« À la différence de la grippe, il n’y a pas un seul, mais plusieurs virus qui sont en cause dans les gastro-entérites» souligne Antoine Flahaut (école des hautes études en santé publique et Hôtel-Dieu, Paris) lors d’une séance thématique de l’académie de médecine. La bande des quatre est constituée par le calicivirus, le rotavirus, l’astrovirus et l’adénovirus. « Ces virus sont loin d’expliquer l’ensemble des gastro-entérites car 60 % sont de cause inconnue » poursuit le spécialiste. Ainsi, il serait possible de mieux connaître la cause de certaines gastro-entérites si on recherchait plus systématiquement la présence de picobirnnavirus, de torvirus ou d’entérovirus.
De plus, selon Pierre Pothier (CHU de Dijon), il y a un risque d’émergence de nouvelles souches de rotavirus en raison de leur variabilité génétique temporelle et géographique. Par exemple, le rotavirus G9 repéré en Inde dans les années 1980 est apparu en 2004 et 2005 en Europe et a suivi une courbe exponentielle, trois mutations lui ayant permis de s’adapter.
Les gastro-entérites sont très contagieuses : la contamination s’effectue très rapidement par voie oro-fécale avec des virus très résistants sur les surfaces souillées. On retrouve aussi de l’ARN de rotavirus dans l’air des chambres des malades, ce qui peut expliquer sa dissémination nosocomiale massive.
Vaccin protecteur
En France, on recense 300 000 cas par an motivant 130 000 consultations, 19 000 hospitalisations, 13 décès et un coût de 44 millions d’euros. « Il existe deux vaccins atténués contre le rotavirus, Rotarix® et Rotateq® », rappelle le Pr Emmanuel Grimprel (hôpital Trousseau, Paris). Les pays qui les ont incorporé dans le calendrier vaccinal sont peu nombreux. on retrouve toutefois les Etats-Unis, le Canada, plusieurs pays d’Amérique du Sud, l’Autriche, la Belgique, Chypre, la Finlande, la Lettonie et le Luxembourg.
Pourtant, la vaccination de masse contre les gastro-entérites à rotavirus présente un intérêt car le pic épidémique de gastro-entérite survient en général dans les 15 jours qui suivent l’épidémie de bronchiolite. Et les enfants malades, en situation de détresse respiratoire ou de déshydratation, viennent alors saturer les services d’urgence dans les mois de décembre et janvier. L’avantage de la vaccination de masse s’illustre avec l’expérience américaine : « aux Etats-Unis, le pic épidémiologique s’est effondré sur deux saisons consécutives par rapport à l’ère pré-vaccinale » rapport le spécialiste. Ces données sont confirmées par plusieurs expériences : un travail brestois montre une réduction de 98 % des admissions pour gastro-entérites à rotavirus chez les enfants de moins de deux ans vaccinés. Au Mexique, juste après la mise sur le marché où le schéma complet à deux doses de Rotarix n’a concerné que 51 % de la population-cible, le nombre de décès a reculé de 35 %. La Belgique et l’Autriche rapportent des expériences positives du même ordre.
La vaccination a aussi un effet de protection indirecte, en limitant de 15 à 20 % la transmission virale. « Ce sont les premiers agents viraux responsables d’infections nosocomiales dans nos hôpitaux » rappelle le Pr Grimprel. De polus, au niveau des effets indésirables graves, les données concernant le Rotateq et le Rotarix sont très rassurantes : exploré dans de très larges études post-marketing, le risque d’invagination intestinale aiguë s’est avéré 100 fois plus faible avec ces deux vaccins que le taux observé avec le Rotashield, premier vaccin aujourd’hui retiré. L’agence européenne (EMEA) a considéré que le bénéfice/risque était positif, mais elle insiste sur les mesures correctives que devaient apporter les industriels pour pallier la présence d’ADN de circovirus porcin constatée dans certains lots de vaccins, probablement contaminés par la trypsine de porc. Mais en réalité, c’est le rapport coût-efficacité qui justifie actuellement la réticence des autorités de santé pour inclure ces vaccins dans le calendrier vaccinal.
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