Les études ayant évalué le torcetrapib ont montré que cet inhibiteur de la Cetp (Cholesterol Ester Transfert Protein) permet d'augmenter de 60 % le HDL cholestérol plasmatique, mais qu'il augmente le risque d'événements cardio-vasculaires et de décès. Ce paradoxe a été largement discuté lors des sessions scientifiques de l'American College of Cardiology.
LES DONNÉES de la recherche fondamentale et de l'épidémiologie d'observation sont en faveur d'un rôle vasculo-protecteur du HDL cholestérol (HDLc). Ainsi, les travaux de recherche fondamentale ont montré que le HDLc permet en quelque sorte d'absorber le cholestérol excédentaire des parois vasculaires, de le transporter vers le foie, où il sera excrété avec les sucs biliaires dans l'intestin. Plus encore, des travaux plus récents ont montré que le HDLc a un effet direct sur l'endothélium vasculaire : ainsi, la fraction native du HDL libère du monoxyde d'azote hors des cellules endothéliales, a une action vasodilatatrice et inhibe l'agrégation plaquettaire.
Les travaux d'épidémiologie d'observation ont, par ailleurs, montré qu'il existe une relation inverse entre le taux plasmatique de HDLc et le risque cardio-vasculaire : pour toute élévation de 1 % du HDLc plasmatique, le risque coronarien est moindre de 2 % chez l'homme et de 3 % chez la femme.
Ces éléments ont contribué à qualifier le HDLc de bon cholestérol. Plus encore, ils ont suscité des recherches pharmacologiques spécifiques pouvant permettre d'augmenter le HDLc chez les patients dont les taux plasmatiques sont bas et qui sont donc à risque cardio-vasculaire élevé, et chez les patients déjà traités par statines et qui restent à risque cardio-vasculaire élevé.
Inhiber l'action de la Cetp.
Le métabolisme du HDLc étant très complexe, de nombreuses pistes ont été et sont exploitées dans l'objectif de pouvoir élever ses taux plasmatiques. Il a ainsi été constaté dans des populations japonaises que des patients ayant un déficit total ou partiel en Cetp (Cholesterol Ester Transfert Protein) avaient des taux élevés de HDLc et, parmi d'autres, une molécule a été développé permettant d'inhiber l'action de la Cetp, le torcetrapib. Les essais cliniques préliminaires ont montré que l'administration de 60 mg/j de cette molécule permet en moyenne d'augmenter de 60 % le HDLc et celle de 120 mg/j de 106 %.
Un important programme de développement clinique a alors été lancé permettant de juger, comparativement à un placebo, si cette molécule permet de modifier favorablement l'épaisseur intima-média carotidienne (études RADIANCE 1 et 2), l'athérome coronaire (étude ILLUSTRATE) et de diminuer la morbi-mortalité cardio-vasculaire (étude ILLUMINATE).
Cependant, début décembre 2006, l'arrêt du développement du torcetrapib a été annoncé, les résultats intermédiaires de l'étude ILLUMINATE ayant montré une augmentation de la mortalité totale précoce avec cette molécule. Lors de l'ACC, les résultats définitifs des études RADIANCE 1 et 2 et ILLUMINATE ont été présentés.
L'étude ILLUSTRATE a évalué contre placebo, chez 910 patients recevant tous de l'atorvastatine, l'effet du torcetrapib (60 mg/j), sur l'évolution à 24 mois de l'athérome coronaire évalué par échographie endocoronaire. Elle a permis de constater que le HDLc a augmenté de 58 % et le LDL diminué de 13 % par rapport à l'état basal sous torcetrapib. Cependant, il n'a pas été mis en évidence de différence significative en termes d'évolution du volume d'athérome coronaire entre le groupe sous placebo et celui sous torcetrapib.
L'étude RADIANCE1 porte sur 902 patients ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote et recevant tous de l'atorvastatine. Cet essai a évalué l'effet du torcetrapib (60 mg/j), sur l'évolution à 24 mois de l'athérome carotidien mesuré par échographie. Là aussi, comparativement à l'état basal, le HDLc a augmenté significativement, de 52 %, et le LDL a diminué de 21 %, sous torcetrapib. Là aussi, il n'a pas été mis en évidence de différence significative en termes d'évolution du volume d'athérome carotide entre le groupe sous placebo et celui sous torcetrapib. De plus, il a été mis en évidence une progression plus importante de l'athérome de la carotide commune sous torcetrapib.
Menée contre placebo auprès de 752 patients ayant une dyslipidémie mixte (avec des triglycérides supérieurs à 1,5 g/) et recevant tous de l'atorvastatine, l'étude RADIANCE2 a apprécié l'effet du torectrapib (60 mg/j), sur l'évolution à 24 mois de l'athérome carotide évalué par échographie. Encore une fois, sous torcetrapib, le HDL cholestérol a augmenté de 63 % et le LDL diminué de 18 % par rapport à l'état basal. Et, encore une fois, il n'a pas été mis en évidence de différence significative en termes d'évolution du volume d'athérome carotidien entre le groupe sous placebo et celui sous torcetrapib. Ainsi, ces trois études ont des résultats concordants : alors que le HDLc plasmatique augmente de près de 60 %, il n'a pas été mis en évidence d'effet favorable et significatif sur l'évolution de l'athérome coronaire ou carotidien. Plus encore, dans ces trois études, il est mis en évidence une augmentation de la pression artérielle sous torcetrapib et une tendance à une augmentation des événements cardio-vasculaires. C'est ainsi un des premiers éléments disponibles concernant les effets de cette molécule : les événements défavorables sont d'origine cardio-vasculaire. Paradoxe.
Ces essais ont conduit à une discussion n'ayant pas permis d'apporter d'explication univoque, mais uniquement de proposer trois grandes hypothèses.
En premier lieu, il est possible que, si l'inhibition de la Cetp permette d'augmenter le HDLc, ce dernier n'ait plus toute sa fonctionnalité bénéfique. Il est même possible que l'activation de la Cetp, permettant de diminuer le HDLc, puisse au contraire être bénéfique en permettant un plus grand passage du cholestérol estérifié des HDL vers les particules de LDL et de Vldl, comme semble le montrer un autre essai présenté lors de ce congrès.
En second lieu, il est possible que l'élévation de pression artérielle ait contrebalancé le bénéfice potentiel d'une élévation du HDL. Mais la précocité de survenue des événements cardio-vasculaires, notamment coronariens, n'est pas en faveur d'une responsabilité exclusive de l'augmentation modérée de pression artérielle.
Enfin, il est possible que le torcetrapib ait une toxicité propre dont l'élévation de pression artérielle n'en serait que le reflet, par notamment une action spécifique sur l'endothélium.
Une histoire édifiante.
L'histoire du torcetrapib montre qu'une élévation nette et importante du HDLc peut être néfaste et donc que toute stratégie thérapeutique ayant comme objectif de moduler le taux ou l'action du HDLc doit impérativement être évaluée en termes de conséquences cliniques.
Le HDL cholestérol reste un marqueur puissant.
Pour la pratique, le HDLc « spontané », c'est-à-dire celui dosé hors traitement pharmacologique agissant sur les paramètres lipidiques, reste un marqueur puissant et majeur du risque cardio-vasculaire : cet élément n'est pas remis en cause. Ce taux spontané traduit probablement tout à la fois un terrain génétique (donc une synthèse du HDL spécifique) et des habitudes hygiénodiététiques qui sont corrélés avec le risque cardio-vasculaire.
La valeur à accorder à un taux de HDL dosé sous un traitement pharmacologique agissant sur les lipides n'est plus établie. Ainsi, si sous statine, le HDL augmente, il ne faut pas pour autant diminuer la posologie de la molécule en arguant que le patient vient de diminuer d'un niveau de risque, c'est uniquement la diminution du LDL qu'il faut prendre en compte par rapport au risque initial. En pratique, mieux vaux agir avec une bonne molécule sur le mauvais cholestérol qu'avec une mauvaise molécule sur le bon cholestérol.
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