« EN MATIÈRE de biotechnologies, la France reste en retard, par rapport aux États-Unis, mais aussi, par rapport à l'Europe du Nord. Elle a été marquée par de grands choix technologiques, pris il y a une quarantaine d'années: industrie spatiale, transports, nucléaire civil… Mais aujourd'hui, l'enjeu est de savoir s'il reste une place pour développer un nouveau secteur d'importance stratégique : les biotechnologies», souligne Pierre Tambourin, directeur général de Genopole (Évry) et président d'EuroBiO 2008, en présentant la manifestation.
Ce retard, la France pourrait le rattraper grâce à plusieurs facteurs structurants. C'est du moins l'avis du Dr Philippe Pouletty, président de France Biotech : «Notre recherche universitaire en sciences de la vie doit être de très haut niveau mondial. Pour que naissent des innovations de rupture, les présidents d'université doivent attirer et retenir les meilleurs chercheurs. Par ailleurs, pour instaurer la concurrence et financer les meilleurs projets, une importante fraction des financements des organes de recherche et des universités doit passer par une agence de moyen. Elle existe: c'est l'Agence nationale de la recherche (ANR). Or son poids financier ne représente que 7% des budgets de la recherche publique. Cela signifie que 93% sont toujours distribués de façon quasi automatique et non en fonction de la qualité des chercheurs», déplore le Dr Pouletty.
Nul doute que, pour produire de grandes innovations, la France devra exceller en matière de recherche fondamentale. «Les chercheurs doivent poser les bonnes questions fondamentales sur l'origine de la vie, en encore sur la façon dont les cellules “se parlent”… On oublie souvent, à tort, que l'origine des anticorps monoclonaux anti-TNF et anti-VEGF –indiqués dans le traitement des maladies inflammatoires et des cancers– ne provient pas de projets finalisés mais de la recherche fondamentale», rappelle encore le Dr Pouletty.
Vers une médecine personnalisée.
Les enjeux des biotechnologies, pour la médecine du futur, sont de taille. «La médecine dite individualisée se développera, dans les prochaines années, pour des pathologies autres que les maladies rares et les cancers. Il faudra allier la pharmacogénétique et la pharmacogénomique à certaines molécules, et associer, pour chaque patient, la molécule optimisée. Les entreprises de biotechnologies joueront aussi un rôle important dans le secteur de la médecine régénérative autour des cellules souches, des approches de thérapie génique et de la chirurgie génétique.La biologie vivra la même révolution que ce que la chimie a connu il y a deux siècles: se dessine ainsi une biologie de synthèse supplantant celle qui est analytique», précise Pierre Tambourin.
De son côté, le Dr Pouletty estime que les médicaments de demain seront plus complexes du point de vue moléculaire. «Les thérapies cellulaires n'en sont aujourd'hui qu'à leur balbutiement. Nous espérons, par exemple, que des cellules dérivées de sang de cordon ou d'ailleurs –qui se différencient en myocytes– injectés dans la paroi du muscle cardiaque, se mettront à battre de façon synchrone pour remplacer une partie du muscle, mort à la suite d'un accident vasculaire.» Le président de France Biotech vient, par ailleurs, d'investir dans un projet de coeur artificiel, mêlant biologie, électronique et matériaux de pointe, qui pourrait être une solution alternative à la transplantation cardiaque lorsqu'elle n'est pas possible.
«La médecine de 2050 utilisera, de plus en plus, les “biodevices” implantables permettant d'observer ce qui se passe en permanence dans le sang ou ailleurs, de “parler” à d'autres cellules ou encore de les stimuler… Dans une vingtaine d'années, la plupart des diabétiques seront traités par des implants de cellules dérivés de pancréas ou de pseudocellules qui auront des fonctions simplifiées de monitoring de la glycémie ou de relargage de l'insuline. Le mariage entre le “medical device”, l'électronique, les nanotechnologies et la biologie sera probablement l'une des grandes révolutions des trente prochaines années. Et les entreprises travaillant sur des mélanges de molécules, de protéines complexes, de cellules ou de pseudo-cellules, auront un grand avenir», prédit le Dr Pouletty.
Les enjeux d'EuroBiO 2008
EuroBiO 2008 se déroulera à Paris les 7, 8 et 9 octobre dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. L'objectif : permettre aux chercheurs, aux industriels et aux politiciens de mettre en place les fondements d'un environnement essentiel pour que les sciences du vivant contribuent à la prospérité européenne. Les acteurs des biotechnologies pourront, à l'instar de BiO aux États-Unis, démontrer, leur valeur ajoutée dans le domaine de la santé, mais aussi, de l'environnement et de l'agro-industrie. EuroBiO bénéficiera d'un comité international prestigieux (conférences, expositions, convention d'affaires et de recrutement). Le travail des experts qui y sera effectué donnera naissance à un rapport qui circulera en Europe en 2009, en vue de la présidence européenne de la Suède. L'organisation d'EuroBiO 2008 a été confiée à Paris et la région Île-de-France, sous la responsabilité opérationnelle de l'Agence régionale de développement (ARD) et ses partenaires.
En savoir plus : www.eurobio2008.com.
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