SI LES TATOUEURS d’autrefois parlaient de révolte, ceux d’aujourd’hui mettent d’abord en avant leurs compétences artistiques et leur respect de l’hygiène : ces deux arguments attirent et rassurent leur clientèle, et un tatoueur qui n’en tiendrait pas compte aurait peu de chances de prospérer dans son métier… d’autant que le marché commence à se saturer. «De quelques dizaines de boutiques en France, on est passé à plusieurs centaines, et la moindre ville de dix mille habitants compte au moins un studio», explique Yann Gouet, tatoueur à Vannes et organisateur d’une convention qui s’est tenue récemment à Nantes, avec plus de 60 tatoueurs et près de 2 000 visiteurs. Les conventions, très nombreuses dans les pays anglo-saxons et germaniques, se multiplient désormais à travers la France, reflétant le développement rapide du secteur depuis quelques années.
Tous les styles.
Nombre de tatoueurs ont suivi une formation artistique, de plasticien ou de graphiste, et certains expliquent qu’ils ont choisi la peau comme ils auraient pris le papier ou la toile pour s’exprimer. Savoir dessiner est en effet la première qualité du tatoueur, qui réalisera son motif sur du papier, puis le décalquera ou le recopiera au feutre sur la peau de son client, avant de passer à l’encrage définitif. L’encrage est pratiqué avec un dermographe, outil électrique qui permet à l’aiguille de piquer la peau de 1 000 à 2 000 fois par minute ; grâce à l’évolution des techniques et des aiguilles, on peut réaliser des motifs et des dessins de plus en plus fins, dans le style choisi par le client, et appliqués par le tatoueur.
Car loin d’être uniforme, le tatouage se répartit en plusieurs écoles. Le tatouage traditionnel européen et américain, dit « old school », aime les motifs symboliques, les traits pleins et les couleurs vives, alors que le « new school » privilégie les formes et des dessins plus innovants, souvent humoristiques ou fantastiques, au même titre que le biomécanique, qui associe des motifs animaux, humanoïdes et techniques. Le style japonais, très coloré, foisonne de dragons, d’animaux et de végétaux, tandis que le tribal, aujourd’hui en perte de vitesse, évoque en monochromie les tatouages polynésiens.
Règles d’hygiène.
A côté des aspects artistiques, l’hygiène est devenue l’autre grand critère de qualité des studios. La presque totalité d’entre eux disposent désormais d’autoclaves et de matériel de stérilisation comparables à ceux que l’on trouve chez les professionnels de santé. Les aiguilles à usage unique, de même que le port de gants, sont devenues la règle, même s’il existe encore des ateliers qui ne la respectent pas. Les studios peuvent être contrôlés par les services d’hygiène et, le cas échéant, être sanctionnés ou fermés. Et comme le milieu du tatouage fonctionne beaucoup par bouche-à-oreille et par réputation, les clients savent, en général, chez qui aller ou pas, tant en matière de qualité que d’hygiène. Outre le matériel de stérilisation, les aiguilles et les dermographes, les tatoueurs utilisent de nombreuses crèmes et lotions, produits par des laboratoires de cosmétologie, mais spécifiquement adaptés aux soins d’entretien du tatouage, que ce soit dans les jours suivant sa réalisation ou à long terme. Ces crèmes sont vendues par les tatoueurs, mais, explique un fournisseur, certains pharmaciens souhaitent, eux aussi, prendre pied sur ce marché.
La revendication d’un statut.
Le matériel utilisé fait l’objet de nombreux contrôles, notamment après que des composants potentiellement cancérogènes eurent été découverts dans certaines encres, lesquelles sont désormais encadrées par une directive européenne.
Mais les tatoueurs voudraient aller encore plus loin et réclament depuis plusieurs années un statut légal pour l’ensemble de leur profession. Aujourd’hui, n’importe qui peut ouvrir un studio, il n’y a pas de diplôme reconnu, et l’apprentissage, que l’on suit généralement chez un tatoueur expérimenté, n’est pas obligatoire.
Aujourd’hui, un bon tatoueur peut vivre très correctement de son métier, même si les différences de revenu sont considérables d’un studio à l’autre. Les tatoueurs sont en général rémunérés à l’heure, avec un prix moyen avoisinant les 80 à 100 euros, et jusqu’à 300 euros de l’heure, voire plus, pour les vedettes de la profession.
Si le nombre de nouveaux clients commence à se tasser, en raison de la progression sensible des studios – dont le nombre a été multiplié, par exemple, par deux ou trois dans l’Ouest ces cinq dernières années –, les tatoueurs accueillent de plus en plus de passionnés, désireux d’obtenir plusieurs pièces, souvent de grande dimension, et même de se faire tatouer entièrement. Mais de nombreux clients, jeunes ou moins jeunes, poussent aussi la porte d’un studio pour un tatouage unique, discret ou non, parfois rêvé depuis des années. La clientèle est large, issue de tous les milieux sociaux et professionnels, et exprime clairement ses exigences. Le tatoueur doit conseiller et informer son client, pour que le résultat corresponde au mieux à sa demande. Pour toutes ces raisons, souligne Yann Gouet, «un tatoueur sérieux et intelligent ne prendra aucun risque, ni sur le plan de l’hygiène ni sur celui des motifs et de la qualité».
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