LE CANCER du pancréas, devenu la quatrième cause de mortalité chez l'homme aux Etats-Unis, a, en France, une incidence annuelle de 5 à 10 cas pour 100 000 habitants, soit de 3 000 à 6 000 nouveaux cas chaque année, en particulier chez les sujets de plus de 65 ans, et chez les hommes. Le tabagisme est reconnu comme un facteur favorisant, il serait responsable d'un cancer du pancréas sur trois. La pancréatite chronique, le diabète non insulinodépendant et un régime riche en graisses animales ont été incriminés. Dans près de 90 % des cas, les tumeurs sont des adénocarcinomes exocrines. Ils sont situés le plus souvent au niveau de la tête du pancréas. La présentation clinique, fonction de la localisation de la tumeur, comporte un ictère cholestatique cutanéo-muqueux lentement progressif, sans douleur ni fièvre, qui est habituellement le premier signe des cancers céphaliques. Les localisations corporéocaudales s'accompagnent d'une douleur une fois sur deux. Le diagnostic peut également être évoqué en cas de maladie thromboembolique récidivante.
Le diagnostic d'adénocarcinome pancréatique est difficile. Les symptômes surviennent en effet tardivement. En dépit des progrès de l'imagerie, le traitement curatif chirurgical n'est possible que dans moins de 10 % des cas. C'est pourquoi un marqueur biologique sensible et spécifique permettant un diagnostic précoce est recherché de longue date.
Parmi les examens biologiques d'orientation, le marqueur CA 19-9 est un antigène glucidique sialylaté du groupe sanguin de Lewis qui peut être mis en évidence dans beaucoup d'adénocarcinomes de la région digestive, en particulier en cas de tumeur pancréatique. Il n'est toutefois pas spécifique du tissu tumoral, puisque le suc pancréatique en contient. Le CA 19-9 n'est pas non plus spécifique d'un organe, puisqu'il est présent dans de nombreux tissus. Son taux est fréquemment augmenté en cas de tumeur pancréatique déjà volumineuse, mais il est peu sensible pour la détection des petites tumeurs. Ainsi, le dosage du taux sérique de CA 19-9 n'est ni spécifique d'organe ni d'une affection maligne. Les cas de faux positifs sont particulièrement gênants puisqu'il s'agit de pathologies comme le diabète, la cholestase ou la pancréatite chronique, au cours desquelles le diagnostic d'adénocarcinome pancréatique peut être suspecté. Ainsi, le dosage du CA 19-9 n'est pas suffisamment sensible pour le dépistage des adénocarcinomes pancréatiques opérables. Concernant la valeur pronostique du taux de CA 19-9, plusieurs travaux ont montré qu'il ne permettait pas d'effectuer la discrimination entre les tumeurs résécables et celles qui ne le sont pas.
Le renouveau du CA 19-9.
En revanche, le taux de CA 19-9 est corrélé au pronostic postopératoire et à la durée de la survie, en particulier en cas de chimiothérapie systémique. Une publication récente à propos de deux cas est démonstrative (1, 2). Chez les deux patients, le taux de CA 19-9 était très élevé avant traitement, respectivement 7 505 et 150 000 U/ml. Ces taux ont diminué de plus de 90 % sous chimiothérapie par gemcitabine. Une réponse clinique satisfaisante a été obtenue dans les deux cas, avec des délais de progression de 30 et 28 semaines respectivement, et des survies de 14 et 11 mois. Ainsi, la cinétique du CA 19-9 sous chimiothérapie pourrait servir de marqueur du délai de progression et de la survie sous chimiothérapie. Concernant les traitements, certaines tumeurs peuvent être considérées comme résécables après bilan d'extension. L'exérèse curative n'est que rarement possible (moins de 20 % des cas). La pancréatectomie totale est génératrice d'un diabète difficile à équilibrer, ainsi que d'une insuffisance pancréatique exocrine. Son indication reste donc exceptionnelle.
La chimiothérapie peut être envisagée chez les patients en bon état général (3). Les taux de réponse sont de l'ordre de 15-30 % avec la gemcitabine en monothérapie. Mais la chimiothérapie au cours du carcinome pancréatique évolue. Des études récentes ont démontré que l'association de gemcitabine et d'un autre agent systémique peut améliorer les résultats par comparaison avec ceux qui ont été obtenus en monothérapie standard par gemcitabine. En particulier l'association de gemcitabine et de capécitabine (Gem-Cap), une prodrogue administrée par voie orale puis métabolisée dans l'organisme en 5-fluoro-uracile, semble prometteuse. Sa supériorité significative en termes de survie par comparaison avec la monothérapie par gemcitabine a été démontrée au cours d'une grande étude de phase III. Des bénéfices significatifs en termes de survie ont été obtenus grâce à l'association de la gemcitabine à l'erlotinib, qui appartient aux molécules agissant sur la famille des facteurs de croissance épidermique. Les résultats d'une étude de phase III sont ainsi encourageants. En revanche, les études évaluant le cetuximab ou le bévacizumab associés à la gemcitabine se sont révélées négatives. Des thérapeutiques multicibles permettront probablement d'obtenir des résultats satisfaisants.
D'après un entretien avec le Pr Michel Ducreux, institut Gustave Roussy, Villejuif.
(1) Boeck S et coll. Onkologie 2007;30:39-42.
(2) Ducreux M et coll. Onkologie 2007;30(1-2):12-3.
(3) Ducreux , et coll. Semin Oncol 2007;34(2 Suppl 1):S25-30.
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