«NOS DONNEES confortent l'hypothèse selon laquelle la survie spécifique d'un cancer peut être prédite à partir de la survie d'un parent atteint d'un cancer au même site», déclarent Linda S. Lindström et coll. (Stockholm, Suède) à l'issue d'un travail monumental portant sur plus de 1 million de patients atteints de cancer.
Leur étude est née d'un constat : alors que des antécédents familiaux de cancer constituent un risque avéré pour un individu, bien moins d'éléments d'appréciation sont connus sur la corrélation entre les survies. Pour l'évaluer, les auteurs ont tiré partie de la puissance statistique des registres suédois des cancers, qui remontent à 1958. Ils ont pu analyser les données issues de 11 millions d'individus, constituant environ 3 millions de familles. En sont apparues des données statistiques sur les relations entre les survies d'un parent et de son enfant atteints tous deux d'un cancer, de même site ou non. Une modélisation mathématique a permis ensuite de chiffrer le risque.
Cancers atteignant le même organe.
D'emblée, notons l'absence de corrélation entre les survies du parent et de son enfant lorsqu'ils déclarent un cancer sur des sites différents. En revanche, devant des cancers atteignant le même organe, un pronostic de durée de survie peut être établi d'après l'évolution de la tumeur parentale.
En premier lieu, il se confirme que, lorsque le parent est décédé dans les dix ans suivant un diagnostic de cancer du sein, colo-rectal ou de la prostate, la survie de son enfant atteint est écourtée, par rapport à celui dont les parents ont survécu plus de dix ans. Un risque relatif a pu être calculé, fondé sur la comparaison entre les mauvaises et bonnes survies des parents concernés. Il est évalué à 1,44 pour une lésion colo-rectale ; 1,39 pour le cancer du poumon ; 1,75 pour un cancer mammaire ; 2,23 pour le cancer de l'ovaire et 2,07 pour celui de la prostate. Hormis dans le cas de la lésion ovarienne, toutes ces associations sont significatives, avec une tendance, significative aussi, pour une majoration du risque à mesure que la survie parentale est écourtée.
Une telle concordance pourrait s'expliquer par des facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Le rôle des gènes est connu dans le pouvoir métastatique d'une tumeur. Des variants alléliques peuvent modifier la probabilité de survenue des métastases. Ces mêmes variations peuvent également influer sur la réponse immune face à la dissémination. La réponse thérapeutique peut être, au moins en partie, liée à l'hérédité. Des variations génétiques, enfin, ont été impliquées dans l'agressivité de certaines lésions, notamment pulmonaires, colo-rectales ou mammaires.
Similitudes sociales et sanitaires.
Quant à la participation de l'environnement, elle se situe, notamment, au plan des comportements. Les auteurs considèrent qu'existent des similitudes sociales et sanitaires entre les parents et leurs enfants ; elles peuvent influer sur l'évolutivité de la tumeur. Cette hypothèse serait confirmée par un constat : alors même qu'ils étaient prévenus, ceux dont les parents étaient décédés n'ont pu tirer bénéfice de la surveillance accrue.
Dans un commentaire, un médecin israélien, Ora Paltiel (Jérusalem), trouve deux faiblesses à ce travail. La première porte sur le nombre de sites tumoraux analysés : seulement quatre. La seconde concerne le manque d'informations sur les stades et les grades des cancers. Des indications qui ne figuraient pas dans les registres, selon les auteurs. Ces derniers, comme l'éditorialiste, concluent sur le besoin d'études de biologie moléculaire pour mettre en valeur les déterminants génétiques de la survie.
« Lancet Oncology », vol. 8, novembre 2007, pp. 961-962 (éditorial) et 1001-1006.
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