale en 1913. Déjà, pour Kraepelin, le devenir des malades présentant des états mixtes reste plus sombre, la récupération entre les accès est plus précaire, les rechutes plus fréquentes, le nombre d'hospitalisations et les tentatives de suicide sont majorées.
Ces notions seront confirmées par des études plus récentes qui mettent également en évidence l'existence de comorbidités avec des abus de substances, des troubles anxieux et des troubles neurologiques, comme le montrent les résultats de deux études à grande échelle présentées par le Pr J.-M. Azorin (hôpital Sainte-Marguerite, Marseille).
L'étude EPIMAN II-Mille.
L'étude française multicentrique EPIMAN II-Mille a été mise en place auprès de 317 psychiatres investigateurs pour explorer les formes mixtes ou psychotiques de la manie. Mille quatre-vingt-dix patients hospitalisés présentant une manie aiguë appartenant à un trouble bipolaire primaire (DSM IV) ont été inclus dans l'étude.
L'évaluation faisait appel à des échelles de manie, de dépression associée et de troubles psychotiques.
Les résultats montrent que les troubles bipolaires (DSM IV) sont peu fréquents (4 %), alors que les manies mixtes, qui associent un ou deux ou trois symptômes dépressifs, regroupent 30 % des cas. Dans ces formes, le diagnostic est plus tardif que dans les manies pures avec des errances diagnostiques en faveur de troubles anxieux ou de troubles de la personnalité et avec un délai d'instauration du traitement thymorégulateur significativement plus long.
Une prédominance féminine caractérise les états mixtes qui, par ailleurs, se distinguent par une polarité des premiers épisodes plutôt mixte, par un taux de suicides plus élevé et par une prise plus importante d'antidépresseurs et de benzodiazépines.
L'étude européenne EMBLEM.
EMBLEM est une étude rétrospective européenne observationnelle mise en place dans quatorze pays auprès de 530 psychiatres investigateurs pour étudier sur deux ans l'évolution de patients présentant un épisode de manie aiguë ou mixte.
Trois mille cinq cent quarante-neuf patients bipolaires adultes hospitalisés ou suivis en ambulatoire ont été inclus dans cette étude en deux phases : une phase aiguë de traitement de une semaine à trois mois et une phase de maintien sur deux ans. Le diagnostic était fondé sur le score de l'échelle d'impression globale du trouble bipolaire (CGI-BP).
Les résultats montrent que la prévalence des épisodes mixtes est de 24 % (évaluation initiale et au début de la phase de maintien), chiffre proche de celui de l'étude EPIMAN II-Mille. Dans cette étude, les manies mixtes se caractérisent également par une prédominance féminine, un nombre de récurrences maniaques et de récurrences dépressives dans les douze derniers mois précédents plus important que dans les manies pures avec davantage de cycles rapides et plus de tentatives de suicides.
Quel traitement ?
L'APA (American Psychiatric Association) recommande d'associer un thymorégulateur classique (sels de lithium, anticonvulsivant [valproate]) à un antipsychotique atypique dans la plupart des cas et, dans les états modérés, de commencer par une monothérapie (sels de lithium ou valproate) éventuellement associée à un traitement court par benzodiazépines.
Les recommandations 2006 du National Institut of Clinical Excellence (NICE) préconisent d'arrêter les antidépresseurs, de prescrire en première intention un thymorégulateur (sels de lithium ou valproate) et si les symptômes sont sévères ou en cas de troubles du comportement de commencer par un antipsychotique.
Il est recommandé d'assurer un suivi hebdomadaire des patients présentant un état mixte pour éviter le risque suicidaire.
Le choix du traitement au long cours dépend de la réponse au traitement antérieur, de la polarité des rechutes, des facteurs de risque cyclique, de la préférence des patients, de l'observance antérieure et de l'évaluation cognitive chez le sujet âgé.
L'étude comparant l'olanzapine au valproate montre une efficacité comparable des deux molécules sur les symptômes maniaques et les symptômes dépressifs de l'état mixte.
«En cas de troubles bipolaires mixtes, il faut savoir ne pas prescrire un antidépresseur face à une symptomatologie dépressive ou à un risque suicidaire. Les antidépresseurs peuvent accroître la dimension maniaque latente et favoriser le passage à l'acte. Les antipsychotiques ont un intérêt potentiel dont il faut évaluer le rapport efficacité/tolérance à chaque fois et au cas par cas», conclut le Pr J.-M. Azorin.
Congrès de l'encéphale. Petit déjeuner-débat organisé par le Laboratoire Lilly. Modérateur : Pr J-.P. Mialet (Paris).
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