Les recommandations de prise en charge du diabète de type 2 publiées en novembre 2006 sous l'égide de l'Afssaps et de la HAS*, ont été mûrement pesées par un groupe de travail pluridisciplinaire afin d'envoyer un signal majeur aux médecins généralistes : il faut traiter plus tôt et plus fort. L'objectif est clairement de vaincre une certaine inertie qui, selon les enquêtes, prévaut dans l'instauration du traitement et l'escalade des paliers thérapeutiques, lorsqu'elle est nécessaire.
LES NOUVELLES recommandations relatives à la prise en charge du diabète de type 2 ont été rédigées par un groupe de travail constitué par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en conjonction avec la Haute Autorité de santé (HAS). Ce groupe de travail a réuni des diabétologues aussi bien hospitalo-universitaires que libéraux, mais aussi des médecins généralistes et des spécialistes d'autres disciplines : cardiologues, néphrologues, neurologues, etc. Cette réflexion multidisciplinaire a énormément contribué au caractère rationnel de la stratégie thérapeutique proposée.
Des mesures qui reflètent les situations réelles.
Pour le groupe de travail qui a formulé ces nouvelles recommandations, l'axe prioritaire de la prise en charge de tout patient diabétique de type 2 est le traitement de l'insulinorésistance. Le premier palier de cette prise en charge doit donc reposer sur le régime alimentaire et l'exercice physique. Chez les patients modérément hyperglycémiques, cette stratégie peut, en effet, suffire à abaisser le taux d'hémoglobine glyquée (HbA1c) à 6 % ou en deçà.
Les experts ont toutefois tenu à insister sur deux points particuliers. Le premier est qu'il ne faut pas chercher à obtenir à tout prix une importante diminution du poids corporel, car il y a lieu de prendre en compte l'indice de masse corporelle (IMC) initial : chez un sujet dont l'IMC se situe, au départ, en dessous de 30 à 35 kg/m2, une réduction pondérale de 5 % suffit déjà à induire une nette amélioration de la glycémie. Le second élément est que, au-delà de l'abaissement du poids corporel, il convient également de prendre en compte l'aspect qualitatif du régime diététique. Agir sur la consommation de glucides est important, mais il ne faut pas négliger pour autant l'influence des lipides et, plus particulièrement, des acides gras saturés.
Chez un patient ayant mis en application ce premier palier de mesures pendant trois à six mois, trois situations sont possibles :
– le taux d'HbA1c est devenu égal ou inférieur à 6 % : poursuite de la même stratégie associant régime et activité physique ;
– le taux d'HbA1c est compris entre 6 et 6,5 % : instauration d'une monothérapie par la metformine. Le groupe de travail a, en effet, considéré qu'il n'y avait aucune raison de ne pas introduire cet antidiabétique oral dès ce stade dans la mesure où cette attitude ne présentait aucun risque et ne pouvait qu'être bénéfique. Le seul facteur limitant tient à la tolérance ; c'est pourquoi les experts ont proposé de substituer l'acarbose à la metformine chez les patients qui tolèrent mal cette dernière ;
– le taux d'HbA1c demeure supérieur à 6,5 % : instauration d'une monothérapie, deux possibilités s'offrant alors au médecin, en fonction de l'IMC du patient. Si l'IMC est égal ou supérieur à 27 kg/m2, le choix se portera préférentiellement sur la metformine (ou l'acarbose en cas d'intolérance) ; si l'IMC est inférieur à 27 kg/m2, on optera plutôt pour un insulinosécréteur (sulfamide ou glinide).
Ensuite, deux éventualités peuvent se présenter. Si le taux d'HbA1c se maintient à 6,5 % ou moins sous monothérapie : celle-ci est poursuivie. Si la monothérapie est un échec (HbA1c > 6,5 %), il y a lieu d'instaurer une bithérapie consistant à associer à la metformine un insulinosécréteur ou une glitazone ou, éventuellement, à coupler insulinosécréteur et glitazone, l'objectif étant de ramener le taux d'HbA1c en dessous de 7 %.
Si, à six mois, cet objectif n'est pas atteint, il convient d'envisager le passage à une trithérapie (metformine, sulfamide et glitazone) ou, le cas échéant, à une insulinothérapie. Il ne paraît toutefois pas souhaitable d'instaurer d'emblée un traitement par l'insuline lorsque la bithérapie a échoué, car, bien souvent, l'échec n'est pas celui de la bithérapie, mais de la prise en charge globale. En revanche, si, malgré une trithérapie bien conduite pendant six mois ou plus, le taux d'HbA1c est à 8 %, l'instauration d'une insulinothérapie est hautement indiquée.
7 % : un compromis argumenté.
Au demeurant, le message de santé publique que le groupe de travail a voulu faire passer auprès des médecins généralistes en élaborant ces recommandations est que l'objectif qui doit être visé est de ramener le taux d'HbA1c à 7 % ou en deçà chez tous les patients. Il s'agit là d'un compromis pragmatique, sachant que, actuellement, cet objectif est atteint chez moins de 50 % des patients !
Le groupe de travail avait-il des arguments scientifiques pour proposer des valeurs aussi basses ? Tous les experts sont d'accord pour considérer que le développement de la microangiopathie diabétique est la conséquence directe du mauvais équilibre glycémique, le risque étant présent dès que le taux d'HbA1c franchit un seuil de l'ordre de 6 %. L'étude NHANES II a, par ailleurs, montré qu'il existe un lien continu entre le déséquilibre glycémique et le risque de complications cardio-vasculaires.
Les relations entre HbA1c et pression artérielle.
De son côté, l'étude UKPDS 75, dont les résultats ont été publiés en 2006, a mis en évidence l'interrelation existant entre la pression artérielle et le taux d'HbA1c. Ce qui apparaît, schématiquement, c'est que le taux d'HbA1c influe profondément sur l'effet qu'exerce l'hypertension artérielle sur le risque d'événements cardio-vasculaires chez le diabétique de type 2.
Le second message adressé aux médecins est parfaitement résumé par les résultats d'une étude récemment menée (Brown JB, Nichols GA, Perry A. The Burden of Treatment Failure in Type 2 Diabetes. « Diabetes Care » 2004 ; 27 : 1535-1540), qui montrent clairement que plus l'objectif de réduction du taux d'HbA1c est fixé bas et moins la proportion de patients qui se situent au-dessus de ce seuil est élevée. Lorsque le taux cible d'HbA1c est fixé à 6 %, peu de patients présentent des taux excédant 7 % lors du contrôle ultérieur ; en revanche, si le taux est d'emblée fixé à 7 %, il y a une fois et demie à deux fois plus de patients qui atteignent ou dépassent 8 %. En d'autres termes, la prise en charge d'un patient diabétique comporte inévitablement une part de stratégie « politique ». Comme l'a fort bien exprimé Serge Halimi dans son exposé : «Plus la barre est placée bas et moins le cheval saute haut!» Il ne s'est toutefois pas aventuré à préciser qui, du médecin ou du patient, était le cheval.
D'après les communications de Serge Halimi (Grenoble) et Michel Marre (Paris), Conférence de consensus : « Diabète de type 2 : quelles recommandations sont recommandables ? » * afssaps.sante.fr/pdf/5/rbp/reco_diabete_2006.pdf.
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