DE NOTRE ENVOYE SPECIAL
UNE VINGTAINE DE PERSONNALITÉS du monde de la santé étaient invitées à participer il y a quelques mois à un congrès médical à Abu Dhabi (Emirats arabes unis). Organisé par le ministère de la Santé local et le groupe privé Global Medical Forum Fondation, ce rassemblement avait pour objectif de définir les conditions propices au développement d'un « système de santé d'excellence » dans ce petit pays du Moyen-Orient. Né en 1971 de l'alliance de sept émirats, les EAU sont un curieux mariage entre traditions bédouines et modernité. Sous la présidence de son « père fondateur », le cheikh Zayed, dont la mort en novembre 2004 a provoqué un traumatisme, le pays s'est développé à une vitesse phénoménale. Grâce à l'industrie du gaz et du pétrole, il possède aujourd'hui des infrastructures modernes. Son système de santé est classé à la 27e place au hit-parade de l'Organisation mondiale de la santé (1). Le gouvernement consacre 6 % du PIB au budget de la santé. Les 4 millions d'habitants, dont 25 % d'autochtones, ont à leur disposition 22 hôpitaux publics. Les cliniques privées foisonnent depuis quelques années sous l'influence de groupes venus de l'étranger, des Etats-Unis, principalement. « La couverture en médecins et en lits est suffisante », indique le cheikh Hamad Abdul Rahman Al Madfa, ministre de la Santé. Les hôpitaux du pays comptent plus de 3 000 médecins (341 dans le secteur privé, 2 800 dans le secteur public). Des centaines de médecins généralistes exercent également dans les 115 centres de soins primaires qui couvrent l'ensemble de la population.
Le système de santé émiriote est facilement accessible à la population. Il est entièrement gratuit pour les citoyens des EAU. Les résidents étrangers doivent pour leur part se procurer une carte d'accès pour une valeur modique. « Nous avons réalisé de gros progrès au cour des trois dernières décennies en améliorant la santé et le confort des citoyens et des résidents, en répondant aux critères de l'OMS en termes de mortalité infantile ou d'espérance de vie », commente le ministre de l'Education des EAU, cheikh Nahyan Bin Moubarak Al Nahyan. Devant le développement économique de notre pays et l'augmentation de la population, nous devons relever le défi en proposant un système de santé toujours plus performant. » Les dirigeants du pays essaient aujourd'hui de retenir les concitoyens qui n'hésitent pas à faire des milliers de kilomètres pour se faire soigner à l'étranger.
Dans cette optique, les Emirats arabes unis ont ouvert leurs frontières à de nombreux médecins étrangers, des Etats-Unis, d'Europe, mais aussi de pays voisins du Moyen-Orient.
« Aucun problème de budget ».
Fleuron du système de santé émiriote, l'hôpital Al Rahba illustre ce cosmopolitisme. Ouvert il y a deux ans entre Dubai et Abu Dabhi, l'établissement est doté de 6 salles opératoires et 140 lits. Il propose des services de médecine, d'urgences, de chirurgie, de pédiatrie, de réanimation, de soins intensifs, mais aussi un département dentaire. Cet hôpital tourne essentiellement grâce aux médecins et aux personnels soignants étrangers. Un seul des cent dix médecins qui y exercent est citoyen des EAU. Cette diaspora concerne également l'embauche des infirmières, au nombre de deux cent vingt. « Nous recrutons tous du personnel, mais nous rencontrons un gros problème pour engager des infirmières du pays », reconnaît Salma am Hanaei, responsable de leur recrutement. Celles-ci viennent principalement de pays voisins, les Philippines, l'Inde, la Jordanie. « Les filles du pays veulent être médecin, pas infirmière », commente Salma am Hanaei (voir encadré).
Les médecins des pays voisins sont essentiellement attirés par les conditions de rémunération. « Les salaires sont confortables ici, il n'y a pas de taxe », commente un endocrinologue allemand. S'il reste discret sur le budget de son établissement, le directeur médical de l'hôpital avoue « n'avoir aucun problème de budget ». Dans le secteur public, un médecin généraliste gagne 9 000 dirhams par mois (environ 2 000 euros). Les médecins spécialistes touchent pour leur part 13 000 dirhams (2 700 euros). Tous ont des avantages, comme des billets de voyage pour eux et leur famille. Dans certaines spécialités, des médecins au statut de consultant disposent de revenus largement supérieurs, de 3 900 à 7 800 euros.
Français à Abu Dhabi.
Le Dr Jean-Paul Couetil, ancien chef de service chirurgie cardiothoracique et vasculaire à l'hôpital parisien de Bichat, a été séduit par le défi émiriote. Il y a sept mois, il s'est installé avec un cardiologue et un anesthésiste français à l'hôpital Zayed d'Abu Dhabi. « Je compte rester quatre-cinq ans et promouvoir la médecine française ici, notamment en permettant des échanges d'étudiants et de spécialistes en formation », commente le praticien, qui dispense également des cours à l'université Al Aïn. « Il y a une réelle volonté d'améliorer le système de santé. Les médecins étrangers ont un grand rôle à jouer, mais leur participation doit se faire dans la compréhension du cadre, des habitants, de leurs différences sociologiques, religieuses et culturelles ».
(1) La mortalité infantile aux EAU est de 7 à 8 pour 1 000 naissances. L'espérance de vie est actuellement de 76 ans pour les femmes et de 74 ans pour les hommes.
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